Black Cube porte plainte contre une journaliste d’investigation israélienne
La firme privée de renseignements a porté plainte au Royaume-Uni après qu'Ilana Dayan a prétendu qu'elle avait tenté, entre autres, de calomnier d'éminents Israéliens
La firme de renseignement Black Cube a porté plainte au Royaume-Uni contre la journaliste israélienne d’investigation Ilana Dayan après la diffusion d’un reportage présentant certaines missions présumées de l’entreprise.
Suite à la diffusion du programme « Uvda » sur la Douzième chaîne, lors de laquelle Dayan avait clamé que l’une des plus grosses fortunes d’Israël avait loué les services de Black Cube en 2014 pour salir l’image du numéro deux du parti Kakhol lavan, Yair Lapid, Dayan a lancé des nouvelles accusations vendredi – évoquant notamment une tentative de la part de la compagnie de perturber une réforme dans le secteur des communications et de discréditer une importante femme d’affaires israélienne.
Black Cube, une firme regroupant d’anciens agents israéliens des renseignements, avait attiré l’attention à l’international pour avoir œuvré à discréditer des responsables de l’administration Obama qui avaient aidé à négocier l’accord sur le nucléaire iranien, ainsi que pour avoir protégé la réputation de Harvey Weinstein, magnat de Hollywood tombé en disgrâce.
La compagnie a fait savoir qu’elle avait porté plainte contre l’émission de télévision et son présentateur devant un tribunal britannique, réclamant la somme de 14 millions de livres. Un clerc de la cour royale de Justice a confirmé qu’une plainte avait été déposée, ajoutant qu’il n’avait pas le droit de donner plus de détails.
Dayan a estimé vendredi que ces poursuites judiciaires visaient à la « réduire au silence ».
Dans les nouvelles accusations diffusées vendredi, Dayan a expliqué que des agents de Black Cube avait été embauchés par le principal fournisseur du secteur des télécommunications dans le pays, Bezeq, pour tenter de perturber ce qui avait été surnommé en 2014 la réforme du marché de gros, qui avait introduit une concurrence sévère pour l’entreprise dans son domaine d’activité.
Selon Dayan, une firme internationale de conseil dont les services avaient été loués par le ministère des Communications israélien avait été invitée au mois de mars 2014 au Dorcherster Hotel de Londres, où elle aurait subi des pressions de la part d’agents de Black Cube pour tenter de la discréditer et de perturber la réforme.
Bezeq n’a pas démenti les éléments présentés dans le reportage de la Douzième chaîne, disant seulement que ce type de comportement n’était plus acceptable et appartenait à une époque différente. Pour sa part, Black Cube a nié avoir œuvré à entraver une réforme.
« La compagnie n’opère que dans un cadre commercial et juridique toujours conforme à la loi. Black Cube n’a jamais été embauché pour torpiller une réforme quelle qu’elle soit », a dit Black Cube dans un communiqué adressé à la Douzième chaîne. « La compagnie n’approcherait jamais un ministre ou une personnalité occupant un poste officiel ».
Les efforts visant à entraver cette réforme se trouvent également au coeur de l’enquête sur le Premier ministre Netanyahu surnommée « Affaire 4000 », même si les deux sont apparemment sans lien, a noté « Uvda ».
Netanyahu est accusé d’avoir prôné des décisions de régulation au profit de Shaul Elovitch, actionnaire majoritaire du géant des télécommunication Bezeq, à hauteur de centaines de millions de dollars en échange d’une couverture médiatique favorable pour le Premier ministre sur le site d’information Walla, propriété d’Elovitch.
Dans ce dossier, le procureur-général a annoncé qu’il avait l’intention de faire inculper, sous réserve d’une prochaine audience, Netanyahu et Elovitch pour pots-de-vin.
Dayan a également fait savoir vendredi qu’un haut-responsable commercial non-identifié avait fait appel à Black Cube pour s’attaquer à Ofra Strauss, l’une des femmes les plus riches et les plus puissantes d’Israël, de l’entreprise alimentaire Strauss Group qui pèse des milliers de dollars.
Les documents exposés dans le reportage indiquent que Black Cube avait voulu « identifier de mauvaises conduites, des conflits survenant dans les vies professionnelle et privée d’individus » et « trouver d’autres points possibles d’influence ».
Dayan a noté qu’un éventuel passage à l’action de la part de Black Cube contre Strauss restait indéterminé.
Selon la journaliste, des sources proches de Strauss auraient indiqué que cette dernière était très en colère mais qu’elle n’avait été guère surprise par ces révélations.
Dans le reportage de jeudi, Dayan a prétendu que le magnat Idan Ofer avait, à un moment, embauché la firme pour enquêter sur le ministre des Finances de l’époque, Lapid, et d’autres responsables dans le cadre des efforts livrés par Ofer pour influencer la politique fiscale sur les découvertes de gaz naturel.
Ofer, milliardaire détenant d’importantes parts dans les industries du transport, du forage et des mines, aurait payé Black Cube pour l’aider à saper un groupe de conseil qui avait été désigné par Lapid et qui voulait élever les impôts sur sa compagnie – lucrative – qui travaillait sur ce type de ressources naturelles, selon l’enquête diffusée à la télévision. L’idée était de calomnier Lapid et ses conseillers pour pouvoir échapper aux impôts élevés sur les profits réalisés.
L’enquête de jeudi a également exploré les liens entretenus par Black Cube et l’ancien président congolais, Joseph Kabila, qui aurait utilisé les services de l’entreprise pour se débarrasser d’activistes de l’opposition.
Black Cube a nié ces accusations, affirmant que la compagnie n’a jamais rencontré Ofer ou ciblé des politiciens, des magistrats ou des régulateurs.
Un porte-parole d’Ofer a confirmé qu’il avait contacté l’agence au cours d’une brève période, ajoutant que le magnat israélien n’avait finalement pas fait appel aux renseignements de Black Cube. Il a souligné que la compagnie ne collectait des preuves qu’à partir de sources publiques.
Lapid a pour sa part indiqué en réponse qu’il ne pouvait pas être touché par une campagne d’influence et qu’il continuerait « à travailler sans craindre qui que ce soit ».