Israël en guerre - Jour 526

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Avec la Turquie et l’Iran en amont, l’Irak et ses fleuves bientôt à sec ?

Chaque année, les voisins turc et iranien construisent de nouveaux barrages en amont du Tigre et de l'Euphrate dont les cours ont perdu leur luxuriance légendaire

Un agriculteur irakien vérifie ses récoltes dans la ville portuaire d'Al-Faw, dans le sud de l'Irak, à 90 kilomètres au sud de Bassorah, près de Chatt al-Arab et du Golfe, le 17 août 2020. (Hussein FALEH / AFP)
Un agriculteur irakien vérifie ses récoltes dans la ville portuaire d'Al-Faw, dans le sud de l'Irak, à 90 kilomètres au sud de Bassorah, près de Chatt al-Arab et du Golfe, le 17 août 2020. (Hussein FALEH / AFP)

L’Irak, le « pays entre les deux fleuves », pourrait bientôt être totalement sec. Chaque année, ses voisins turc et iranien construisent de nouveaux barrages en amont du Tigre, de l’Euphrate et de leurs affluents dont les cours ont perdu leur luxuriance légendaire depuis l’Antiquité.

C’est sûrement à Bassora, seule province côtière du pays, que la situation est la plus inquiétante. Là, parce que les flots des deux fleuves qui se rejoignent ne sont plus assez puissants, l’eau salée du Chatt al-Arab remonte du Golfe, inondant les cultures.

« La salinité a augmenté ces dernières années et elle tue les terres agricoles », affirme à l’AFP Abou Chaker, 70 ans, dont presque autant d’années passées à bichonner ses palmiers.

Si l’eau salée s’est soudainement mise à remonter de la mer vers les terres, c’est parce que l’Iran a hérissé ces dernières années son fleuve Karoun de barrages, détournant de nombreux affluents du Tigre.

Résultat, Abou Chaker et les agriculteurs des environs sont partis, abandonnant leurs terres imbibées de sel où pourrissent des palmiers morts.

Un agriculteur irakien inspecte le niveau de l’eau près de ses terres dans la ville portuaire d’Al-Faw, dans le sud de l’Irak, à 90 kilomètres au sud de Bassorah, près de Chatt al-Arab et du Golfe, le 17 août 2020. (Hussein FALEH / AFP)

« Tout est mort »

« Avant, nos dattes se vendaient dans le Golfe et jusqu’aux Etats-Unis, mais aujourd’hui tout est mort », se lamente cet Irakien qui cultive désormais un petit lopin de terre un peu plus au nord, avec de l’eau du robinet, impropre à la consommation humaine tant elle est salée.

Le ministre des Ressources hydrauliques, Mehdi al-Hamdani, estime à
50 % la réduction de la quantité d’eau arrivant en Irak depuis la construction des barrages turcs et iraniens.

Mahdi Rashid al-Hamdani, ministre irakien des ressources en eau, s’exprime lors d’un entretien avec l’AFP dans son bureau de la capitale Bagdad, le 19 août 2020. (Sabah ARAR / AFP)

Son ministère assure à l’AFP avoir « un plan stratégique pour garantir la sécurité de l’Irak en eau jusqu’en 2035, avec pour pire scénario de pouvoir garantir uniquement l’eau de boisson en quantité suffisante pour tout le pays ».

Il envisage même la construction à Makhoul, au nord de Bagdad, d’un immense barrage, « le plus grand projet depuis 2003 » et la chute de Saddam Hussein durant l’invasion américaine, explique M. Hamdani.

Mais comme pour tous les grands projets en Irak, l’effort de guerre contre les jihadistes en 2014 puis la récente chute des prix du pétrole ont réduit les fonds disponibles pour les infrastructures.

Bassora, où durant l’été 2018 un empoisonnement de l’eau par la langue salée remontée du Chatt al-Arab avait envoyé plus de 100 000 personnes à l’hôpital, devra encore attendre.

Un garçon assis sur un banc d’école après que son village et son école aient été inondés par le barrage d’Ilosu séparant la ville nouvellement construite de Hasankeyf des vestiges de l’ancienne ville du même nom et de ses sites archéologiques, inondés dans le cadre du projet de barrage d’Ilısu situé le long du Tigre dans la province de Batman, dans le sud-est de la Turquie, le 4 août 2020. (BULENT KILIC / AFP)

« Pétrole contre eau »

Beaucoup en Irak se demandent si le pays, qui avait trouvé dans les années 1990 une parade à l’embargo avec le programme « pétrole contre nourriture », ne devrait pas se lancer dans un nouveau « pétrole contre eau ».

Les négociations a ce sujet avec Ankara, suspendues deux ans, ont repris avec le gouvernement de Moustafa al-Kazimi nommé en mai. Et même si M. Hamdani assure que cela n’a aucun impact sur les discussions, la Turquie mène actuellement une campagne de bombardements dans le nord de l’Irak.

De quoi réduire les chances de Bagdad de faire pression sur son voisin qui doit bientôt remplir son tout dernier barrage hydroélectrique, Ilısu, et pourrait transformer le Tigre irakien en un mince filet d’eau.

Côté iranien, le débit en amont des barrages de Doukan et de Darbandikhan au Kurdistan irakien a été drastiquement réduit « de 45 mètres cubes par seconde à sept mètres cubes et même à deux mètres cubes dans certains endroits », selon le ministère.

Face à ses deux puissances régionales influentes Irak, Bagdad est impuissante, accuse Mohammed al-Chlehaoui, patron des coopératives agricoles de Diwaniyah (sud).

Un berger promenant son troupeau depuis la ville nouvellement construite de Hasankeyf, qui fait partie du projet de barrage d’Ilısu situé le long du Tigre dans la province de Batman, dans le sud-est de la Turquie, le 3 août 2020.
(BULENT KILIC / AFP)

« Guerre de l’eau »

« La Turquie peut lancer la guerre de l’eau à tout moment, quand cela l’arrangera et sans prévenir l’Irak », assène-t-il.

Le pire se situe à l’horizon 2025-2030, dit-il : « À ce moment-là, le Tigre et l’Euphrate pourraient s’assécher et priver le pays de ses cultures et même de l’eau de boisson. »

« L’Irak n’a qu’une seule solution : jouer la pression économique face à la Turquie », premier exportateur en Irak, avec près de 16 milliards de dollars de biens et de services vendus en 2019, préconise-t-il.

Car le temps presse. Une fois tous les projets hydrauliques turcs et iraniens terminés en 2035, cette quantité pourrait être réduite à 51 kilomètres cubes par an (51 milliards de mètres cubes).

Or, les besoins en eau des 40 millions d’Irakiens s’élèvent déjà à 71 kilomètres cubes. Et en 2035, selon les experts, la population dépassera les 50 millions.

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