Anabel Graetz se confie sur son succès tardif à Hollywood, à l’âge de 77 ans
Jusqu’à ce qu’elle donne la réplique à Ryan Reynolds dans « Free Guy » en 2019, l’artiste juive ne vivait pas de son art : « C’est sympa d'avoir du succès sur le tard »
NEW YORK — Anabel Graetz avait 77 ans lorsqu’elle a percé, professionnellement.
Après être apparue dans la comédie « Free Guy » en 2019, avec Ryan Reynolds, qui a rapporté 330 millions de dollars de recettes, Graetz a pu rembourser ses dettes pour la première fois de sa vie.
Elle a ensuite décroché d’autres rôles dans plusieurs films, dont « The Greatest Beer Run Ever ».
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« J’en avais tellement rêvé. Mon âge est un avantage. Peu d’acteurs peuvent faire ce que je fais », explique Graetz, aujourd’hui âgée de 80 ans, à propos de son premier rôle dans un film à succès hollywoodien.
Graetz est aux anges le jour où on lui propose d’auditionner pour le rôle de « Phyllis, la dame aux chats » de « Free Guy ».
Le jour de l’audition, elle ne réfléchit pas trop, après la lecture de son texte.
Quand on la rappelle, elle est heureuse, mais cette fois un peu nerveuse.
« En sortant de la seconde audition de ‘Free Guy’, je pensais avoir raté, même si le réalisateur, Shawn Levy, avait travaillé avec moi pendant plusieurs minutes. Je mettais mon manteau pour partir lorsque l’actrice qui m’avait succédé est sortie », dit-elle.
Il s’avère que Graetz n’a pas raté cette nouvelle audition, et elle se retrouve très vite à Boston, pour tourner durant deux semaines en pleine vague de chaleur et d’humidité.
« Sur le plateau, j’étais comme en famille. C’est tellement amusant de travailler avec Ryan Reynolds : avec lui, c’est vraiment un jeu. C’est un acteur très généreux. Que la caméra soit ou non sur lui, il est complètement présent et insuffle à son partenaire de jeu l’énergie nécessaire pour qu’une scène fonctionne vraiment », explique-t-elle.
Le succès tardif a quelque chose de grisant, confie Graetz.
Outre ces deux films, elle est également apparue dans la série de HBO « Olive Kitteridge » et « Difficult People », de Hulu.
Le succès lui donne envie de nouveaux rôles sur grand écran. Si tout se passe comme elle le souhaite, elle pense travailler jusqu’à ses 90 ans.
« J’ai commencé ma carrière comme actrice et j’auditionne toujours. Ça a quelque chose d’amusant », explique Graetz, dans une interview Zoom depuis son domicile de Lexington, dans le Massachusetts.
« C’est génial quand ce dont vous rêviez devient réalité, mais le plus intéressant dans tout ça, c’est que cela ne change pas vraiment les choses. Mais c’est très agréable d’avoir du succès sur le tard, du moins en ce qui concerne le succès public. »
Une artiste dans l’âme
Née à Omaha, dans le Nebraska, en 1942, Graetz grandit dans une famille religieuse.
Sa famille vit dans un quartier mixte – juif et chrétien – jusqu’à la fin de l’école primaire : ils se rapprochent alors de la synagogue pour permettre à sa mère de s’y rendre à pied.
Pour Shabbat et Pessah, ses parents accueillent des familles juives de la base aérienne voisine d’Offutt, qui servait de quartier général au Strategic Air Command.
Enfant, elle aime s’asseoir par terre pour écouter ad nauseam Over the Rainbow sur un disque 78 tours.
« Je connaissais les paroles par coeur. J’ai toujours voulu jouer et chanter », confie-t-elle.
Mais comme Graetz le dit elle-même, elle a du mal à se faire un chemin. Ses proches ne sont portés ni vers la musique ni vers le théâtre.
Son père, « incroyablement doué pour les chiffres », est contrôleur puis trésorier d’une chaîne de bijouterie. Sa mère est femme au foyer et brailliste bénévole, impliquée dans la préparation des ouvrages et du matériel de lecture pour les malvoyants.
« Mon goût semblait venu de nulle part jusqu’à ce que je découvre que mon arrière-arrière-grand-père était hazzan [chantre] à la synagogue portugaise de New York », se souvient-elle.
Dans les années 1970, en faisant des recherches généalogiques, elle apprend que ses ancêtres ont fui le Portugal dans les années 1400 et voyagé dans toute l’Europe – ils étaient ménestrels – avant de s’installer aux Pays-Bas.
Durant toute son enfance, Graetz fait partie d’un groupe de théâtre pour enfants et prend des cours d’élocution.
Elle participe à un concours avec une version de Bass Viol for Heaven de Shalom Aleichem, et même si elle n’a aucun souvenir de l’issue du concours, elle se rappelle distinctement prendre le tramway pour se rendre dès que possible au cinéma.
Quand vient le temps d’aller à l’université, elle s’inscrit à l’Université de l’Indiana. Déçue des cours, elle passe à l’Université de Boston, où elle se spécialise dans le théâtre.
Elle aurait voulu étudier à l’Actors Studio de New York, mais ses parents ne l’y ont pas autorisée. En effet, son choix de carrière les « épouvante », confie-t-elle.
Après avoir obtenu son diplôme en 1966, elle quitte Beantown pour la Big Apple et rejoint la distribution de la pièce off de Broadway, The Drunkard, jouée depuis une dizaine d’années déjà.
Trois ans plus tard, elle retourne vivre dans le Massachusetts, qu’elle ne quittera plus.
De la paillardise à la bonne société
Son parcours professionnel n’a pas été conventionnel, explique Graetz. Elle renonce aux rôles dans des films à Hollywood ou dans des pièces de théâtre à New York pour se concentrer sur son amour de l’histoire et de la musique.
C’est ainsi qu’elle rejoint les Bawdy Ladies, une troupe de six femmes qui chantaient des chansons paillardes mais d’un point de vue féminin.
Plus tard, elle fera partie des Proper Ladies, duo de femmes qui évoque le mouvement des suffragettes avec des arrangements a cappella de musique victorienne.
« Dès notre première soirée, nous avons décroché cinq concerts. Avec le recul, je pense que nous étions populaires parce que nous entrions dans un nouveau millénaire et que les gens étaient nostalgiques. Qui plus est, nous chantions très bien », déclare Graetz.
Même si les engagements dans la chanson complétaient ce qu’elle gagnait en donnant des cours de chant, Graetz n’a jamais gagné assez pour être à l’abri de soucis financiers.
Sa carrière se poursuit ainsi jusqu’à ses 62 ans. Ce n’est qu’alors, qu’elle signe un contrat avec Boston Casting, Inc, la boîte de casting la plus importante de la Nouvelle-Angleterre. Une fois là, Graetz obtient rapidement son premier rôle au cinéma. Elle interprète « Doris » dans un court métrage sur la sécurité en matière d’incendie, At Our Age, aux côtés de Tom Bosley, plus connu pour son rôle de Howard Cunningham dans la série télévisée Happy Days.
Les amis et la famille de Graetz étaient ravis de la sortie de Free Guy, raconte-t-elle. Et même si ce succès n’est pas encore tel que les gens l’arrêtent dans la rue pour lui demander un autographe, elle s’en félicite.
« Petite, quand je regardais des films, je ressentais toujours une certaine excitation lorsque le lion rugissait ou que les projecteurs s’allumaient au début ; je savais que c’était ce que je voulais faire », a-t-elle déclaré.
« La première fois que j’ai regardé Free Guy et que j’ai vu les projecteurs, j’étais tellement excitée – mon rêve était devenu réalité », poursuit Graetz. « Si mes parents pouvaient me voir maintenant, ils verraient que leur investissement a porté ses fruits. »
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