Cameron est venu soutenir Israël et non l’accabler
Le Premier ministre britannique a refusé de donner une "conférence", à l'occasion d'un discours à la Knesset très favorable à Israël
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
David Cameron s’était bien préparé. Il a attendu quatre ans après son élection pour effectuer sa première visite en Israël en tant que Premier ministre britannique.
Mais quand il est finalement monté sur le podium de la Knesset pour prononcer un discours clairement pro-israélien, il semblait évident que ses collaborateurs avaient bien assimilé les leçons apprises par les dirigeants, qui s’étaient auparavant adressés au peuple israélien à domicile.
Parmi les passages obligés : commencer et terminer son discours en hébreu, éviter toute critique excessive des constructions dans les implantations, faire très attention à ne pas lancer d’accusations douteuses (par exemple au sujet de l’accès à l’eau) et s’assurer de parsemer ses propos de références au fait qu’Israël est la patrie du peuple juif.
Ah, et surtout ne faire aucune déclaration politique concrète qui pourrait vous attirer des ennuis une fois de retour dans votre pays ou chez vos collègues dans les capitales européennes.
Le Royaume-Uni admire donc la « nation start-up » et s’oppose vigoureusement aux boycotts.
Le Royaume-Uni soutient avec véhémence le droit d’Israël de se défendre et de s’assurer que l’Iran n’obtiendra jamais l’arme nucléaire.
L’incitation palestinienne à la violence et l’ « abjecte » contrebande d’armes iraniennes doivent cesser. Voilà ce qu’a dit David Cameron aux députés israéliens.
Beaucoup de carottes, mais aucun bâton. Il n’a mentionné qu’une seule fois les implantations, à l’occasion d’une non-condamnation formulée avec toutes les rondeurs nécessaires.
« Shalom lekulam » — Bonjour à tous. C’est par ces mots que Cameron a ouvert son discours, offrant ainsi un net contraste à la session parlementaire qui venait de s’achever, durant laquelle les députés de l’opposition et de la majorité s’étaient échangés des noms d’oiseaux.
Cela n’a fait ni chaud ni froid à l’invité britannique. Cherchait-il un répit aux séances éprouvantes de Questions au Premier ministre ? « Je suis évidemment venu au mauvais endroit », a-t-il plaisanté.
On l’avait prévenu qu’il pourrait y avoir du grabuge et que « des affrontements pourraient éclater », a confié Cameron, rappelant l’avertissement formulé par l’ambassadeur du Royaume-Uni en Israël, Matthew Gould : « Vous pourriez apprendre la signification d’un nouveau mot en hébreu, balagan » – le chaos.
Tout comme le président américain Barack Obama il y a un an, Cameron a prononcé plusieurs phrases en hébreu. « Anachnu b’yachad » – nous sommes avec vous – a notamment conclu Cameron (Obama s’était fendu d’un « Atem lo levad » – Vous n’êtes pas seuls.)
Plaire à toutes les rangées de la Knesset n’est pas chose aisée. Les députés arabes avaient interrompu le discours du Premier ministre canadien Stephen Harper en janvier, qu’il jugeait trop pro-israélien.
Les députés de droite avaient chahuté le président du Parlement européen Martin Schulz en février, car ce dernier s’était demandé si les Israéliens limitaient les quantités d’eau distribuées aux Palestiniens, comme on le lui avait dit plus tôt à Ramallah.
Mais Cameron s’en est bien sorti, faisant preuve d’une grande humilité. Il a préféré ne pas dispenser de conseils trop spécifiques sur la meilleure façon d’aller de l’avant, a manifesté de l’empathie face aux défis que rencontrent les Israéliens, s’est félicité de la vitalité démocratique d’Israël et a souligné la petitesse de son territoire et, par conséquent, sa vulnérabilité.
« Mon ascendance juive est relativement limitée, mais je ressens une forme de connexion », a-t-il également affirmé, mentionnant son ancêtre Elijah Levita, qui serait l’auteur du tout premier roman yiddish.
Cameron a ensuite longuement abordé la Shoah et à quel point cette tragédie ne devait jamais être oubliée. Il a aussi vanté les mérites de la Déclaration Balfour qui a contribué à « assurer qu’Israël devienne la patrie du peuple juif. »
Au moment d’aborder les questions politiques et diplomatiques, Cameron a fait référence à l’interception du navire Klos-C par Israël la semaine dernière, parlant d’une « nouvelle tentative abjecte des Iraniens de faire entrer en contrebande des roquettes de longue portée à Gaza. »
Il a poursuivi en jugeant que les écoles palestiniennes étaient « trop souvent » nommées d’après des terroristes. « Laissez-moi vous dire très clairement : avec moi, vous avez un Premier ministre britannique dont la confiance en Israël est indestructible et dont l’engagement pour la sécurité d’Israël sera toujours solide comme un roc. »
Les inquiétudes israéliennes sur des retraits territoriaux sont légitimes, a affirmé Cameron, « et je m’élèverai toujours en faveur du droit d’Israël de protéger ses citoyens. »
Certains experts avaient envisagé que Cameron appellerait à une interdiction, ou du moins à un étiquetage au niveau européen, des produits issus des implantations.
Certains hommes politiques avaient espéré qu’il adopterait l’idée qu’Israël est l’État-nation du peuple juif. Il n’a fait ni l’un ni l’autre, s’opposant violemment au mouvement de boycott et avançant à tâtons sur la reconnaissance d’Israël comme État juif.
« Le Royaume-Uni s’oppose aux boycotts », a-t-il affirmé. « Qu’il s’agisse de campagnes pour exclure les Israéliens ou d’universités cherchant à étouffer les échanges académiques, la qualification d’Israël comme patrie du peuple juif ne reposera jamais sur des résolutions creuses prises par des politiciens amateurs. »
Cette déclaration a certainement réjoui Netanyahu. Mais une déclaration politique claire soutenant l’exigence du Premier ministre israélien que les Palestiniens reconnaissent Israël comme État juif n’a pas eu lieu.
Cameron a en effet pris soin de ne faire aucune déclaration fracassante au sujet des négociations de paix et est resté volontairement vague sur la question palestinienne.
« Nous soutenons les compromis nécessaires – y compris les activités dans les implantations et la fin de l’incitation palestinienne à la violence », a t-il déclaré, dans ce qui a constitué l’unique critique émise dans son discours.
Des gens du monde entier viennent à la Knesset, « parlent de cartes, de nombre d’habitants, de processus et de délais » et expliquent aux Israéliens comment conduire les pourparlers de paix, a soutenu Cameron.
« Je ne ferai pas cela. Vous savez que je veux la paix et une solution à deux États. Vous n’avez pas besoin que je vous fasse une conférence sur la meilleure façon d’y parvenir. »
Le Premier ministre britannique a préféré imaginer les bénéfices qu’Israël pourrait retirer en cas de paix. « En ce qui concerne les relations d’Israël, imaginez, comme John Kerry l’a fait : ‘une reconnaissance mutuelle de l’État-nation du peuple palestinien et de l’État-nation du peuple juif.’… Imaginez les capitales du monde arabe, où les Israéliens pourraient voyager, commercer et construire un avenir. Imaginez qu’Israël – comme tout autre nation démocratique – soit enfin traité justement et normalement par tous. »
Et au sujet de la sécurité « imaginez un accord de paix qui rendrait Israël plus sûr. Pas un accord temporaire, brisé par les tirs de roquettes du Hamas ou les alliés de l’Iran qui introduisent clandestinement des armes via la vallée du Jourdain. »
Peu après le discours de Cameron, le Djihad islamique s’est mis à tirer des roquettes depuis Gaza vers le sud d’Israël. Les responsables sécuritaires d’Israë
e sont réunis pour déterminer la meilleure façon d’y répondre.
La volonté du Premier ministre britannique de ne pas donner de « conférences » à Israël sur la façon d’atteindre la paix est alors apparue comme particulièrement pertinente.