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Attentat anti-turc en Allemagne: Berlin et Ankara mettent les tensions de côté

Le 29 mai 1993, cinq femmes et fillettes âgées de 4 à 27 ans ont péri dans l'incendie criminel de leur maison ; les responsables, quatre néonazis, ont écopé de peines de prison

Le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu (gauche) et son homologue allemand Heiko Maas, à Solingen, à l'occasion du 25 anniversaire d'un incendie criminel contre la communauté turque, qui a fait 5 victimes, le 29 mai 2018. (Crédit : AFP / DPA / Oliver Berg / Germany OUT)
Le ministre des Affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu (gauche) et son homologue allemand Heiko Maas, à Solingen, à l'occasion du 25 anniversaire d'un incendie criminel contre la communauté turque, qui a fait 5 victimes, le 29 mai 2018. (Crédit : AFP / DPA / Oliver Berg / Germany OUT)

Berlin et Ankara ont mis en sourdine mardi leurs tensions à quelques semaines des élections turques, appelant à lutter contre l’extrême droite lors des commémorations de l’un des pires attentats racistes de l’Allemagne d’après guerre, perpétré il y a 25 ans.

C’est un acte « honteux (…) On ne peut pas s’en accommoder et on ne s’en accommodera pas », a lancé la chancelière allemande Angela Merkel lors des cérémonies à la mémoire des victimes de l’attentat anti-turc de Solingen, dans l’ouest de l’Allemagne.

Cette attaque raciste « n’est pas la première et ne sera pas la dernière » en Allemagne ou en Europe, a renchéri le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, invité aux commémorations.

Le 29 mai 1993, cinq femmes et fillettes âgées de 4 à 27 ans ont péri dans l’incendie criminel de leur maison. Les auteurs, quatre néonazis, ont écopé de peines allant de 10 à 15 ans de prison.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion à Ankara, en Turquie, le 16 février 2018(Crédit : AFP PHOTO / ADEM ALTAN)

La présence de M. Cavusoglu aux cérémonies avait suscité des remous en Allemagne, les détracteurs d’Ankara craignant qu’il ne batte le rappel de la communauté turque allemande pour le compte du président Recep Tayyip Erdogan qui brigue un nouveau mandat aux élections présidentielles du 24 juin, qui seront accompagnées d’élections législatives.

Plus grande diaspora turque au monde, la communauté d’Allemagne compte quelque 3 millions de personnes, dont 1,4 million d’électeurs pouvant voter en Turquie. Une manne pour le président Erdogan qui risque, au vu des sondages, d’être privé de majorité absolue.

Cohésion

Mais mardi, M. Cavusoglu a immédiatement déminé le terrain : « la seule raison de ma visite à ces cérémonies du souvenir, c’est d’envoyer un message collectif de cohésion contre le racisme et la xénophobie », a-t-il déclaré.

Berlin avait interdit aux responsables politiques turcs de faire campagne en Allemagne pour les élections de juin, à l’instar de ce qu’il avait fait au printemps 2017 pour le référendum sur l’élargissement des pouvoirs du président turc.

Plusieurs pays européens avaient alors fait de même, déclenchant une crise entre Ankara et Berlin, avant que les deux pays ne se rapprochent récemment.

Mardi, M. Cavusoglu n’a pas cherché à raviver les tensions, cantonnant son intervention à un appel à lutter « contre le racisme envers les réfugiés et les musulmans ».

Ankara est prêt à apporter à l’Allemagne « son soutien sous n’importe quelle forme » afin de lutter contre le racisme et pour l’intégration des musulmans, a-t-il lancé.

Mevlüde Genc, 75 ans, qui a perdu ses deux filles, ses deux petites-filles et une nièce dans l’incendie, a livré un émouvant message de tolérance et d’optimisme.

« La nuit, je pleurais, et le jour, je devais sourire à mes enfants qui avaient survécu afin que la haine ne pénètrent pas dans leur coeur », a déclaré la septuagénaire.

« Je ne porte aucun sentiment de vengeance en moi, excepté envers les quatre personnes qui ont transformé ma maison en tombe », a-telle encore déclaré, appelant à regarder « vers l’avenir ».

‘Tabous brisés’

« L’idéologie de la droite populiste et de l’extrême droite est répandue aujourd’hui », a pointé Angela Merkel, rappelant que le passé nazi de l’Allemagne rendait le racisme et la xénophobie particulièrement « honteux pour notre pays ».

Aujourd’hui, « les limites de la liberté d’expression sont trop souvent testées de façon très calculée, et les tabous brisés à la légère », a-t-elle dénoncé.

Une mise en garde qui vise implicitement l’extrême droite allemande, en plein essor : avec ses discours anti-migrants et anti-musulmans musclés, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) a fait une entrée fracassante en septembre à la chambre des députés.

L’AfD surfe sur les peurs suscitées par l’arrivée depuis 2015 en Allemagne de plus d’un million de demandeurs d’asile et multiplie les provocations contre les Turcs d’Allemagne, première communauté immigrée du pays.

En février, un élu local de l’AfD avait scandalisé en les qualifiant de « marchands de cumin » et de « chameliers ». Et récemment, Alice Weidel, cheffe de file du parti, s’en est pris aux femmes en « burqa, filles voilées, hommes armés de couteaux et autres bons à rien » qui menacent, selon elle, la prospérité allemande.

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