Biden : « s’il n’y avait pas Israël, tous les Juifs du monde seraient en péril
Dans un entretien, le président a offert des détails sur les efforts de normalisation avec l'Arabie saoudite ; il a regretté d'avoir dit à ses donateurs qu'il était temps "de mettre Trump dans le viseur"
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le président américain Joe Biden a réaffirmé être sioniste dans une interview diffusée lundi. Il a ajouté qu’il était également « un fort soutien des Palestiniens » et il a estimé que le Hamas était « une bande de voyous ».
Biden a aussi indiqué que l’Arabie saoudite était désireuse « de pleinement reconnaître Israël » en échange de garanties sécuritaires apportées par les États-Unis et de l’établissement d’une usine nucléaire civile.
Dans un entretien distinct, Biden a répété sa détermination « à faire le travail jusqu’au bout » en se présentant à sa réélection au mois de novembre, affirmant que son acuité mentale « est sacrément bonne ». Il a aussi confirmé qu’il prendrait part au deuxième débat de campagne qui l’opposera à son rival dans la course à la Maison Blanche, l’ancien président Donald Trump, au mois de septembre.
Un nombre croissant de Démocrates ont appelé Biden à se retirer de cette course après sa performance lors du premier débat qui l’opposait à Trump – une performance qui a suscité des inquiétudes sur son âge et sur sa santé mentale.
Biden a aussi déclaré que cela avait été une erreur de dire à ses partisans de placer son adversaire, l’ancien président Trump, « dans le viseur », quelques jours avant la tentative d’assassinat qui a pris pour cible le candidat Républicain.
Au cours d’un entretien accordé au journaliste Speedy Morman du Youth Media Network de New York – un entretien qui avait eu lieu la veille de la tentative d’assassinat de son adversaire – Biden a réaffirmé être un sioniste, ce qu’il n’avait plus souligné en public depuis le mois de février.
Le terme a pris une connotation de plus en plus péjorative à la gauche de l’échiquier politique américain. Et c’est en particulier le cas parmi les activistes anti-Israël qui ont organisé des mouvements de protestation divers et répétés sur les campus des universités dans le contexte de la guerre qui oppose Israël au Hamas dans la bande de Gaza, une guerre qui avait été déclenchée par le pogrom du 7 octobre.

Ce jour-là, des milliers de terroristes placés sous l’autorité du Hamas avaient envahi le sud d’Israël. Les hommes armés avaient massacré près de 1 200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui avaient été prises en otage à Gaza. Il resterait 116 captifs dans les geôles du Hamas, et un grand nombre d’entre eux ne seraient plus en vie.
« Pas besoin d’être Juif pour être sioniste et être sioniste, c’est une question qui vise à déterminer si Israël est un asile sûr ou non pour les Juifs en raison de leur Histoire et des persécutions dont ils ont été victimes », a-t-il dit.
Il a aussi déploré les mauvaises interprétations fréquentes de ce terme.
« Les gens ne savent pas ce qu’est un sioniste », a regretté Biden avant de demander au journaliste qui l’interrogeait si lui-même connaissait la définition du mot. Morman lui a répondu par un sourire et il a refusé de répondre.
Alors qu’il lui était demandé pourquoi le soutien apporté par les États-Unis à Israël était si fort, Biden a déclaré que « s’il n’y avait pas Israël, tous les Juifs du monde seraient en péril. Il est nécessaire qu’Israël soit fort et il est nécessaire… après la Seconde Guerre mondiale… que les Juifs aient un foyer bien à eux. »
Biden a néanmoins souligné que s’il continuait à livrer des armes défensives à Israël, il refusait toujours d’acheminer « des armements offensifs » de 900 kilos.
« Je l’ai établi de manière très claire », a affirmé Biden. « Les Israéliens ne peuvent pas utiliser les armes que nous leur fournissons… dans les zones civiles ».

Le président américain avait bloqué une livraison d’armes lourdes au début du mois de mai, au moment où Israël lançait une offensive à Rafah, une ville densément peuplée de la bande. Les États-Unis et d’autres alliés de l’État juif mettaient en garde depuis longtemps contre une campagne militaire dans cette localité située à l’extrémité sud de l’enclave côtière, où plus d’un million de Palestiniens s’étaient réfugiés après avoir été déplacés du nord et du centre de Gaza. Israël, de son côté, avait affirmé que cette opération était indispensable pour démanteler les derniers bataillons du Hamas.
Washington a depuis fait parvenir une partie des cargaisons suspendues, mais pas les bombes lourdes de 900 kilos.
Pendant l’entretien, Biden s’est enorgueilli des efforts humanitaires livrés par son administration en direction des Palestiniens.
« J’ai personnellement fait davantage pour la communauté palestinienne que n’importe qui d’autre. J’ai joué tous mes atouts… J’ai obtenu des Égyptiens qu’ils ouvrent la frontière pour laisser les produits alimentaires, les biens et les médicaments entrer dans la bande », a expliqué Biden. « J’ai été en capacité de rassembler les États arabes qui ont accepté d’aider les Palestiniens en leur livrant de quoi manger et des abris ».
« J’ai beaucoup soutenu les Palestiniens mais le Hamas – c’est une bande de voyous », a-t-il continué.
« J’étais là-bas [en Israël] huit jours après le massacre. J’ai vu les photos de ces mères et de ces filles attachées l’une à l’autre par une corde, avec du kérosène qui leur avait été versé sur la tête et qui avaient été brûlées vives ensuite. Rien de tel n’était arrivé depuis la Shoah », a fait remarquer Biden.

Alors qu’il lui était demandé la raison pour laquelle les Américains arabes et musulmans continueraient à appuyer sa candidature malgré le soutien que son administration apporte à Israël, Biden a répondu : « Pour la même raison que les Arabes américains ont accepté de me soutenir jusqu’à présent. Parce que c’est le meilleur moyen de maintenir la paix, le meilleur moyen de rassembler les choses ».
La communauté, très méfiante face à la rhétorique anti-musulmane qui est utilisée par Trump, s’est sentie de plus en plus frustrée par le positionnement adopté par Biden sur la question de la guerre à Gaza – ce qui a mis potentiellement en péril la campagne à la réélection du président dans le Michigan, un état qui compte une très forte population arabe et musulmane. Biden avait gagné de peu cet état-pivot et déterminant lors du scrutin de 2020.
« Je n’ai pas le moindre préjugé. Ils ont besoin d’aide maintenant », a indiqué Biden, soulignant ses bonnes relations de travail avec les pays arabes et notamment avec l’Arabie saoudite.
« J’ai eu un appel des Saoudiens – ils veulent pleinement reconnaître Israël », a continué Biden, faisant référence aux efforts livrés pour parvenir à un accord de normalisation.
L’Arabie saoudite n’est jamais allée aussi loin dans ses déclarations publiques. Les officiels ont répété que leur pays ne normaliserait pas ses liens avec Israël à moins que Jérusalem accepte de favoriser une voie vers un futur état palestinien – une condition que Biden n’a pas mentionnée et que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a écartée d’un revers de la main.
Biden a noté qu’en échange de la reconnaissance, l’Arabie saoudite voulait que les États-Unis lui fournissent des armes « si elle doit être attaquée par d’autres nations arabes – l’une d’entre elles est toute proche ». Le président américain faisait là apparemment référence à l’adversaire régional de Ryad, l’Iran.

Biden a indiqué que dans le cadre d’un tel accord, Washington établirait une usine nucléaire civile en Arabie saoudite qui serait exploitée par l’armée américaine « de manière à ce que le pays puisse faire sa transition en abandonnant les énergies fossiles ».
« Cela changerait grandement la donne dans la maison toute entière », a poursuivi Biden.
Un député démocrate et un conseiller d’un sénateur républicain de premier plan ont confié au Times of Israel, la semaine dernière, que la fenêtre de négociation de l’administration Biden, en ce qui concerne l’accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, était dorénavant fermée – en amont des élections du mois de novembre. Ces deux responsables ont précisé qu’il n’y avait plus suffisamment de temps, avant le scrutin, pour que le sénat procède aux audiences qui seraient nécessaires pour approuver les garanties dont a besoin l’Arabie saoudite.
« Je n’ai que trois ans de plus que Trump »
Dans une autre interview accordée à Lester Holt, de NBC, après la tentative d’assassinat contre Trump, Biden, qui est âgé de 81 ans, a défendu la fois « son acuité mentale » et la rhétorique qu’il utilise à l’égard de son rival, tentant ainsi de calmer les appels lancés par ceux qui souhaitent qu’ils se retire de la course à la présidentielle.
Biden a défendu de manière combative son état mental et physique, avec des propos qui ont toutefois été parfois empreints de la même confusion qui inquiète actuellement les Démocrates.
« Je suis âgé », a dit Biden à Holt au cours de cet entretien qui a été accordé à la Maison Blanche. « Mais j’ai seulement trois ans de plus que Trump – petit un. Petit deux, mon acuité mentale est sacrément bonne ».

Il a ajouté que « je comprends pourquoi les gens disent : ‘Mon Dieu, il a 81 ans. Wouah. Qu’est-ce que ça va être quand il aura 83 ans, 84 ans ? C’est une question légitime à poser ».
Ce face à face avait été annoncé la semaine dernière, avant la tentative d’assassinat qui a pris Trump pour cible, samedi – une tentative d’assassinat qui a été bien évidemment soulevée lors de l’interview.
Biden a déclaré à Holt qu’il avait eu tort lorsqu’il avait récemment déclaré à ses donateurs qu’il était « temps de mettre Trump dans le viseur » de sa campagne électorale.
« Cela a été une erreur d’utiliser ce mot », a reconnu Biden lorsqu’il lui a été demandé s’il avait été trop loin dans sa rhétorique au moment où la nation, en proie à des clivages profonds, est encore sous le choc de la fusillade, qui a blessé Trump à l’oreille.
« Je voulais simplement dire qu’il fallait se focaliser sur lui et sur ce qu’il fait », a expliqué Biden.
Mais Biden a encore une fois répété qu’il était, à ses yeux, nécessaire « d’évoquer la menace faite à la démocratie » que serait la victoire de l’ancien président Trump et son retour à la Maison Blanche.

« Vous voyez, je ne suis personnellement pas quelqu’un qui a dit : ‘Je veux être un dictateur dès le premier jour’, » a-t-il déclaré en faisant référence à des paroles prononcées par Trump qui avaient alarmé de nombreux Américains.
Plusieurs Républicains de premier plan – et notamment le nouveau compagnon de course de Biden, JD Vance – ont accusé Biden, depuis la tentative d’assassinat, d’avoir été en partie responsable de ce qui s’est passé en raison du langage qu’il a pu utiliser contre son rival.
Des accusations – qui ont été elles-mêmes souvent incendiaires – qui ont été faites alors que les autorités disent qu’elles n’ont pas encore déterminé les mobiles du tireur et l’idéologie qui était la sienne. Les Républicains eux-mêmes, d’ailleurs, utilisent souvent le vocabulaire des armes à feu dans leur langage politique.
Cet entretien a été diffusé une heure avant que Trump ne monte sur la scène, l’oreille bandée, de la Convention nationale républicaine de Milwaukee. C’était sa première apparition en public depuis la fusillade.
Si la tentative d’assassinat qui a pris Trump pour cible a permis de détourner l’attention de la mauvaise performance offerte par Biden lors du débat, tous les gestes du candidat Démocrate restent scrutés avec attention par les membres de son parti, préoccupés à l’idée d’une contre-performance du candidat lors du scrutin.

Même s’il s’est appliqué à tenter de donner l’image d’un homme d’État, Biden a souvent montré des signes d’irritation.
Alors qu’il lui était demandé si l’attaque contre le candidat Républicain avait changé la trajectoire de la campagne, Biden a répondu que « je l’ignore et vous l’ignorez également ».
Biden s’est querellé avec le journaliste, demandant : « Pourquoi vous n’évoquez jamais les 18 à 20 mensonges que Trump a dit pendant le débat ? »
Il a aussi réagi avec force quand il lui a été demandé s’il « se remettrait en selle » en ajoutant un troisième débat, déclarant : « Mais je suis déjà en selle, que croyez-vous ? »