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Aux États-Unis, la « groyper army » tente de rendre l’antisémitisme anodin

Force audacieuse d'Inquisition, les adhérents du groupe Young America First font les gros titres et des vagues pour démasquer les "faux" conservateurs" et les "usurpateurs"

Nick Fuentes, étudiant conservateur et partisan du président américain Donald Trump, répond à une question lors d'un entretien avec l'Agence France-Presse à Boston, Massachusetts, le 9 mai 2016. (WILLIAM EDWARDS/AFP)
Nick Fuentes, étudiant conservateur et partisan du président américain Donald Trump, répond à une question lors d'un entretien avec l'Agence France-Presse à Boston, Massachusetts, le 9 mai 2016. (WILLIAM EDWARDS/AFP)

WASHINGTON (JTA) — Le jeune homme arborant une casquette de base-ball avec un smiley et un tee-shirt du restaurant italo-américain Teddy Spaghetti a une question à poser à Charlie Kirk, fondateur de Turning Point USA, un mouvement de la jeunesse pro-Trump. Il s’agit d’un incident survenu bien avant leur naissance à tous deux et Kirk sait très exactement quoi répondre.

« Pourquoi nier l’attaque sur l’USS Liberty – qui a été très documentée par des sources américaines et israéliennes et qui a touché plus de 200 Américains, morts ou blessés ? », demande l’individu à Kirk lors d’un événement organisé au mois d’octobre à l’université du New Hampshire, à l’initiative de Turning Point USA.

« Je nie qu’il s’agissait d’une attaque délibérée de la part du gouvernement israélien », répond Kirk calmement.

Les responsables américains et israéliens ont conclu, il y a déjà longtemps, que l’attaque du Liberty résultait d’une erreur tragique. En pleine guerre des Six jours, Israël avait pris le navire pour un bateau égyptien ou soviétique et lancé une frappe aérienne qui avait tué 34 membres d’équipage. L’Etat juif avait présenté ses excuses et versé des dommages et intérêts aux États-Unis et aux familles des victimes, mais l’incident est toutefois considéré par les adeptes de la théorie du complot comme une preuve de l’infamie israélienne.

Le drame a également servi dans le cadre d’une stratégie déployée par l’extrême-droite pour s’opposer publiquement aux républicains mainstream et permettre ainsi à l’idéologie radicale de s’infiltrer dans le conservatisme de l’establishment.

Sous la houlette de Nick Fuentes, YouTubeur âgé de 22 ans, la « groyper army » défie régulièrement et publiquement les conservateurs traditionnels pour leur vision de l’attaque de l’USS Liberty dans le cadre d’un effort plus large visant à les dépeindre comme étant assujettis à Israël et comme les héritiers indignes de l’agenda « America First » mis en avant par le président des Etats-Unis, Donald Trump.

« RT [partagez cette publication] si vous pensez que Charlie Kirk et Turning Point USA ne sont pas America First », a écrit Nick Fuentes dans une publication épinglée en haut de son fil d’actualité sur Twitter.

A l’occasion d’événements organisés dans tout le pays, les membres de la « groyper army » interpellent les conservateurs traditionnels et leur posent des questions provocatrices – souvent au sujet d’Israël, de l’immigration et des droits LGBTQ – pour tenter de révéler leur « faux » conservatisme et leur caractère, en conséquence, « d’usurpateurs ».

Portant le nom d’une version plus grotesque encore du dessin de Pepe la Grenouille – devenu l’emblème, à son corps défendant, des nationalistes blancs – l’objectif semble être de tenter de rapprocher le conservatisme de l’idéologie nationaliste blanche, selon Marilyn Mayo, chercheuse au centre d’études de l’extrémisme de l’Anti-Defamation League (ADL).

Un homme brandit une pancarte avec une image de Pepe the frog à un rassemblement à Berkeley, en Californie, le 27 avril 2017 (Crédit : Josh Edelson/AFP/Getty Images)

« Ce qu’ils tentent de faire, avec tout ce groupement qui se qualifie lui-même de droite dissidente, c’est qu’ils veulent déplacer la fenêtre d’Overton », explique Mayo, utilisant un terme se référant au spectre du discours politique acceptable.

« Ils veulent intégrer et normaliser le racisme et l’antisémitisme », ajoute-t-elle.

Turning Point est une cible de choix dans cette stratégie en raison de son nouveau statut d’avant-garde de Trump parmi les jeunes adultes. Le mois dernier, des jeunes ont fait irruption lors d’une apparition de l’étoile montante du Parti républicain, le représentant du Texas Dan Crenshaw, lors d’un événement de Turning Point à l’université de l’Etat de l’Arizona.

Ils ont fait les gros titres, quelques jours après, après être parvenus à faire quitter la tribune à Donald Trump Jr. lors d’un événement similaire du groupe à l’UCLA.

« Quelle ENORME victoire », a écrit Fuentes sur Telegram, une application de messagerie sécurisée appréciée par les nationalistes blancs, a rapporté le site Daily Beast.

« Impossible de sous-estimer cette victoire incroyable que nous avons remportée à l’UCLA », a-t-il poursuivi.

Les membres de la « Groyper army » formulent avec minutie – et une certaine ironie – leurs points de vue. Les questions provocatrices sur la race sont souvent enveloppées dans des termes anodins, comme « l’identité » et la « démographie ».

Et lors d’un récent événement organisé dans l’Ohio par Turning Point USA, un individu a demandé à Kirk s’il y avait eu « des fêtes dansantes sympas » lors d’une conférence récente qui avait eu lieu en Israël – une référence apparente au mythe que des Israéliens auraient été filmés en train de danser après les attentats terroristes du 11 septembre.

Elizabeth Pipko s’exprime lors d’un événement de Turning Point USA à Washington, le 24 juin 2019 (Crédit : Jonathan Williams)

Lors d’un entretien accordé l’année dernière, Fuentes a déclaré éviter le terme « nationaliste blanc » pour des raisons purement tactiques.

« La raison pour laquelle je ne me qualifie pas de nationaliste blanc – ce n’est pas parce que je ne verrais pas la nécessité pour le peuple blanc d’avoir un foyer et celle d’avoir un pays », avait-il déclaré. « C’est parce que je pense que ce type de terminologie est presque exclusivement utilisé par la gauche pour diffamer; et que je pense que la terminologie, les étiquettes que nous employons… je ne pense pas que nous pouvons les appréhender en les sortant du contexte et des connotations dont elles sont chargées aux Etats-Unis ».

Une stratégie qui semble porter ses fruits. Au mois d’avril, Ann Coulter a retweeté une publication de Fuentes sur l’immigration. Michelle Malkin, habituée de Fox News, a critiqué les efforts visant à réduire au silence les membres de la « Groyper Army » qui, selon elle, « disent la vérité ».

« Ils tentent de déterminer, depuis Charlottesville, quelles sont les tactiques nouvelles à mettre en place pour recruter davantage de personnes et pour obtenir l’attention des médias », explique Mayo. « Et nous voyons aujourd’hui certaines personnalités considérées comme représentatives du mouvement conservateur traditionnel adopter des points de vue qui ont été présentés par des suprématistes blancs lors de sessions de questions-réponses ».

Un suprémaciste blanc quitte le parc Emancipation à Charlottesville en Virginie, le 12 août 2017. (AP Photo/Steve Helber)

Il y a eu une certaine opposition habile de la part de conservateurs traditionnels. Lorsqu’un perturbateur, en Arizona, a crié que Crenshaw était « pro-sodomie », le membre du Congrès a paré l’attaque avec brio.

« Faites-le sortir, les gars », a riposté Crenshaw. « Que tout le monde sache exactement qui tu es ».

Ben Shapiro, le grand ponte juif conservateur, a interpelé, le mois dernier, des « groypers » lors d’un événement organisé par la Young American Foundation, un autre mouvement de la jeunesse conservatrice ayant dénoncé Fuentes. Shapiro note que malgré ses efforts, Fuentes n’a pas toujours réussi à conserver une distance ironique avec son fanatisme.

« Il arrive également qu’on ait l’habitude malheureuse de dire des choses vraiment répugnantes quand on pense que les autres ne vous écoutent pas », explique Shapiro, racontant un incident au cours duquel Fuentes avait mis en doute le nombre de Juifs assassinés pendant la Shoah en réfléchissant à la possibilité pour Cookie Monster de faire cuire six millions de biscuits en cinq ans. Shapiro avait alors cité un responsable nazi décrivant la manière dont les Juifs avaient été tués.

Le commentateur conservateur Ben Shapiro s’adresse au groupe étudiant Young Americans for Freedom à l’université de l’Utah, à Salt Lake City, le 27 septembre 2017 (Crédit : Leah Hogsten/The Salt Lake Tribune via AP, Pool)

« Mais peut-être n’était-ce que de l’ironie, hein, camarade », ajoute Shapiro.

Howard Graves, chercheur au sein de l’organisation Southern Poverty Law Center, qui traque l’extrême-droite, explique qu’il a vu dans la « Groyper army » une nouvelle itération des élections de 2016, lorsque Trump avait poussé le Parti républicain à droite sur des questions telles que l’immigration.

« Ce mouvement re-capture l’esprit des élections de 2016 quand il y avait eu cette sorte de campagne d’insurrection contre le conservatisme où tous les coups avaient été permis », explique-t-il.

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