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Arabie: avec le poste de Premier ministre, MBS en quête d’une immunité

Le prince héritier pourrait bénéficier de l'immunité en raison de sa position, alors qu'il fait l'objet de plusieurs poursuites judiciaires aux États-Unis et en France

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, à droite, accueillant le président américain Joe Biden au palais Al-Salam à Jeddah, en Arabie saoudite, le 15 juillet 2022. (Crédit : Bandar Aljaloud/Palais royal saoudien via AP)
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, à droite, accueillant le président américain Joe Biden au palais Al-Salam à Jeddah, en Arabie saoudite, le 15 juillet 2022. (Crédit : Bandar Aljaloud/Palais royal saoudien via AP)

Le nouveau titre de Premier ministre du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane annoncé cette semaine pourrait s’avérer plus important à l’étranger qu’à l’intérieur du royaume où il exerce déjà un énorme pouvoir.

La nomination par décret royal du prince surnommé MBS est intervenue avant la date limite à laquelle l’administration du président américain Joe Biden doit se prononcer sur une question sensible : MBS peut-il bénéficier d’une immunité dans le cadre de poursuites engagées contre lui devant les tribunaux américains?

L’administration américaine devait trancher lundi mais a demandé vendredi un délai de 45 jours pour répondre, d’après un document juridique consulté par l’AFP.

Dirigeant de facto du pays qui est le plus grand exportateur de pétrole au monde, le prince âgé de 37 ans a été visé par de multiples plaintes ces dernières années, notamment en raison de l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat du royaume à Istanbul, dans lequel des ONG l’accusent d’être impliqué.

Un manifestant habillé comme le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed bin Salman (C), avec du sang sur les mains, proteste devant l’ambassade saoudienne à Washington, DC, pour demander justice pour le journaliste saoudien disparu Jamal Khashoggi, le 10 octobre 2018. (Jim WATSON / AFP)

Mais après la nomination de MBS au poste de Premier ministre, ses avocats ont fait valoir qu’il était à la tête du gouvernement de l’Arabie saoudite et pouvait donc bénéficier de l’immunité judiciaire.

Immédiatement après l’annonce de cette nomination, des militants des droits humains et critiques du gouvernement saoudien ont dénoncé une tentative visant à lui permettre de bénéficier d’une immunité.

Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de l’organisation américaine Democracy for the Arab World Now (DAWN), fondée par Khashoggi, a dénoncé auprès de l’AFP un « stratagème ».

En octobre 2020, deux ans après la mort de Khashoggi, l’ONG a déposé plainte aux Etats-Unis avec la fiancée du journaliste, Hatice Cengiz, accusant le prince d’être impliqué dans une « conspiration » ayant conduit à son enlèvement et à son assassinat après avoir été torturé.

M. Biden a déclassifié en 2021 un rapport concluant que MBS avait « validé » cet assassinat, ce que les autorités saoudiennes ont toujours démenti. L’affaire Khashoggi a valu au prince héritier plusieurs années d’isolement diplomatique.

La menace pour le prince d’être traduit devant les tribunaux américains va au-delà de l’affaire Khashoggi. Il a également été cité dans une plainte déposée par Saad al-Jabri, un ancien haut responsable du renseignement saoudien tombé en disgrâce en 2017.

Dans cette plainte, le prince est accusé d’avoir tenté d’attirer M. Jabri en Arabie saoudite depuis son exil au Canada, puis d’avoir déployé un groupe de tueurs à gages pour l’éliminer sur le sol canadien, un complot déjoué lorsque la plupart des assaillants potentiels ont été refoulés à la frontière.

Sur cette photo de l’été 2021 fournie par CBS News, l’ancien haut responsable de la sécurité saoudienne Saad al-Jabri est assis pour un entretien avec le journaliste Scott Pelley à Washington lors d’une interview pour « 60 Minutes ». (Crédit : CBS News/60 Minutes via AP)

Plainte en France

Dans une autre affaire encore, le prince est accusé par la journaliste libanaise Ghada Oueiss d’avoir participé à un projet visant à pirater son téléphone portable et à diffuser des « images personnelles volées » pour la diffamer et l’empêcher de faire des reportages sur les droits humains.

La question de l’immunité semble avoir atteint son point culminant au cours de l’été, lorsqu’un juge américain a donné au département d’Etat jusqu’au 1er août pour dire s’il estimait que le prince remplissait les conditions requises pour en bénéficier.

Après la visite de M. Biden en Arabie saoudite en juillet, au cours de laquelle le président américain a renoncé à sa promesse de faire de ce pays un « paria », son administration avait déjà demandé un délai de 60 jours pour décider si elle devait intervenir dans cette affaire.

Avant d’être propulsé Premier ministre, le prince occupait les fonctions de vice-Premier ministre et de ministre de la Défense, gérant d’importants portefeuilles, de l’énergie à la sécurité et au-delà.

Selon certains observateurs, il n’est pas certain que le fait de devenir Premier ministre permette à MBS de bénéficier davantage d’une immunité, étant donné que le roi Salmane reste chef de l’Etat.

Et même si la question de l’immunité est résolue aux Etats-Unis, elle risque de se poser dans d’autres pays, relèvent certains experts.

En juillet, les ONG américaine DAWN et suisse Trial international ont déposé en France une plainte dans laquelle elles accusent le prince de complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l’assassinat de Khashoggi.

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