Avec l’annulation des vols par les transporteurs aériens, voyager en Israël devient coûteux et difficile
Les Israéliens et les visiteurs n'ont souvent d'autres choix que des liaisons onéreuses, avec moults détours, alors que certains se plaignent des "prix abusifs" pratiqués par les compagnies locales
JTA — Adi Livne était en vacances en Espagne quand la nouvelle de l’assassinat en Iran du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, a été rendue publique, le mois dernier. Et le vol qui devait la ramener en Israël, affrété par un transporteur européen low-cost, a figuré parmi les liaisons qui ont été annulées au fur et à mesure de l’escalade des tensions et alors que l’espace aérien israélien se vidait face à la perspective d’une frappe de représailles iranienne considérée comme imminente.
Bloquée en Espagne et cherchant désespérément un moyen de rentrer chez elle, Livne a finalement réalisé que seuls les transporteurs israéliens étaient une option fiable. Mais la compagnie aérienne israélienne, El Al, demandait la somme astronomique de 1 000 dollars pour un aller-simple reliant Madrid à Tel Aviv – ce qui était inimaginable pour elle.
Incapable de trouver une option moins coûteuse, elle a fini par acheter un billet – tout aussi cher – auprès de la compagnie israélienne Israir.
Plusieurs semaines après l’assassinat de Haniyeh et alors que les menaces de représailles planent toujours sur l’État juif, les voyages à destination et en provenance d’Israël restent difficiles. De nombreuses compagnies aériennes ont annulé des vols à brève échéance et d’autres ont pris la décision de suspendre purement et simplement leurs liaisons en raison de la situation sécuritaire. United Airlines, l’une des principales compagnies aériennes reliant Israël et les États-Unis, a mis en pause ses vols vers Israël pour une durée indéterminée. American Airlines a annulé des vols et la firme a fait savoir qu’elle ne reprendrait pas ses services vers Israël avant le 20 avril 2025.
Les prix élevés des rares billets mis à disposition par El Al – une compagnie célèbre pour ses vols vers son pays d’origine même lorsque d’autres compagnies aériennes renoncent à assurer la liaison vers Israël – ont entraîné un sentiment d’amertume chez certains qui, comme Livne, espéraient un comportement différent de la part de leur compagnie aérienne nationale.
« El Al pratique vraiment des prix abusifs et profite de l’absence de concurrence », dit-elle. « C’est assez moche d’exploiter une crise de cette façon-là. Je ne m’attendais pas à cela, étant donné le sens de la solidarité affichée par les Israéliens ».
El Al semble avoir estimé qu’il vaut mieux opter pour la discrétion – pour l’instant. Mais la période, depuis le début de la guerre, semble avoir été jusqu’à présent profitable pour la compagnie, qui a annoncé jeudi un bénéfice trimestriel record de 147,7 millions de dollars pour le mois d’avril et pour le mois de juin.
Il faudra attendre quelques mois avant que la compagnie ne publie ses résultats financiers pour la période en cours – mais elle semble garder la certitude qu’elle pourra continuer à proposer un programme de vols gonflé à bloc. Jeudi, El Al a également annoncé une importante augmentation de sa flotte après la commande de nouveaux avions – 31 Boeing 737 Max au maximum.
La récente vague d’annulations de vols est la plus importante depuis que les firmes internationales ont commencé à suspendre leurs services après le début de la guerre à Gaza, le 7 octobre. A cette date, le Hamas avait commis un pogrom dans le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes, des civils en majorité, et kidnappant 251 personnes, prises en otage à Gaza – une attaque sanglante qui a été à l’origine de la guerre qui oppose le groupe terroriste à l’État juif au sein de l’enclave côtière.
Ces annulations ont entraîné une anxiété semblable à celle qui avait été ressentie au début de la pandémie de COVID-19, lorsque les restrictions en matière de santé publique avaient limité les déplacements entre Israël et le reste du monde.
Certaines de ces même inquiétudes font leur réapparition aujourd’hui, alors que les billets proposés pour les rares vols atteignent des prix prohibitifs pour un grand nombre et que l’incertitude portant sur d’éventuels projets de voyage peut effrayer certains.
La firme El Al – l’une des seules compagnies aériennes commerciales qui dispose, à bord de ses avions, d’une technologie de défense antimissile – s’est imposée comme étant l’option la plus fiable. Toutefois, elle n’offre qu’un nombre limité de vols sans escale vers Israël à partir des États-Unis.
La Silicon Valley, par exemple, dépend habituellement du transporteur United, la seule compagnie aérienne à proposer des vols directs entre San Francisco et Tel Aviv. Selon Sharon Vanek, directrice exécutive de la Chambre de commerce israélo-californienne, la suspension des vols constitue une perturbation majeure pour le commerce entre les deux centres technologiques.
« L’absence de vols directs, qui vient s’ajouter à l’instabilité de la situation au Moyen-Orient, risque de réduire le nombre de réunions en face-à-face – des rencontres qui sont souvent cruciales pour instaurer un climat de confiance et pour conclure des accords, ce qui pourrait affaiblir ces liens commerciaux internationaux », écrit Vanek dans un courriel envoyé à la JTA.
Malgré les difficultés, de nombreux Juifs américains restent déterminés à trouver un moyen de se rendre en Israël. Pour certains, cela signifie se rendre en Europe et trouver le vol le moins cher possible sur une compagnie aérienne israélienne à bas prix.
Emily Pagano, par exemple, a atterri en Israël jeudi, après avoir pris une série de vols. Elle est partie de Phoenix, en Arizona, à destination d’Athènes. L’objectif de son voyage était de rendre visite à sa fille de 22 ans, arrivée quelques jours plus tôt au sein de l’État juif dans le cadre d’un programme de bénévolat.
Pagano était bien décidée à venir, soucieuse de soutenir sa fille qui a eu le courage de venir faire du bénévolat dans un pays qui, disent les informations, pourrait être attaqué à tout moment.
« En tant que mère, j’ai eu très peur d’envoyer ma fille dans une situation potentiellement dangereuse – mais ce n’est rien si on la compare à ce que doivent vivre les parents dont les enfants sont retenus en otage à Gaza », s’exclame-t-elle.