Blinken demande à Israël et au Hamas un maximum de souplesse dans les négociations
Selon un négociateur israélien, l'insistance de Netanyahu sur le corridor Philadelphi vise à saboter les pourparlers ; des responsables estiment avoir manqué l'occasion de libérer les plus âgés en novembre
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a appelé mardi Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas à faire preuve d’une « flexibilité maximale » dans les discussions sur l’accord de « trêve contre libération d’otages », alors qu’un responsable américain a estimé que les propos
« maximalistes » attribués au Premier ministre Benjamin Netanyahu sur le maintien du contrôle de la frontière entre Gaza et l’Égypte ne contribuaient pas à la conclusion d’un accord.
« Il est très important que les négociateurs qui travaillent sur les détails de cet accord bénéficient d’une flexibilité maximale de la part du gouvernement israélien et des dirigeants du Hamas », a souligné Blinken dans des remarques adressées aux journalistes alors qu’il quittait Doha mardi soir, ajoutant que « ces choses prennent parfois plus de temps qu’on ne le souhaiterait ».
La réprimande d’un haut fonctionnaire américain voyageant avec Blinken au Moyen-Orient, qui a requis l’anonymat pour aborder les sujets sensibles, est survenue après que Netanyahu aurait dit à des proches d’otages et à des familles endeuillées de la ligne dure, lors d’une entrevue, « qu’Israël ne quittera en aucun cas ni le corridor Philadelphi, ni celui de Netzarim ».
Le Premier ministre a insisté sur le fait qu’Israël ne se retirera pas de ces deux zones situées respectivement au sud et au centre de Gaza, et que des troupes doivent y être stationnées pour des raisons stratégiques et de sécurité.
Le couloir dit de « Philadelphi », qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza, où le Hamas a fait entrer clandestinement des armes et des composants d’armes pendant des années. Le corridor de Netzarim a été délimité par l’armée israélienne au cours de la guerre et vise à empêcher les terroristes armés du Hamas de retourner dans le nord de la bande de Gaza, tout en permettant à Tsahal de manœuvrer plus librement à travers l’enclave. En début de semaine, les négociateurs israéliens auraient dit à Netanyahu que son exigence d’une présence permanente de l’armée dans le corridor Philadelphi compromettait l’accord.
« Des déclarations maximalistes comme celle-ci ne sont pas constructives pour faire passer la ligne d’arrivée à un accord de cessez-le-feu », a déclaré le fonctionnaire, qui a également démenti un article d’Axios selon lequel Netanyahu aurait réussi à convaincre le plus haut diplomate américain sur cette question.
« La seule chose dont le secrétaire d’État Blinken et les États-Unis sont convaincus, c’est la nécessité de parvenir à un cessez-le-feu », a déclaré le haut fonctionnaire de l’administration.
Alors que Blinken devait rencontrer l’émir du Qatar, Tamim al-Thani, après s’être entretenu avec les principaux dirigeants israéliens et égyptiens, il n’a finalement obtenu qu’une entrevue avec un ministre de rang relativement inférieur, le ministre d’État du Qatar au ministère des Affaires étrangères, Mohammed ben Abdulaziz al-Khulaifi.
S’adressant aux journalistes avant de quitter le Qatar, Blinken a déclaré qu’un accord de cessez-le-feu devait être conclu dans les prochains jours, ajoutant que les États-Unis, l’Égypte et le Qatar feraient tout leur possible pour que le Hamas adhère à la « proposition charnière » que les États-Unis ont élaborée à la fin des discussions du sommet de Doha la semaine dernière.
« Le temps presse », a déclaré Blinken. « Il faut que cela se fasse, et cela doit se faire dans les jours qui viennent, et nous ferons tout ce qui est possible pour que cela aboutisse. »
Le groupe terroriste palestinien a publié des déclarations rejetant la « proposition charnière » américaine et insistant sur un cessez-le-feu permanent dans la guerre et le retrait total des troupes de Tsahal de Gaza.
La Douzième chaîne a rapporté mardi que la nouvelle proposition américaine avait été reçue par le chef du Hamas, Yahya Sinwar, à Gaza, et qu’il est probable qu’il la rejettera.
L’obstacle du corridor Philadelphi
Selon une déclaration antérieure du Forum Gvura, qui représente certaines familles de soldats tombés au combat, Netanyahu a déclaré au groupe lors d’une réunion mardi qu’il n’était « pas garanti qu’il y ait un accord », que tout accord « sauvegarderait les intérêts d’Israël » et « qu’Israël ne quittera en aucun cas ni corridor Philadelphi, ni celui de Netzarim ».
La Douzième chaîne a diffusé mardi soir une succession de brèves séquences des remarques de Netanyahu lors de la réunion qui sous-entendent, mais ne prouvent pas entièrement, qu’il a exposé certaines de ces positions spécifiques : « Nous nous sommes emparés du corridor Philadelphi ; nous nous sommes emparés du poste-frontière de Rafah […] », a-t-il déclaré dans l’un des extraits. « Nous nous efforçons de ramener les otages […] », a-t-il déclaré dans un autre extrait. « Mais l’autre question est de conserver nos atouts stratégiques en matière de sécurité face aux fortes pressions exercées dans le pays et à l’étranger. Et nous tenons bon », a-t-il assuré dans un troisième extrait.
En outre, une source de l’équipe de négociation israélienne a également accusé Netanyahu, sous couvert d’anonymat, de saboter les pourparlers avec ses déclarations de mardi, a rapporté la chaîne publique Kann.
« Les déclarations de Netanyahu sont destinées à faire exploser les pourparlers, on ne peut dire autre chose », a indiqué la source à Kann. « Le Premier ministre sait que nous sommes dans une période critique au cours de laquelle nous travaillons sur des solutions pour les corridors Philadelphi et Netzarim avant le prochain sommet. »
« Il sait qu’il y a des progrès, mais il fait des déclarations qui vont à l’encontre de ce qui a été convenu avec les médiateurs », a ajouté la source.
Néanmoins, le New York Times a rapporté mardi que la proposition charnière des États-Unis permet effectivement à un nombre réduit de troupes israéliennes de continuer à patrouiller dans une partie du corridor Philadelphi.
Toutefois, des fonctionnaires ont déclaré au New York Times que la suggestion d’une présence limitée de Tsahal serait probablement rejetée par le Hamas en raison de sa demande de longue date d’un retrait total des Israéliens. L’Égypte a également exprimé son mécontentement et des fonctionnaires égyptiens ont averti que la présence prolongée de troupes israéliennes poserait des problèmes de sécurité nationale au Caire.
Les fonctionnaires ont indiqué qu’une autre des exigences « non négociables » de Netanyahu a également posé des problèmes lors des pourparlers à Doha à la fin de la semaine dernière, après que les États-Unis ont demandé de retarder les conversations approfondies concernant la demande d’Israël de fouiller les Palestiniens déplacés qui retournent dans la partie nord de la bande de Gaza, afin de s’assurer qu’ils ne transportent pas d’armes.
Jusqu’à présent, l’administration Biden a assuré que Netanyahu adhérait en réalité à la dernière proposition charnière – que lui-même et Blinken ont chacun déclaré avoir acceptée lundi.
En quittant Doha, Blinken a fait part de son opposition à l’insistance signalée de Netanyahu pour que les troupes israéliennes restent dans les corridors Philadelphi et Netzarim. « Les États-Unis s’opposent à une occupation à long-terme de Gaza par Israël. L’accord [final de la proposition charnière] est très clair sur le calendrier et le lieu des retraits de Tsahal de Gaza, ce qui a été accepté par Israël », a-t-il déclaré.
Le secrétaire d’État a toutefois refusé de répondre directement aux propos rapportés de Netanyahu. « Je ne peux pas parler de ce que [Netanyahu] aurait dit. Je peux seulement parler de ce que j’ai entendu directement de sa bouche la veille, lorsque nous avons passé trois heures ensemble, et notamment de l’approbation par Israël de la proposition charnière. »
Blinken a ajouté « qu’il est clairement dans l’intérêt de toutes les parties concernées – à commencer par Israël – de mettre un terme à cette
situation ». « Les otages en dépendent, la sécurité du pays en dépend. »
Gaza, a-t-il poursuivi, est à bien des égards « la clé qui permettra d’améliorer en réalité la situation au nord avec le Liban et le [groupe terroriste chiite libanais du] Hezbollah. C’est la clé pour s’assurer que nous pouvons faire redescendre la température dans la mer Rouge avec les Houthis. C’est la clé pour voir si nous pouvons poursuivre un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, que les deux pays continuent d’appeler de leurs vœux. C’est la clé pour mettre tout le monde – à commencer par Israël – sur la voie d’une paix et d’une sécurité accrues ».
Blinken a également évoqué les citoyens américains qui sont toujours captifs du Hamas depuis qu’ils ont été capturés lors du pogrom du 7 octobre, affirmant qu’il « a été très clair sur l’intérêt américain à s’assurer que nos citoyens rentrent chez eux auprès de leurs familles et que les dépouilles de ceux qui ont péri soient récupérées ».
Parallèlement, un fonctionnaire américain a reconnu au Times of Israel que les deux parties s’inquiétaient de la mise en œuvre de l’accord.
La position de Netanyahu a été critiquée en Israël, le chef de l’opposition Yaïr Lapid ayant appelé mardi à un accord immédiat avant que les otages
« ne meurent tous ».
« Assez avec les briefings, assez avec les tweets », a écrit Lapid sur le réseau social X.
« Toutes les tentatives de Netanyahu pour saboter les pourparlers devraient cesser. Un accord maintenant, avant qu’ils ne meurent tous. »
Des centaines de manifestants ont bloqué la circulation alors qu’ils s’étaient réunis rue Begin à Tel Aviv mardi soir pour réclamer un accord pour les otages, suite à la récupération des corps de six otages dans une opération nocturne, tous enlevés vivants le 7 octobre.
Les manifestants brandissant des images d’Avraham Mundar, Alex Dancyg, ChaÏm Peri, Yagev Buchshtab, Yoram Metzger et Nadav Popplewell ont marché derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire « Netanyahu sacrifie les otages ».
Les militants ont également écrit les noms des otages sur la route et ont scandé que « le sang gouvernement des horreurs a le sang des otages sur les mains ».
On estime que 105 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouvent toujours à Gaza, y compris les corps de 34 personnes dont la mort a été confirmée par Tsahal.
105 civils avaient été libérés des geôles du groupe terroriste au cours d’une trêve d’une semaine, fin novembre. Quatre captives avaient été remises en liberté précédemment. Sept otages vivants ont été secourus par les soldats et les corps de 24 otages ont été récupérés, notamment ceux de trois Israéliens tués accidentellement par l’armée.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés dans la bande en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats de Tsahal tués en 2014.