Avec le retour à la Knesset de Kahana, Bennett tente de faire bloc
Écartant un député de son parti pour mettre à sa place l'un de ses alliés les plus fiables, le Premier ministre tente de réparer les fêlures du groupe parlementaire de Yamina
En demandant à l’un de ses ministres, à l’un des membres du cabinet de sécurité, de présenter sa démission de manière à pouvoir réintégrer les bancs de la Knesset, le Premier ministre Naftali Bennett tente probablement de redorer le blason de son parti Yamina, considéré comme le maillon faible de la coalition au pouvoir et aujourd’hui en difficulté.
C’est ainsi que dès dimanche soir, le dorénavant ex-ministre des Affaires religieuses Matan Kahana a remplacé le député Yomtob Kalfon sur les bancs de la Knesset.
Kahana a utilisé pour ce faire la « Loi norvégienne » qui avait été adoptée par le Parlement et qui lui donne le droit de retrouver son siège à la Knesset, sans délai, en abandonnant son portefeuille ministériel. Ce faisant, il a pu évincer Kalfon, qui avait été le dernier député à avoir rejoint la liste parlementaire du parti.
Kahana a expliqué que cette initiative qui a été annoncée vendredi après-midi visait à « renforcer la coalition », et des sources de Yamina ont démenti qu’elle avait eu pour objectif de contrer une défection potentiellement imminente de Kalfon, qui aurait été susceptible de rejoindre l’opposition.
Toutefois, ce remplacement a suscité l’intérêt des analystes politiques et des politiciens de l’opposition qui ont supposé que Yamina avait ainsi tenté de prévenir un risque de désertion et de ralliement à l’opposition.
Peu après que Kahana a officiellement annoncé qu’il quittait son ministère pour rejoindre la Knesset, l’éminent député du Likud Yariv Levin a fait une déclaration accusant Kahana de se livrer « à un retour hâtif » au Parlement « par crainte de la défection d’un autre membre de la Knesset ».
Alors qu’il pourrait être facile de croire le narratif de l’opposition – qui affirme que Kalfon pouvait avoir la volonté de la rallier et d’abandonner l’alliance au pouvoir – il s’agit néanmoins et plus probablement d’une initiative judicieuse et réfléchie de la part du Premier ministre qui a reconnu la nécessité de faire bloc.
Au cours de l’année passée, Yamina a vu sa présence parlementaire fondre comme neige au soleil. Le parti est passé de sept mandats élus à six mandats effectifs dès la prestation de serment du nouveau gouvernement réalisée, lorsque Amichai Chikli, qui vient d’être exclu de la formation, avait refusé d’apporter son vote en soutien à la formation du gouvernement de coalition dirigé par Bennett.
Et suite au départ de l’alliance au pouvoir de l’ancienne cheffe de la coalition et députée Yamina Idit Silman, le parti est tombé à cinq sièges et la coalition s’est retrouvée à égalité – 60 sièges contre 60 – avec l’opposition au sein du parlement.
Dans les semaines qui ont suivi, ce sont trois autres membres du parti qui ont été observés de près, considérés comme de potentiels déserteurs. La ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked et les députés Nir Orbach et Abir Kara coordonnent leurs plans et si la formation Yamina n’est pas encore sortie d’affaire, force de reconnaître qu’Orbach et Kara ont dernièrement tempéré l’expression publique de leur mécontentement à l’égard de la coalition actuelle.
L’arrivée de Kahana à la Knesset et le départ conséquent de Kalfon ont été le deuxième changement spectaculaire à être survenu vendredi dans l’entourage de Bennett. La conseillère diplomatique du Premier ministre Shimrit Meir, qui avait fait des incursions controversées dans des domaines politiques hors de ses responsabilités établies, a annoncé qu’elle quitterait sa fonction dans deux semaines. Avec son départ se présente l’opportunité d’un glissement plus à droite au sein du bureau du Premier ministre, où les autres conseillers sont plus alignés sur la base électorale de Yamina que ne l’était Meir.
Cela dit, il y a des raisons de croire que Kalfon n’était pas une menace immédiate pour la coalition. Des sources proches de ce dernier ont indiqué qu’il avait été surpris par la décision de Bennett, qui lui avait été communiquée jeudi dans la soirée. Bennett a fait preuve de beaucoup de sollicitude à son égard depuis l’annonce de la nouvelle, acceptant la requête de Kalfon de reporter cette annonce à vendredi après-midi pour lui permettre de rester encore dimanche à la Knesset – et il lui a offert des opportunités lui permettant de rester au sein de la formation.
Bennett a aussi déclaré à Kalfon que s’il pouvait être réintégré au ¨Parlement, il le serait.
Ce qui serait possible si le député Amichai Chikli quittait son siège au Parlement de manière à échapper aux sanctions châtiant son abandon de Yamina. Le siège de Chikli reviendrait alors à son ancienne formation et Kalfon pourrait l’occuper.
De manière plus concrète, Kalfon, en tant que député venu remplacer un législateur nommé à un portefeuille ministériel, conformément à la Loi norvégienne, avait toujours été limité dans sa capacité à représenter une menace pour la coalition. Contrairement à Chikli ou à Silman, Kalfon pouvait être rapidement remplacé par l’un des deux ministres issus de Yamina. C’est ce qui se serait produit s’il avait voté pour un éventuel projet de loi prévoyant la dissolution de la Knesset soumis par l’opposition.
La seule menace existentielle que Kalfon aurait pu représenter pour l’alliance au pouvoir est le soutien qu’il aurait pu apporter à une motion de censure, qui aurait alors pu être adoptée avec 61 votes, dans le but de remplacer le gouvernement tout en empêchant sa propre éviction du parlement.
Ceci dit, Bennett peut avoir choisi d’utiliser Kahana pour renforcer sa coalition chancelante – même sans menace réelle posée par Kalfon.
Kahana apporte sa loyauté personnelle dans la délégation houleuse de la Knesset. L’ancien ministre est le politicien le plus proche de Bennett au sein de Yamina, qu’il connaît depuis l’armée.
De plus, les députés de Yamina, à la Knesset, sont tous des parlementaires relativement nouveaux qui – au-delà de Bennett, politicien chevronné, et de Silman, qui avait servi pendant une courte période dans le gouvernement avorté de 2019 – ont tous entamé leur tout premier mandat. Les leaders du parti – Bennett, Shaked et Kahana – sont à la tête de ministères ou du gouvernement.
Cela a un effet sur la dynamique, a estimé une source de Yamina qui a suivi le processus de décision ayant entraîné le retour de Kahana sur les bancs du Parlement.
Autre raison ayant pu motiver cette décision, la nécessité de transmettre un avertissement à Shirly Pinto qui, elle aussi, est entrée à la Knesset grâce à la Loi norvégienne.
La semaine dernière, Pinto – comme d’autres parlementaires de la coalition – a compris quel était son pouvoir dans le contexte d’une alliance dorénavant privée de majorité et elle a commencé à soumettre un certain nombre de demandes, notamment celle de remplacer Silman à la tête de la Commission de la Santé, réclamant également des financements à destination des personnes en situation de handicap. Des sources de Yamina démentent que ces demandes aient motivé Bennett dans sa prise de décision – mais le message est clairement là. Si Pinto entraîne des difficultés, une éviction reste toujours possible et Shaked pourrait retrouver sa place à la Knesset.
En démissionnant de son poste, le ministère de Kahana revient temporairement à Bennett qui devrait le nommer dans la foulée vice-ministre des Affaires religieuses pour lui permettre, dans les faits, de continuer son travail.
Cet arrangement n’a qu’une durée de vie limitée mais la coalition espère pouvoir approuver relativement rapidement le retour de Kahana à la tête de son ministère, une mission qu’il peut assumer en plus de son nouveau siège à la Knesset.
L’opposition devrait se rassembler contre cette initiative et soumettre Silman à son premier test réel en la pressant de voter contre cette nomination. Silman, qui ne fait plus partie de la coalition, reste toutefois députée Yamina. Elle devrait tenter de trouver le juste équilibre en ne votant pas aux côtés de l’alliance au pouvoir mais en ne se prononçant pas non plus directement contre elle concernant des législations déterminantes. La semaine dernière, Silman n’a pas assisté au vote de deux motions de censure présentées par l’opposition – qui ont été toutes les deux rejetées.
En s’abstenant lors de ces votes, elle espère éviter d’être exclue de son parti, ce qui lui ferait encourir des sanctions qui limiteraient sa capacité à se présenter lors de prochaines élections, comme c’est le cas pour Chikli.
Sans Silman, l’opposition ne pourra rallier que 59 votes pour bloquer le retour de Kahana à son ministère – contre 60 votes pour la coalition.
Chikli, qui devrait se battre contre son expulsion de Yamina, s’est aussi abstenu de voter contre le gouvernement lors des motions de censure de la semaine dernière. S’il devait encore une fois faire le choix de l’abstention lors du vote contre la nouvelle nomination de Kahana, alors l’opposition pourrait être bloquée à 58 suffrages.
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