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Interview

Barbara Risman tire la sonnette d’alarme post- 7 octobre à l’université de l’Illinois

Pour l'enseignante juive, l'atmosphère parmi ses collègues est devenue trop pesante à ses yeux. Ses collègues partagent en secret son opinion

Barbara Risman (Crédit : Autorisation)
Barbara Risman (Crédit : Autorisation)

Barbara J. Risman ne s’attendait pas à prendre une retraite anticipée de l’université de l’Illinois à Chicago, qu’elle appelle depuis 17 ans sa « maison universitaire bien-aimée ».

Professeur émérite de sociologie à la faculté des arts et des sciences, Risman était profondément attachée à la mission de justice sociale de l’université. Mais depuis l’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre, les comportements anti-Israël et antisémites, subtils ou manifestes, se sont répandus sur le campus, à tel point que Risman ne reconnaît plus l’institution.

« L’UIC se targue d’être progressiste et engagée. Mais elle est devenue un endroit très hostile. Il est choquant de croire que l’on appartient à une communauté et de réaliser qu’à bien des égards, ce n’est pas le cas », a indiqué Risman lors d’une interview Zoom depuis son bureau situé sur le campus.

Risman, qui, pendant plus de dix ans, a coprésidé le comité de l’université sur les questions d’égalité et a longtemps été affiliée au département des études sur les femmes et le genre, a récemment décrit son expérience dans une opinion publiée dans les colonnes du Chicago Tribune.

« L’UIC n’est plus une institution où je me sens à l’aise, en tant que Juive qui croit qu’Israël a le droit d’exister », a affirmé Risman, ajoutant que, selon le Comité juif américain, plus de 80 % des Juifs d’Amérique partagent son avis. « Lorsque les départements et les programmes universitaires publient des déclarations qui soutiennent implicitement la destruction de l’État dans lequel vivent plus de la moitié des Juifs, ils passent de la simple micro-agression à l’encontre des étudiants et des professeurs juifs à l’antisémitisme institutionnel pur et simple », a écrit Risman dans son opinion.

Des manifestants brandissent le drapeau palestinien lors d’un rassemblement en soutien à ces derniers à Chicago, dans l’Illinois, le 18 octobre 2023. (Crédit : KAMIL KRZACZYNSKI / AFP)

Et bien qu’il n’y ait pas encore eu de campement anti-Israël à l’UIC comme sur de nombreux autres campus du pays, plusieurs incidents inquiétants ont eu lieu depuis octobre dernier. En novembre 2023, des affiches représentant des otages israéliens détenus par le Hamas ont été arrachées, tandis que des discours anti-sionistes et des manifestations de soutien au terrorisme ont ponctué plusieurs événements organisés à l’université.

Quelques jours après les massacres perpétrés par les terroristes du Hamas dans le sud d’Israël, au cours desquels ils ont assassiné près de 1 200 personnes en brûlant, torturant, violant et démembrant jeunes et vieux, et au cours desquels ils ont également pris 252 otages, nombre de ces exactions ayant été filmées par les terroristes eux-mêmes, et bien avant qu’Israël ne réagisse militairement, des professeurs des départements « Women’s and Gender Studies » et « Black Studies » de l’UIC ont publié un communiqué commun sur leur site pour signifier aux étudiants palestiniens et musulmans qu’ils s’inquiétaient pour eux.

Les enseignants des deux départements ont en outre dénoncé « l’escalade continue des violences coloniales commises par les colons » et exprimé leur solidarité avec les personnes « ciblées par le colonialisme, le racisme, l’hétéropatriarcat, le capacitisme et la violence sanctionnée par l’État », a écrit Risman.

Aucune mention n’a été faite de l’antisémitisme, au même moment des assassinats perpétrés par les terroristes, ni des 252 personnes prises en otage, a-t-elle ajouté.

« Lorsqu’il s’agit des Juifs, ils s’en moquent. L’antisémitisme n’est pas considéré comme l’un de ces ‘ismes’ dont l’université se soucie », a précisé Risman.

L’entretien qui suit a été édité dans un souci de concision et de clarté.

Vue aérienne du campus de l’université de l’Illinois à Chicago. (Crédit : Capture d’écran/Youtube)

Times of Israel : Vous dites que vous avez pris votre retraite anticipée en grande partie à cause de l’antisémitisme émanant de divers départements et de l’administration de l’Université de l’Illinois à Chicago elle-même.

Barbara Risman : Je suis parfaitement consciente que la définition de l’antisémitisme fait actuellement l’objet d’un vif débat. Je ne pense pas que les appels au cessez-le-feu ou les critiques à l’encontre du [Premier ministre israélien Benjamin] Netanyahu soient antisémites.

Barbara Risman (Crédit : Autorisation)

Je considère cependant qu’il y a antisémitisme lorsque des personnes ne se préoccupent pas des morts israéliens après le 7 octobre et appellent à la destruction d’Israël, où vivent plus de la moitié des Juifs. De nombreux pays ont été créés après la Seconde Guerre mondiale, mais le seul dont on demande la destruction est le seul pays juif.

J’étais en congé sabbatique à Paris le 7 octobre, et j’ai donc tout vu de loin. J’ai vu que les départements d’études féminines et genre et celui d’études sur les Noirs se préoccupaient de ce que vivaient les étudiants palestiniens, mais qu’ils ne se préoccupaient pas des étudiants juifs ou israéliens qui souffraient. Cela m’a brisé le cœur et m’a donné un sentiment d’aliénation, et j’ai donc décidé que je ne voulais plus rien avoir à faire avec cela. J’ai donc immédiatement démissionné du département d’études féminines et de genre.

Pouvez-vous nous parler des réactions que votre opinion a suscitées ?

Je m’attendais à recevoir beaucoup de réactions personnelles de la part de mes collègues. Mais j’ai reçu un nombre important de remerciements secrets d’étudiants, de professeurs, de membres du personnel et d’administrateurs de toute l’université. Je connais aujourd’hui plus de Juifs sur le campus que je n’en ai jamais connu en 17 années de travail sur place.

Ils m’ont tous dit : « Vous êtes vraiment courageuse. Je n’aurais jamais osé le faire ». Aujourd’hui, on me contacte quand il se passe quelque chose, parce que je suis la seule à avoir exprimé mon opinion publiquement.

Des militants propalestiniens manifestent devant l’hôtel de ville de Chicago le 31 janvier 2024. (Crédit : Jacob Magid/Times of Israel)

Pouvez-vous décrire la nature des manifestations propalestiniennes et le climat général qui règne sur le campus depuis le 7 octobre ?

Les manifestations n’ont jamais été présentées comme visant à faire cesser la guerre, à aider les habitants de Gaza ou à reconstruire Gaza, autant de questions que je pourrais soutenir. Au contraire, tout y est présenté comme une attaque contre le droit des Juifs à avoir une patrie. C’est pourquoi je me suis sentie personnellement attaquée. C’est là que cela devient antisémite.

Les étudiants juifs préfèrent cacher le fait qu’ils sont juifs. Les étudiants israéliens refusent de parler en public de peur d’attirer l’attention sur eux.

Pourquoi, selon vous, n’y a-t-il pas eu de campements à l’UIC ?

En tant que sociologue, je pense que cela tient en partie au fait que c’est un peu un privilège que de dire : « [Le risque d’encourir des sanctions académiques] ne m’inquiète pas pour mon avenir. Je n’ai pas besoin d’avoir deux emplois pour contribuer à couvrir les frais de l’université, pour manger, pour aider à payer le loyer et, donc, je peux aller vivre dans l’herbe verte pendant deux semaines ».

La majorité de nos étudiants sont issus de milieux ouvriers et vivent avec leurs parents. La plupart d’entre eux ont un ou deux emplois en plus de leurs études. Ils sont très préoccupés par la mobilité ascendante. Ils n’ont pas de parents qui paient 80 000 dollars par an.

Y a-t-il un avenir pour les Juifs à l’UIC ?

J’ai la chance de pouvoir prendre ma retraite. Si j’avais eu dix ans de moins, il m’aurait été bien plus difficile d’occuper mes fonctions. J’ai parlé à plusieurs autres professeurs qui quittent l’université. Ils occupaient des postes non permanents et sont Juifs. Pour eux, il n’y a aucun intérêt à rester.

Pour le moment, c’est plus facile d’être Juif dans un domaine professionnel non universitaire. C’est très triste à dire, mais c’est probablement vrai.

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