Cacophonie et opinions contradictoires au sein du leadership
Au milieu des nombreux défis régionaux, sept des huit principaux décisionnaires israéliens ont exposé leurs visions. Unis ? Pas vraiment...
Israël est un petit pays, mais où les politiciens s’expriment souvent. La semaine dernière, l’un après l’autre, sept des huit ministres du cabinet – les membres du plus important organe de prise de décision politique du pays – ont prononcé un discours à l’occasion de la conférence de l’Institut de lutte anti-terroriste de quatre jours à Herzliya.
Le résultat, après près de 50 jours de guerre à Gaza et au milieu des mutations au Moyen-Orient : un navire à l’effigie du gouvernement, avec huit rameurs, ramant chacun à son propre rythme.
Et tous guidés par un Premier ministre expert dans l’esquive des écueils, l’étude des conditions météorologiques et la prévention des dangers – mais sans aucun cap défini.
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Le contexte : les États-Unis ont annoncé une guerre aérienne contre l’organisation de l’Etat islamique, faisant peut-être pencher la balance des pertes dans la guerre régionale en Syrie.
Les affiliés d’Al-Qaïda contrôlent la majorité de la région frontalière avec le plateau du Golan, l’Iran est à deux doigts de se doter de l’arme nucléaire, et le Hezbollah aiguise son commerce en Syrie.
Les dirigeants modérés sunnites sont plus alignés que jamais avec Israël – en principe, pas en pratique – et pourtant plus vulnérables. Et Israël s’échine à répondre aux menaces de la région au milieu d’une cacophonie d’opinions entre ses plus hauts dirigeants. Telle est la situation.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a prononcé un discours puissant à la clôture de la conférence anti-terroriste jeudi. Comme toujours, l’orientation de ses propos était politique. L’islam militant, dit-il, enraciné dans les mœurs du début du Moyen Age, finira par « disparaître de la scène de l’Histoire », car il offre à ses disciples et, plus précisément à leur progéniture, très peu sur la voie de l’espoir et du progrès.
En attendant, pourtant, dit-il, tout comme il y avait autrefois « une race de maître, aujourd’hui, il y a une foi de maître », et celle-ci, a-t-il affirmé, doit être combattue comme la précédente.
Mais son principal argument était l’Iran, et comment ce pays partage l’idéologie djihadiste de l’État islamique.
Après avoir applaudi la décision du président Barack Obama de frapper l’EI, il a affirmé que les extrémismes sunnite et chiite « sont des branches du même arbre empoisonné » et qu’ « il ne faut pas en renforcer une pour affaiblir l’autre. Ma politique est : affaiblir les deux ».
Un Iran nucléaire, dit-il, serait un « immense pivot dans le monde », autour duquel « des horreurs même pas concevables pourraient devenir réalité ».
Mentionnant des possibilités de partenariat avec les Etats sunnites modérés dans la lutte contre ces menaces, son principal message était le suivant : Nous sommes sur la ligne de front d’une guerre mondiale, elle sera longue, dangereuse, mais le bateau ne chavirera pas sous ma direction et, chers Israéliens, elle coûtera beaucoup d’argent.
Le ministre de la Défense Moshe Yaalon (Likud) a tenu des propos similaires, mais, comme souvent, plus combatifs, plus ouvertement moqueurs.
Il a commencé son discours mardi avec une blague : Un Juif monté sur son cheval parcourt la ville et demande à un homme où il peut attacher sa bête. L’homme hésite. Il demande à un autre homme, puis un autre. Enfin, un autre Juif dit, demandons au rabbin. Pourquoi, demande le cavalier, que connaît le rabbin à l’attachement des chevaux ? Rien, dit l’homme, mais il sait comment tout rattacher à la parasha [section habdomadaire de la Torah]. « Et nous relions tout au conflit israélo-palestinien », a déclaré Yaalon.
Plutôt que d’aborder le thème de la conférence – comment le terrorisme affecte le monde – il a tenu à traiter de l’inverse : comment le monde traite le terrorisme. C’est un sujet de prédilection de Yaalon. Et il a souvent de bons arguments.
Mais dans quelle mesure Netanyahu estime utiles les lumières de Yaalon sur
l’« hypocrisie internationale », cela n’est pas vraiment clair.

Dans le passé, Yaalon a traité le Secrétaire d’Etat américain John Kerry de « messianique » dans ses efforts effrénés de paix.
Cette fois, il s’en est pris à la Turquie et au Qatar, les condamnant pour leur soutien au Hamas et fustigeant le monde occidental pour l’acceptation de, disons, la Turquie en tant que membre de l’OTAN.
« C’est ainsi que le monde libre s’inscrit dans la lutte contre le terrorisme ?! » a demandé Yaalon, faisant allusion à la commission de l’ONU qui s’apprête à enquêter sur les actions israéliennes à Gaza. L’Occident, dit-il, semble manquer de clarté morale et stratégique dans sa lutte contre le terrorisme.
Un peu plus tôt le même jour, la ministre de la Justice Tzipi Livni (Hatnua) a affirmé que les leaders sont « atteints de confusion » sur la façon de naviguer. « Devant le terrorisme qui coupe des têtes et envoie des terroristes suicides », dit-elle, « une occasion se présente à Israël. »
Elle a exhorté Israël à lancer des initiatives qui le lieront aux Etats sunnites modérés, à « regarder la réalité en face et à agir en son sein ».
La monnaie, dit-elle, est la Palestine, qu’elle suggère de payer dès que possible. « Un discours puissant contre le terrorisme sans créer de solution diplomatique à long terme est valable, peut-être, en politique intérieure, pour le moment. Mais il est néfaste pour l’avenir d’Israël, parce que celui qui ne veut pas résoudre le conflit diplomatique nous mène vers la prochaine série de combats. »
Le ministre des Finances Yair Lapid (Yesh Atid) a largement adhéré à ses dires. Selon lui, le plan de paix régional est la seule initiative « sur la table ».
Si Netanyahu se tourne vers un sommet régional de paix, a déclaré Lapid dans son discours lundi, son parti offrirait un large support, fournissant au Premier ministre une certaine marge de manœuvre au sein des « menottes que l’extrême droite tente de lui mettre ».

Si les choses n’étaient pas assez compliquées, Lapid a consacré plusieurs minutes à son plan « zéro TVA », qui entre justement en conflit avec les guerres high-tech « très onéreuses » de Yaron et Netanyahu.
Le ministre de la Communication Gilad Erdan (Likud) a évoqué lundi les périls d’un retrait territorial : « Je ne crois pas qu’il y ait une solution durable au problème palestinien, qui repose sur la Judée et la Samarie et la bande de Gaza. »
Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman (Israël Beitenu) est venu à la conférence bien préparé, avec un morceau de papier plié glissé dans sa veste de costume aux côtés de ses lunettes de lecture.
Si son discours de mardi était erratique et impoli, ses principaux points ont été livrés avec son habituel aplomb : le Hamas n’a pas été touché assez fort lors de la dernière opération ; et Israël, qui n’a pas de problème avec les Palestiniens, doit envisager une solution à trois niveaux pour le conflit israélo-arabe – un accord qui réponde aux besoins du monde arabe, aux besoins des Palestiniens et, bien que « ce n’est pas politiquement correct », à ceux des Arabes israéliens.
En d’autres termes, apparemment, la révocation de la citoyenneté d’un certain pourcentage du million de citoyens arabes d’Israël.
Et enfin, le ministre de l’Economie Naftali Bennett (Habayit Hayehudi). Dans la première moitié de son discours fluide de lundi, a évoqué David Ben Gurion et les reconsidérations du premier Premier ministre de l’Etat pendant les mois qui ont précédé novembre 1947 et mené au déclenchement de la guerre.
L’Etat d’Israël doit réévaluer toutes ses hypothèses de base sur les futures campagnes, a affirmé Bennett, « parce que le monde a totalement changé ».
Son principal argument : le concept d’Etat palestinien n’est plus réalisable. Après avoir accusé la gauche israélienne de « vivre dans les années 1990 », il a affirmé qu’un Etat palestinien, « la mère de tous les concepts » est le « concept de Yom Kippour de notre époque » – allusion à l’échec des dirigeants à la guerre de Kippour.
Peut-être cet assemblage d’opinions est-il une heureuse expression de la diversité des points de vue en Israël et le prix à payer pour un système parlementaire ouvert à tous.
En tous cas, le Premier ministre, qui doit gérer un cabinet dont les principaux membres sont ouvertement en désaccord sur la marche à suivre, est celui qui porte le plus lourd fardeau.
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