Baharav Miara à Levin : « Les menaces de limogeage ne me feront pas taire »
Gali Baharav-Miara promet de continuer à demander des comptes à la coalition si elle agit contre la loi et nie priver le gouvernement de représentation juridique
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Dans un courrier adressé jeudi au ministre de la Justice Yariv Levin, la procureure générale Gali Baharav-Miara a fait savoir que les menaces de limogeage ne la dissuaderaient pas de s’opposer aux mesures du gouvernement qu’elle juge illégales.
Cette lettre est une réponse à une mise en cause par Levin la veille. Dans ce document, elle rappelle qu’elle a l’obligation de signifier au gouvernement lorsque ses actions ne sont pas conformes à la loi, expliquant qu’il est faux de dire, comme le font ses détracteurs, que son opposition fréquente aux politiques et lois voulues par le gouvernement le privent d’une véritable représentation juridique.
Levin a critiqué mercredi la procureure générale pour son prétendu refus de le représenter fidèlement et de manière appropriée lors des recours auprès de la Cour Suprême, et notamment celui concernant son refus de réunir le Comité de sélection judiciaire, et son opposition fréquente aux lois et mesures gouvernementales.
Levin estime que l’attitude de la procureure générale prive le gouvernement de représentation devant la Cour Suprême et, plus largement, d’une vraie relation de travail entre le gouvernement et le elle.
Pour plusieurs députés de l’opposition et organes de surveillance, c’est une façon pour le ministre de préparer le terrain pour le limogeage de Baharav-Miara, que plusieurs ministres appellent de leurs vœux mais dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu a écarté la perspective.
« Ce ne sont pas ces accusations infondées, conçues pour donner le sentiment d’un manque de coopération ou que le gouvernement actuel est traité différemment du précédent, ou mêne ces menaces de limogeage entendues dans les médias, qui vont me dissuader, moi ou mon équipe, de continuer à faire notre travail », a répliqué jeudi Baharav-Miara.
La résolution du gouvernement régissant les motifs pour lesquels le procureur général peut être révoqué dispose que le principal est « l’existence de désaccords substantiels et continus entre le gouvernement et le procureur général à l’origine d’une situation empêchant une coopération efficace ».
Baharav-Miara a écrit au ministre : « C’est l’obligation professionnelle faite aux services du procureur général d’avertir le gouvernement, tout gouvernement, des mesures qui contreviennent à la loi. »
« Lorsque le gouvernement agit sans y être autorisé ou conteste les procédures appropriées, fait voter des lois au profit d’une seule personne en portant atteinte à la primauté du droit et aux normes éthiques de la fonction publique, prend des décisions avec de fortes répercussions sur les droits du grand public ou des individus sans motifs légitimes ou encore refuse d’exercer son autorité pour le bien public, sans motifs pertinents, les services du procureur général sont tenus de s’élever contre ces manquements. »
« C’est le travail des services du procureur général de l’État d’Israël. »
« Les services du procureur général continueront, sous ma direction, de remplir leur rôle d’aide au gouvernement pour mener son action dans le cadre de la loi, et proposeront autant que possible des solutions légales de nature à faciliter le travail du gouvernement, même en cas de difficultés juridiques. », a-t-elle poursuivi.
Baharav-Miara s’est inscrite en faux contre l’accusation de Levin selon laquelle le gouvernement était privé de représentation juridique de par son opposition à certaines de ses politiques. Elle a rappelé qu’il était dans ses attributions de conseiller le gouvernement lorsqu’il agissait en dehors du cadre légal, et de l’aider, certainement pas de l’entraver.
Elle a souligné que ses services avaient donné des conseils judicieux au gouvernement sur plusieurs questions et fait en sorte de trouver des solutions conformes à la loi et répondant aux besoins du gouvernement.
Elle a par ailleurs permis au gouvernement de se doter d’une représentation extérieure lorsqu’elle s’est récusée pour défendre certaines politiques.
Elle a notamment assuré avoir travaillé de bonne foi avec le gouvernement pour préparer sa réponse aux recours déposés devant la Cour Suprême s’agissant du refus de Levin de réunir le Comité de sélection des juges.
Baharav-Miara a rejeté l’accusation de Levin selon laquelle elle ne l’aurait pas correctement conseillé pour formuler sa réponse aux recours, rappelant leur réunion le mois dernier, tout en affirmant qu’il ne lui avait pas fait parvenir sa contribution dans les délais requis. Elle a rappelé l’avoir vu plus tard pour lui faire part des difficultés juridiques liées à sa position.
« L’espoir que les services du procureur général transgressent leur rôle et cessent de surveiller le pouvoir exécutif, ne s’expriment pas dans les recours adressés à la Cour Suprême ou cessent d’être les gardiens de la loi, est parfaitement illégitime », a poursuivi la procureure générale.
« Cela porterait gravement atteinte à l’état de droit, au bon fonctionnement du gouvernement et, ultimement, à la population », a-t-elle conclu.
Des sources proches de Levin, témoignant sous couvert d’anonymat, ont indiqué que le ministre de la Justice n’avait jamais menacé Baharav-Miara de limogeage et que sa lettre ne suffisait pas à expliquer son attitude, vécue comme très différente, entre le précédent gouvernement et celui actuellement au pouvoir.
« La procureure générale s’oppose à presque tout ce que le gouvernement souhaite faire. Depuis huit mois, le ministre tente de faire voter sa loi de refonte judiciaire, mais elle n’accepte absolument aucune de ses propositions », conclut la source.