Après 81 ans d’existence, la radio publique israélienne s’éteint en musique
La “Voix d’Israël” ne diffuse plus depuis mercredi soir que de la musique et des informations à heure pile, avant que le nouveau radiodiffuseur public ne prenne la relève lundi

La radio publique israélienne a diffusé sa dernière émission mercredi soir, mettant ainsi fin à une histoire légendaire de 81 ans.
La fermeture de la radio s’inscrit dans le cadre du processus de remplacement de l’Autorité de radiodiffusion d’Israël (IBA) par une nouvelle corporation publique, appelée Kan, qui doit commencer à émettre le 15 mai.
La radio publique israélienne a commencé ses programmes en hébreu le 30 mars 1936, quand elle a été fondée sous le nom de l’Appel de Jérusalem, dans le cadre du service de radiodiffusion de la Palestine sous mandat britannique.
En 1950, l’Appel de Jérusalem a été fusionné avec la toute nouvelle radio publique israélienne, qui a pris l’antenne une minute avant la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948. Elle a continué à émettre sous le nom de radio publique israélienne jusqu’à mercredi soir, à 19h04.
Jusqu’en 1960, quand « Reshet Bet » a été fondée comme radio d’information, la radio publique israélienne ne diffusait ses programmes que sur « Reshet Aleph ». En 1976, « Reshet Gimmel » a été ajoutée à l’offre, et est devenue la radio musicale, exclusivement en hébreu, du service public israélien.

D’autres stations de radio sont ensuite venues s’ajouter à celles-ci, dont une dédiée à la musique classique, une autre en arabe, et des programmes pour les immigrants dans plusieurs langues, dont l’amharique et le russe.
La diffusion de « Reshet Bet » a cessé mercredi soir, avec la chanson d’Arik Einstein « nous nous reverrons », après les informations, qui ont été précédées des bips familiers indiquant l’heure pile et la phrase emblématique « Ici la voix d’Israël, depuis Jérusalem ».
Tous les programmes ont pris fin, à l’exception des informations qui seront diffusées toutes les heures entre des plages de musique jusqu’à ce que le nouveau diffuseur reprenne la suite lundi à 8h00.
Des dizaines d’employés de l’audiovisuel public se sont rassemblés pour être ensemble dans ces dernières heures, et les correspondants et les présentateurs ont raconté leurs souvenirs et leurs pensées au moment de la fin imminente.

Dans un entretien accordé mercredi à la Deuxième chaîne, Carmela Menashe, correspondante militaire de longue date de la radio publique israélienne, a déploré la fermeture de la radio emblématique.
« La radio publique israélienne était une maison. Quatre-vingt-un ans d’atouts inégalés sont terminés », a-t-elle dit.
Mardi, la Première chaîne de l’IBA a elle aussi diffusé son dernier programme, seulement deux heures après avoir appris sa fermeture, mettant fin à la première chaîne d’information du pays.
Les employés de la chaîne, qui pensaient que leur dernière diffusion serait le 15 mai, ont clôturé les informations du soir en interprétant l’hymne national « Hatikva », beaucoup étant en larmes.

La nature abrupte et bâclée de la fermeture a été vivement critiquée dans les médias, certains parlant de fin déshonorante pour une chaîne qui a défini le paysage médiatique israélien pendant la plupart de ses 49 ans d’exercice.
« En une seconde, ils ont informé [de la fermeture la présentatrice] Geula Evan au milieu de l’émission, comme si la route 443 fermait pour une demi-heure. C’est ainsi que l’on éteint la bande son d’Israël ? », a demandé Menashe sur la Deuxième chaîne, avec sa voix rocailleuse emblématique.

Aux côtés de Menashe, Haim Yavin, le présentateur retraité des informations de la Première chaîne qui a annoncé en 1977 la révolution politique qui avait mené au pouvoir, pour la première fois, le Likud de Menachem Begin, a demandé une commission d’enquête sur la fermeture de l’IBA.
Mercredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a nié être responsable de la fermeture soudaine de la chaîne, et a critiqué la manière dont elle avait été fermée, affirmant qu’elle était « irrespectueuse et déshonorante. »

L’IBA a été fondée en 1948 et a détenu le monopole de la télévision et de la radio en Israël jusque dans les années 1990.
Mercredi, le président Reuven Rivlin a raconté à la radio publique israélienne avant sa fermeture ses souvenirs de la radio quand il était enfant, tout en rappelant que le service public était essentiel à la préservation du caractère démocratique d’Israël.
« Sans média public, il n’y a pas de démocratie. Sans média public, l’Etat d’Israël n’est pas l’Etat d’Israël, a-t-il dit. Un radiodiffuseur public officiel est très important. Il permet au gouvernement d’exprimer ses politiques et de tenter de les expliquer à la population. Mais l’autorité de radiodiffusion appartient à la population parce que c’est l’autorité de radiodiffusion qui peut permettre à la population de formuler ses opinions. »