Biden imperturbable face au démenti saoudien sur l’avancée des liens avec Israël
Selon le responsable à l'origine de cette affirmation, il est impossible que Ryad reconnaisse que l'ouverture de l'espace aérien ait été un signe de normalisation avec l'État juif
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

L’administration Biden n’a été ni surprise, ni inquiète de l’affirmation faite la semaine dernière par l’Arabie sadoute, qui a précisé que sa décision d’ouvrir son espace aérien à tous les avions civils n’était en aucun cas liée à la normalisation avec Israël, a confié un haut-responsable américain au Times of Israel.
L’annonce qui avait été faite de l’ouverture de son espace aérien par Ryad, le 15 juillet, avait été rendue publique quelques heures avant que le président Joe Biden ne devienne le premier président américain à effectuer un vol direct reliant Tel Aviv à Jeddah, où il devait assister à un sommet avec des dirigeants du Moyen-Orient – un vol direct qui avait été salué par Biden et par le Premier ministre israélien Yair Lapid, qui avaient tous les deux évoqué « un premier pas » vers la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite.
Mais des propos tenus pendant une conférence de presse organisée moins d’une heure après le départ de Biden de Jeddah par le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, avaient fait l’effet d’une douche froide : « Cela n’a rien à voir avec les liens diplomatiques avec Israël », avait-il déclaré. « Ce qui s’est passé n’annonce en rien de nouvelles initiatives qui pourraient suivre ».
Des paroles qui avaient semblé nuire aux efforts livrés par Biden pendant le voyage en faveur de l’intégration de l’État juif dans la région.
Toutefois, l’officiel américain a insisté sur le fait que Washington n’avait nullement été ébranlé par ces propos.
« La manière dont les Saoudiens agissent, c’est qu’ils avancent et qu’ensuite, ils observent la réaction publique aux initiatives qu’ils ont prises », a confié le responsable au Times of Israel, jeudi. « Ils ne diront jamais : ‘Oui, c’est un pas effectué en faveur de la normalisation’ – et c’est en particulier le cas au niveau du ministère des Affaires étrangères ».

Les choses pourraient malgré tout être différentes avec le prince héritier Mohammed bin Salman. Il avait déclaré à The Atlantic, au mois de mars, que l’État juif pourrait être « un allié potentiel ». Néanmoins, son père vieillissant, le roi Salman, s’opposerait à la normalisation pleine et entière avec Israël sans adoption préalable d’une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien, et c’est ce positionnement qui devrait dominer tant que le souverain, âgé de 86 ans, est encore là.
Commentant l’effort livré par le prince Faisal pour faire bien la différence entre l’ouverture de l’espace aérien saoudien et le dossier israélien, un diplomate occidental estime que la polémique est « inutile » dans la mesure où l’État juif était le seul pays dont la présence était interdite dans le ciel du royaume avant l’annonce.
A l’Institut des États arabes du Golfe de Washington, un analyste, Hussein Ibish, explique que l’annonce faite par l’Arabie saoudite « concerne bien Israël et rien d’autre », mais que Ryad s’efforce de se faire désirer.
Et pourtant, il met en garde contre une surestimation de l’importance de cette initiative. « Tout le monde joue son propre jeu. Les Américains le font, en disant qu’ils ont fait une avancée. Les Israéliens le font, en disant qu’ils sont dorénavant acceptés par leurs bons alliés et par leurs proches amis, les Saoudiens. Et les Saoudiens le font, en disant que rien n’est arrivé et qu’il n’y a rien à attendre ici… avant qu’un État palestinien ne soit établi. »
« Ce qui est arrivé ici, c’est que des mesures significatives mais excessivement mineures ont rapproché l’Arabie saoudite et Israël – mais ce sont des mesures suffisamment modestes pour ne pas nuire à la politique du royaume ou inquiéter ses dirigeants compte-tenu du rôle qu’ils assument dans la région ou compte-tenu du rôle islamique de l’Arabie saoudite au niveau mondial », ajoute Ibish.
Le haut-responsable américain, pour sa part, refuse de dire si la décision prise par le journaliste israélien Gil Tamary d’entrer clandestinement dans la ville sainte de la Mecque pour y tourner un reportage pour la télévision aura porté préjudice aux efforts visant à normaliser les liens entre Ryad et Jérusalem. Il critique toutefois l’action entreprise par le journaliste de la Treizième chaîne, affirmant que « nous pensons que ces agissements ont été totalement irresponsables et irrespectueux. »

Ryad a annoncé, vendredi, avoir arrêté l’homme qui avait conduit Tamary et qui l’avait aidé à entrer dans la Mecque et une procédure judiciaire dont la nature n’a pas été précisée a aussi été lancée contre le journaliste, qui est revenu au sein de l’État juif.
Le diplomate occidental, pour sa part, est allé plus loin, disant que le reportage « pourrait avoir des implications à long-terme sur l’effort de normalisation ».
Un porte-parole du Conseil de sécurité national, à la Maison Blanche, a pour sa part ajouté que les États-Unis avaient eu connaissance de l’incident et qu’ils avaient souligné que Tamary n’était pas entré dans le royaume aux côtés de la délégation de journalistes qui avait accompagné Biden en Arabie saoudite.
« Nous reconnaissons et nous respectons profondément la Mecque et son importance dans les cœurs des musulmans partout dans le monde – notamment dans les cœurs des millions de musulmans américains », a continué le porte-parole. « Les États-Unis respectent toutes les religions et ils font la promotion de l’harmonie religieuse ».