Brunei : entrée en vigueur de la charia, le sultan appelle à « renforcer » l’islam
Pour les analystes, le sultan Hassanal Bolkiah cherche à renforcer son image de leader islamique aux yeux des plus conservateurs
Le sultan de Brunei a appelé mercredi à « renforcer » les enseignements islamiques dans son pays au moment où entrait en vigueur une nouvelle législation inspirée de la charia, avec la lapidation pour punir l’homosexualité et l’adultère.
Le nouveau code pénal a suscité une vague de protestations d’ONG, de personnalités et de pays inquiets des atteintes aux droits de l’Homme dans le petit Etat riche en hydrocarbures situé sur l’île de Borneo.
Les nouvelles lois, qui prévoient aussi l’amputation d’une main ou d’un pied pour les voleurs, feront de Brunei le premier pays d’Asie du Sud-Est à appliquer au niveau national un code pénal suivant la charia, comme le fait l’Arabie saoudite.
Le viol et le vol sont aussi passibles de peine de mort selon ce code qui prévoit en outre que la peine capitale pour insulte au prophète s’appliquera aux musulmans comme aux non-musulmans.
Critiques internationales
A l’approche de l’entrée en vigueur de ces lois, les critiques internationales se sont multipliées.
La Haut Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Michelle Bachelet, a dénoncé lundi les « peines cruelles et inhumaines » prévues et demandé l’annulation de ces dispositions.
L’acteur américain George Clooney, rejoint par le chanteur britannique Elton John, a de son côté lancé une campagne appelant au boycott de neuf hôtels de luxe liés au sultan de Brunei. Des élus de la ville de Los Angeles, qui abrite deux de ces hôtels, ont joint leur voix mardi à cet appel au boycott.
En France, le ministère des Affaires étrangères a appelé le sultan à « renoncer à ce projet et à maintenir son moratoire de fait des exécutions capitales depuis 1957 ».
Et les Etats-Unis ont souligné que l’introduction de la législation était contraire « aux obligations internationales » de Brunei « vis-à-vis des droits de l’homme ».
Phil Robertson, directeur adjoint de l’ONG Human Rights Watch, a estimé que le texte était « barbare dans son essence » et « imposait des punitions archaïques pour des actes qui ne devraient même pas être considérés comme des crimes ».
Le sultan Hassanal Bolkiah, qui dirige la monarchie d’une main de fer depuis 1967, n’a pas annoncé officiellement dans un discours mercredi l’entrée en vigueur des nouvelles lois mais a appelé à un renforcement de l’islam dans le pays.
« Je veux voir les enseignements de l’islam dans ce pays se renforcer », a déclaré le sultan près de la capitale Bandar Seri Begawan.
Il a demandé à ce que l’appel à la prière se fasse entendre dans tous les lieux publics, pas uniquement dans les mosquées, pour rappeler les croyants à leurs devoirs.
Brunei est un pays « juste et heureux », a-t-il assuré en réponse aux critiques.
« Quiconque viendra dans le pays aura une expérience agréable et profitera d’un environnement sûr et harmonieux », a-t-il déclaré.
Les autorités de Brunei n’ont pas confirmé immédiatement l’entrée en vigueur des lois mais le gouvernement avait annoncé ce week-end que le nouveau code serait appliqué à partir de mercredi.
Signes de faiblesse de l’économie
Le sultan, l’une des plus grandes fortunes au monde, avait annoncé dès 2013 l’application progressive de la charia.
Les nouvelles lois rendent les rapports sexuels entre hommes du même sexe passible de la lapidation alors que les rapports sexuels entre femmes sont passibles d’un maximum de 10 ans de prison.
De premières dispositions avaient été introduites dès 2014 avec des amendes ou des peines de prison pour exhibitionnisme ou manquement à la prière du vendredi.
Il reste difficile d’évaluer le sentiment de la population face à l’application de la charia, puisqu’à Brunei la plupart des habitants (au nombre de 435 000) évitent de critiquer le sultan.
Celui-ci veut avant tout s’assurer le soutien de la communauté malaise musulmane, soit environ 70 % de la population.
Pour les analystes, le sultan Hassanal Bolkiah cherche à renforcer son image de leader islamique aux yeux des plus conservateurs à un moment où l’économie nationale, basée sur le pétrole, donne des signes de faiblesse.
Dans les faits, il n’est pas sûr que la peine la plus sévère, la lapidation, soit un jour mise en pratique. Les conditions à réunir pour que la justice parvienne à une sentence de lapidation resteront exceptionnelles : un accusé doit soit avouer son crime, soit l’avoir commis devant au moins quatre témoins prêts à témoigner.