Bill Clinton : Si Rabin avait vécu, le monde serait différent aujourd’hui
Pour l’ancien président, le nationalisme qui a précédé l’assassinat de 1995 était un “microcosme” de ce qui est à présent “à maturité” dans le monde
L’ancien président américain Bill Clinton a déclaré jeudi que l’assassinat en 1995 du Premier ministre Yitzhak Rabin et la poussée de nationalisme précédente était un « microcosme de ce qui est parvenu à maturité dans le monde aujourd’hui. »
Pendant un évènement organisé à l’Institut Brookings à l’occasion de la sortie du livre d’Itamar Rabinovich Yitzhak Rabin: Soldier, Leader, Statesman (Yitzhak Rabin : soldat, dirigeant, homme d’état), Clinton a déclaré qu’il était toujours convaincu que si Rabin avait continué à vivre, le monde serait différent aujourd’hui, en partie parce qu’un accord de paix entre Israël et les Palestiniens aurait été conclu il y a longtemps.
L’ancien président, qui a fait campagne pour son épouse, Hillary Clinton, aux dernières élections présidentielles américaines, a déclaré que le meurtre de Rabin par un extrémiste juif le 4 novembre 1995 « a peut-être été la pire journée que j’ai passée à la Maison Blanche ».
Yigal Amir purge une peine de prison à perpétuité pour l’assassinat de Rabin après la signature des accords Oslo II de paix en 1995, avec Yasser Arafat, alors dirigeant palestinien, sous l’auspice de l’administration Clinton.
« Je suis toujours convaincu que s’il avait vécu, nous aurions conclu un accord global avec les Palestiniens en 1998 et nous vivrions dans un monde différent aujourd’hui », a déclaré Clinton, ajoutant qu’il n’avait jamais pensé que cela serait facile.
Disant qu’il ne voulait pas faire ce que les « anciens » comme lui font et « adoucissent le passé », Clinton a expliqué qu’il « aurait été difficile [de conclure un accord de paix] mais cela aurait été fait. Grâce à lui, grâce à la confiance qu’il avait, il a inspiré non seulement les Israéliens, mais aussi ses adversaires, ou du moins ceux qui étaient de l’autre côté de la table des négociations. Arafat est quasiment en admiration devant lui, ce qui m’a toujours assez amusé. »
Rabin, a-t-il déclaré, « était intelligent, il était prudent, il comprenait les insécurités qui balaient chaque société à chaque instant, et au lieu d’en être paralysé ou de tenter d’en tirer parti, il essayait de les prendre en compte. »
Clinton a raconté que, quand il a demandé au Premier ministre israélien pourquoi il avait signé les accords d’Oslo de 1993, Rabin lui a répondu que si un accord n’était pas conclu, « très bientôt [Israël] ne sera plus une démocratie ou plus un Etat juif. L’une des décisions contreviendrait à nos obligations solennelles. »
Semblant faire référence au président américain Donald Trump et à d’autres dirigeants qui sont arrivés au pouvoir après des campagnes basées sur des « politiques identitaires » et le nationalisme, Clinton a déclaré que les politiciens qui souscrivent aux « nous contre eux » ont souvent du succès politique, et que de tels dirigeants avaient toujours existé.
« On en revient toujours à deux choses : allons-nous vivre dans un monde ‘nous et eux’, ou dans un monde dans lequel nous pouvons vivre ensemble ? Si vous avez cela, à chaque moment et à chaque période, les défis que nous affrontons pourront être résolus d’une manière qui nous fait progresser au lieu de nous ramener à l’âge de la destruction. »
Revenant quelque 25 années en arrière dans la politique israélienne, quand Rabin a été élu en 1992, a déclaré Clinton, il est devenu l’objet d’une « agression constante contre sa légitimité, sa légitimité personnelle par la droite radicale d’Israël. »
L’ancien président a rappelé au public que la campagne de « délégitimation, délégitimation, délégitimation » de Rabin et les jugements soi-disant religieux lancés par deux figures rabbiniques pour justifier le meurtre d’un Juif par un autre Juif « s’ils ne sont plus de bons Juifs, encore moins de bons Israéliens ».
Un dirigeant doit toujours être préparé à se battre, à perdre ou à gagner, même sa propre vie, a déclaré Clinton.
« Il faut se rappeler que ce qui est arrivé il y a 20 ans est un microcosme de ce qui est parvenu à majorité dans le monde aujourd’hui, et que ces choses vont devoir être travaillées », a prévenu Clinton.
Rabin « pensait qu’à la fin, nous ferions mieux de partager le futur », a-t-il déclaré.
« Dans le microcosme du Moyen Orient, il a préfiguré la bataille qui fait à présent rage dans le monde, que vous voyez en Amérique, que vous voyez dans le vote du Brexit, que vous voyez avec l’élection aux Philippines, que vous voyez dans les débats organisés aux Pays-Bas et en France, partout, où certains affirment vouloir un état-nation essaient en fait d’avoir un mouvement pan-national pour institutionnaliser le séparatisme et la division au sein des frontières nationales dans le monde entier », a-t-il ajouté.
Clinton a déclaré que c’était comme si le monde « avait une crise identitaire [tout] d’un coup, et c’est la conséquence inévitable des changements économiques et sociaux qui ont eu lieu à une vitesse de plus en plus rapide. »
S’en prenant apparemment de nouveau à Trump, Clinton a déclaré que « je pense que si vous pensez que le changement climatique n’est pas réel, si vous pensez que la technologie donnera aux terroristes plus d’options pour tuer des gens et délégitimer fondamentalement toute l’idée d’état-nation, alors l’idée d’un conflit interne institutionnalisé dans la nation, nation après nation, n’est pas la stratégie la plus sage si vous voulez construire un monde de prospérité et de paix. »
« Nous devons trouver un moyen de faire revenir la simple décence personnelle et la confiance dans nos politiques », a affirmé Clinton, disant que c’était une leçon qu’il avait apprise de Rabin.
Après le discours de Clinton, Martin Indyk, qui est actuellement le vice-président de Brookings et était autrefois ambassadeur des Etats-Unis en Israël, a rejoint Rabinovich, ancien ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, diplomate et négociateur de paix, et Dalia Rabin, la fille de Rabin, pour une table ronde.
JTA a contribué à cet article.