Levin critique Baharav-Miara qui refuse de représenter le gouvernement au tribunal
Le ministre de la Justice déclare qu'il n'y a "aucune relation de travail entre le gouvernement et la procureure générale"
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a fustigé mercredi la procureure générale Gali Baharav-Miara pour ce qu’il a qualifié de manquement à l’obligation de le représenter face aux plaintes déposées quant à sa décision de ne pas convoquer la commission de sélection des juges, et plus généralement pour sa prise de position contre le gouvernement dans d’autres procédures judiciaires engagées contre lui.
Dans une lettre furieuse adressée à la conseillère juridique en chef du gouvernement, Levin a accusé Baharav-Miara de prendre systématiquement parti contre les positions du gouvernement, de ne pas consulter les ministres sur les procédures judiciaires engagées contre leurs politiques et de créer une situation dans laquelle il n’existe pas de relations de travail basiques entre le gouvernement et la conseillère juridique en chef.
Baharav-Miara s’est opposée à maintes reprises au gouvernement. Elle a refusé de soutenir plusieurs textes législatifs soutenus par le gouvernement, notamment les projets de loi sur la refonte du système judiciaire, et a déclaré qu’elle ne pourrait pas représenter le gouvernement devant la Haute Cour de justice dans les recours contre la loi sur le caractère raisonnable, celle sur la récusation du Premier ministre ou encore les mesures prises par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, pour ne citer que ces exemples.
Lors d’une réunion du cabinet en juillet, Baharav-Miara a été attaquée par plusieurs ministres pour son comportement et certains d’entre eux avaient exigé sa démission ou son limogeage.
Baharav-Miara et le bureau du procureur général n’ont pas encore répondu publiquement à la lettre de Levin.
Yair Lapid (Yesh Atid), chef de l’opposition, a condamné Levin pour sa lettre, la décrivant comme une attaque « grossière et violente » contre la procureure générale.
Lapid a accusé Levin d’avoir « une fois de plus décidé d’attaquer la procureure générale de manière agressive et grossière », et prouvé que le gouvernement « est devenu l’ennemi de la démocratie et qu’il menace la séparation des pouvoirs ».
Benny Gantz (HaMahane HaMamlahti), a également soutenu la procureure générale et a accusé Levin de chercher à la démettre de ses fonctions. Il a également affirmé qu’elle avait raison de dénoncer le refus du ministre de la Justice de convoquer la commission de sélection des juges alors que des sièges vides sur les bancs des tribunaux doivent être pourvus.
« Les propos de Levin préparent le terrain pour permettre au gouvernement de limoger la procureure générale », a déclaré Gantz. « La procureure générale, qui est au service du peuple et de l’État de droit et qui ne représente pas uniquement le gouvernement, fait très bien son travail. »
L’organisation de surveillance Mouvement pour un gouvernement de qualité a accusé Levin de tenter de paver la voie à la destitution de Baharav-Miara, comme le réclament de nombreux ministres depuis que le gouvernement est au pouvoir.
Selon l’organisation, la lettre de Levin montre qu’il a décidé « d’écraser définitivement le système juridique et l’application de la loi » et l’accuse de « travailler à la destitution du procureur général ».
« La procureure générale est la gardienne du système judiciaire et de l’application de la loi. Toute tentatives visant à la démettre de ses fonctions et le combat mené contre elle s’inscrivent dans le cadre de la lutte menée par le gouvernement contre l’État de droit lui-même et les fondements de la démocratie dans le pays », a ajouté le groupe.
Kaplan Force, l’un des principaux groupes de protestation contre le programme de refonte du système judiciaire du gouvernement, a également dénoncé la lettre de Levin et a averti qu’il faudrait s’attendre à des « scènes jamais vues dans l’histoire de l’État d’Israël » si le gouvernement tentait de limoger la procureure générale.
La campagne de Levin contre la procureure générale a été lancée mercredi en réponse à la formulation par son cabinet de mesures prises par l’État en réponse aux recours déposés par le Mouvement pour un gouvernement de qualité et d’autres organisations pour contester le refus de Levin de convoquer la commission de sélection des juges, qui doit pourvoir plusieurs dizaines de postes vacants dans les tribunaux à travers le pays.
Une audience a été fixée pour le recours à la Haute Cour le 7 septembre.
Dans la lettre de mercredi, Levin a accusé Baharav-Miara de ne pas avoir pris contact avec son bureau pour rédiger la réponse de l’État aux plaintes, et d’avoir insuffisamment présenté sa position après avoir été contacté par son bureau à ce sujet.
Il a noté que la procureure générale lui avait dit que, tout en le représentant officiellement au tribunal dans le cadre des recours, elle n’était pas d’accord avec sa position selon laquelle il avait le droit de ne pas convoquer la commission et qu’elle inclurait ce point de vue dans la réponse de l’État, de même que celui de Levin.
« Quiconque lirait votre réponse pourrait penser qu’il s’agit d’un recours contre moi, et non de ma réponse », s’est indigné Levin.
Yariv Levin a affirmé qu’une telle situation était sans précédent, même dans des pays non démocratiques, avant de demander de manière rhétorique : « Cette situation n’est-elle pas comparable à un match de football dans lequel une seule équipe joue et envoie des tirs au but dans un but dégagé ?
« Même avec les normes inacceptables et sans précédent qui régissent les conseils juridiques du gouvernement sous votre direction, ceci constitue un nouveau record de traitement désobligeant et de piétinement de mon droit fondamental en tant que plaideur à bénéficier d’une représentation équitable devant le tribunal dans les recours déposés contre moi », a poursuivi le ministre de la Justice.
Il a déclaré que cela revenait à ne pas être représenté devant le tribunal et que cela portait une « atteinte sérieuse » à ses droits en tant que ministre ainsi qu’aux droits du gouvernement « et des personnes au nom desquelles je travaille ».
Il a affirmé qu’à plusieurs reprises, elle n’avait pas consulté les ministres concernés sur l’affaire en question et qu’elle n’avait pas fait le moindre effort pour aider le gouvernement et ses ministres à faire avancer leur politique.
Levin lui a également reproché de ne pas avoir soutenu plusieurs demandes du gouvernement visant à repousser la date butoir pour le dépôt de leurs réponses aux plaintes déposées contre le gouvernement, ni les audiences elles-mêmes.
« Dans la situation que vous avez créée, il n’y a même pas de relation de travail minimale et élémentaire entre le gouvernement et ses ministres et la personne qui est censée leur fournir des conseils juridiques », a conclu le ministre de la Justice.