Benoît XVI, Israël et ses propos parfois polémiques sur la Shoah
Isaac Herzog a rappelé que le pontife et Shimon Peres avaient planté ensemble un olivier à la résidence présidentielle à Jérusalem
Le président Isaac Herzog a envoyé lundi une lettre de condoléances au pape François à l’occasion du décès samedi à 95 ans de son prédécesseur, le pape émérite Benoît XVI.
Herzog a dit qu’Israël garderait le souvenir d’un souverain pontife qui s’était démarqué « par son ouverture à la communauté juive mondiale et par sa volonté extrême de sanctifier le lien chaleureux entre nos peuples ».
Il a qualifié la visite de Benoît XVI en Israël en 2009, de « moment fort dans les relations entre le Vatican et l’État d’Israël ».
Herzog a également rappelé que Benoît XVI et le président de l’époque, Shimon Peres, avaient planté ensemble un olivier à la résidence présidentielle à Jérusalem.
« Cet arbre, ce symbole vivant de la paix et de la fraternité entre chrétiens et Juifs, sert à rappeler magnifiquement que nos deux peuples partagent des racines profondes et inséparables. »
« L’État d’Israël et le peuple juif se joignent à nos frères et sœurs catholiques alors que vous vous réunissez pour commémorer et vous souvenir de cet homme saint et pieux », a écrit Herzog.
« Comme nous le disons dans la tradition juive, que sa mémoire soit une bénédiction », a-t-il poursuivi.
Réaction de Benjamin Netanyahu et de Mahmoud Abbas
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait lui rendu hommage samedi à l’ancien pape Benoît XVI, se souvenant de lui comme d’un « grand chef spirituel ».
« Il était un grand chef spirituel, engagé de tout son cœur dans la réconciliation historique entre l’Église catholique et le monde juif », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Les deux hommes s’étaient rencontrés en 2009 lors de la visite historique de Benoît XVI.
« Lors de ma rencontre avec lui, il a parlé chaleureusement de l’héritage commun du christianisme et du judaïsme et des valeurs communes que cet héritage a données à toute l’humanité », a encore dit le Premier ministre israélien.
De son côté, le dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a salué la position de Benoît XVI qui a « soutenu la liberté et l’indépendance du peuple palestinien ».
Des propos parfois polémiques
Joseph Ratzinger, pape sous le nom de Benoît XVI, théologien conservateur allemand, restera dans l’Histoire comme le premier pape ayant démissionné depuis le Moyen-Âge, après huit ans d’un pontificat miné par une crise profonde.
Né en 1927 à Marktl am Inn, petit bourg du sud de la Bavière (sud de l’Allemagne), il a été enrôlé de force dans les Jeunesses hitlériennes en 1941. Il a été ordonné prêtre en 1951, avant d’entamer une longue carrière de professeur de théologie et d’auteur de nombreuses publications. Il a été nommé archevêque de Munich et Freising, ordonné évêque, et créé cardinal en 1977. En 1981, il est devenu préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en charge de veiller au dogme de l’Église catholique.
Benoît XVI a publié sa première encyclique, Dieu est amour, en janvier 2006, suivie par Sauvés par l’espérance, en novembre 2007 et La Charité dans la vérité, en juillet 2009.
Durant son pontificat (2005-2013), succédant à Jean Paul II, il a été l’auteur de déclarations fortes, parfois polémiques, mais aussi après sa renonciation.
Au sujet du nazisme, il avait ainsi déclaré le 28 mai 2006, lors d’une visite au camp nazi d’Auschwitz-Birkenau : « Parler dans ce lieu d’horreur, dans ce lieu où a été commis une accumulation de crimes sans précédent contre Dieu et l’Homme, est presque impossible, et c’est particulièrement difficile et troublant pour un chrétien, pour un pape qui vient d’Allemagne. »
Dans le même discours, Benoît XVI avait provoqué une certaine gêne quand il avait semblé dédouaner le peuple allemand de toute responsabilité dans les crimes nazis, qu’il avait attribué à « un groupe de criminels ».
Il a plus tard défendu Pie XII, largement critiqué pour ne pas avoir publiquement défendu les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon Benoit XVI, celui-ci a été « l’un des grands justes, qui a sauvé des Juifs plus que personne », a-t-il dit dans un livre d’entretiens publié en 2010.
Un an auparavant, Benoît XVI avait proclamé Pie XII « vénérable », dernière étape avant la béatification, suscitant le courroux de nombreuses communautés juives.
Le dignitaire s’était aussi mis à dos le monde musulman en citant en 2006 le commentaire d’un érudit persan du XIVe siècle et en s’interrogeant sur les rapports de l’islam avec la violence.
« Pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, pas même à celle de la raison », avait-il déclaré le 12 septembre 2006 devant des universitaires à Ratisbonne (sud de l’Allemagne). Il a ensuite présenté ses regrets au monde musulman.
Au sujet de la pédocriminalité dans l’Église, il a demandé une nouvelle fois « pardon » aux victimes en février 2022, après la publication d’un rapport indépendant allemand l’accusant d’inaction face à des violences sexuelles sur mineurs dans l’archevêché de Munich. Il a néanmoins assuré n’avoir jamais couvert de prêtres pédophiles.
Ses propos sur les préservatifs ont aussi fait polémique. « On ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs. Au contraire (leur) utilisation aggrave le problème », avait-il ainsi déclaré le 17 mars 2009, avant son premier voyage en Afrique.
En 2010, il avait admis toutefois l’usage du préservatif « dans certains cas » pour éviter la contamination, dans un livre d’entretiens.
Les catholiques à Jérusalem pleurent un « grand » pape
Dimanche, les cloches des églises ont sonné dans la Vieille Ville de Jérusalem, où des fidèles catholiques ont pleuré la disparition de leur « grand » pape.
Debout devant basilique du Saint-Sépulcre, construite d’après la tradition chrétienne sur le site où Jésus a été crucifié, mis au tombeau et a ressuscité, Matteo Sassano, un séminariste italien de 33 ans, raconte avoir prié pour la mémoire du défunt pape.
« C’était un grand pape (…) et un grand compagnon du pape François », a-t-il déclaré.
Sa mort dans le monastère où il s’était retiré, au cœur des jardins du Vatican, met fin à une période durant laquelle, il à vécu près de son successeur entre les murs du Saint-Siège.
Après son décès, l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, a appelé tous les prêtres à célébrer une messe à la mémoire de Benoît XVI.
« (Nous) demandons à toutes les églises et monastères de sonner les cloches, comme le veut notre tradition. Nous demandons également à tous les prêtres de célébrer une Sainte Messe pour le repos de son âme. Que le Seigneur lui accorde le repos éternel ! », a déclaré le patriarche latin.
La Terre sainte et Jérusalem accueillent chaque année des milliers de pèlerins catholiques.
Pour Veronica Orzelek, une Polonaise de 23 ans, l’ex-souverain pontife allemand était « une figure emblématique » en Pologne et nul doute que ses compatriotes pleurent sa mort.
C’était un « homme de paix », a déclaré à l’AFP Don Faller, 65 ans.
Pour autant, ce pèlerin américain a dit qu’il était « plus ou moins d’accord » avec l’approche traditionaliste de Benoît XVI qui lui avait valu des critiques au sein même de l’Église.
Il était selon lui « dans la continuité du catholicisme à l’ancienne donc très conservateur ».
Lors de sa visite en 2009, Benoît XVI s’était rendu à Jérusalem, Bethléem et Nazareth, trois lieux abritant des sites chrétiens sacrés.
Au cœur de la Vieille Ville dimanche, le chant des prêtres traversait le parvis du Saint-Sépulcre où Matteo Sassano a évoqué le défunt pape. « Nous l’accompagnerons en prières. »
Des milliers de fidèles sont présents ce jeudi à Rome, au Vatican, pour rendre un dernier hommage. Les funérailles seront célébrées par le pape François.