Chypre : 4 mois avec sursis pour la Britannique pour fausses accusations de viol
La jeune femme de 19 ans a été libérée ; elle avait porté plainte contre un groupe de 12 Israéliens, puis s'est rétractée ; ses avocats feront appel
Un tribunal chypriote a condamné mardi à quatre mois de prison avec sursis une Britannique jugée coupable d’avoir lancé de « fausses » accusations de viol contre des touristes israéliens, au terme d’une affaire qui a déchaîné les passions dans les trois pays concernés.
Elle a également été condamnée à 140 euros d’amende, selon The Guardian.
La jeune femme âgée de 19 ans, qui encourait jusqu’à un an de prison ferme, a souri et pris dans ses bras sa famille à l’annonce du verdict dans un tribunal de Paralimni, dans le sud-est de l’île méditerranéenne.
La jeune femme et sa famille devraient regagner le Royaume-Uni mardi ou mercredi.
La jeune fille de 19 ans a été condamnée pour « méfait public », ce qui entraîne une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison et une amende. Elle maintient avoir été victime d’une agression.
La défense a dit qu’elle ferait appel auprès de la Cour suprême.
« Nous pensons qu’il y a eu de nombreuses violations dans la procédure et que les droits à un procès équitable ont été violés », a déclaré l’avocate de la femme, Nicoletta Charalambidou.
L’avocat Michael Polak, du groupe d’aide juridique britannique Justice Abroad, qui soutient cette femme, a déclaré que la défense porterait l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme si nécessaire.
Parallèlement, le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab, a déclaré qu’il avait « fermement et catégoriquement fait part » de ses préoccupations aux autorités chypriotes.
Les médias britanniques et chypriotes ont rapporté lundi que cette femme bénéficiera d’une grâce présidentielle si elle était condamnée à la prison.
Plus de 50 Israéliens se sont rendus à Chypre pour soutenir la Britannique.
« Le minimum que nous puissions faire est d’être là pour lui offrir notre soutien, pour lui montrer que nous la croyons », a déclaré Orit Sulitzeanu, directrice exécutive de l’Association of Rape Crisis Centers en Israël, ajoutant que la protestation était en partie due au dégoût que les « garçons soient revenus en Israël en héros ».
Ils ont manifesté devant le palais de justice chypriote aux côtés de militants locaux, en criant : « Justice chypriote, honte à vous », « Arrêtez de blâmer la victime » et « Vous n’êtes pas seule », a rapporté Sky News. Certains ont tenu des pancartes avec les slogans « Nous vous croyons » et « N’ayez pas peur ».
Les avocats de la femme affirment qu’elle a été violée dans la station balnéaire d’Ayia Napa par les adolescents israéliens dans leur chambre d’hôtel le 17 juillet. Ils disent qu’elle a ensuite fui en détresse vers son propre hôtel et a été examinée par un médecin qui a appelé la police.
Un groupe d’adolescents israéliens a été arrêté et a comparu devant le tribunal, mais 10 jours après avoir porté plainte pour viol, la femme a été interrogée à nouveau par la police et a signé une rétractation.
Les Israéliens, qui étaient âgés de 15 à 18 ans, ont été autorisés à retourner en Israël et n’ont pas été appelés à témoigner.
Une éventuelle amnistie
Lundi, le journal chypriote Phileleftheros a rapporté que le président du pays, Nicos Anastasiades, attendait de voir l’issue de sa condamnation, au tribunal de district de Famagusta à Paralimni, avant d’annoncer sa décision sur une éventuelle grâce.
« Si le tribunal décide de l’envoyer en prison, le président a déjà décidé qu’il graciera la jeune fille, immédiatement après le jugement », a rapporté le Daily Mail, citant le journal chypriote.
Des sources du gouvernement chypriote ont dit à Phileleftheros que le président n’avait pas pris cette décision à cause des pressions du gouvernement britannique, mais plutôt à cause de l’âge de la femme et de la fureur que cette affaire a provoquée à Chypre et à l’étranger.
Selon les sources, le président ne s’est pas impliqué dans les poursuites jusqu’à présent parce qu’il ne voulait pas donner l’impression que le gouvernement de Nicosie interférait avec le système judiciaire du pays.
Quand elle a été reconnue coupable, le ministère britannique des Affaires étrangères s’est dit « très préoccupé » de savoir si elle avait bénéficié d’un « procès équitable ». Elle a également reçu le soutien de victimes de viol et de groupes de défense des droits de l’Homme, notamment en Israël.
La mère de la jeune femme dit que sa fille souffre de stress post-traumatique et d’hallucinations en raison du traumatisme qu’elle a subi à cause de cette affaire. Ce récit est appuyé par le rapport d’un psychologue qui a évalué la femme après le viol présumé et qui a dit que son état lorsqu’elle s’est rétractée de l’accusation n’a pas été pris en considération comme il se doit lors de son procès.
Après leur libération sans accusation, les accusés israéliens ont été accueillis en héros à leur retour en Israël. Les Israéliens n’ont pas nié avoir eu des relations sexuelles avec la femme, mais prétendent qu’elles étaient consenties.
La touriste a été condamnée à Chypre la semaine dernière, le juge Michalis Papathanasiou du tribunal de district de Famagouste ayant déclaré qu’elle n’avait pas dit la vérité et avait tenté de tromper le tribunal avec des déclarations « évasives » dans son témoignage.
Papathanasiou l’avait reconnue coupable fin décembre, affirmant qu’elle avait fait de « fausses » déclarations.
Selon lui, les explications de la jeune femme lors du procès étaient marquées par des « contradictions, de la confusion, un manque de logique et de l’exagération ».
Le juge a dit que la femme avait admis aux enquêteurs qu’elle avait inventé ces allégations parce qu’elle avait honte » après avoir découvert que certains Israéliens avaient filmé sur leur téléphone portable qu’elle avait eu des relations sexuelles avec eux. La police aurait affirmé que le contenu de la vidéo contredit les allégations initiales de viol de la femme.
Plus tard, la femme a affirmé que la police avait fait pression sur elle pour qu’elle retire sa plainte et un témoin expert en linguistique qui a témoigné au procès a déclaré que la grammaire de sa rétractation ne semblait pas être celle d’une anglophone de naissance et qu’elle lui avait probablement été dictée.
Au cours du procès, les avocats de la défense ont qualifié l’enquête policière de déficiente et d’inappropriée, alléguant que les enquêteurs avaient fait des fautes et des omissions importantes dans leur travail tout en ayant une perception erronée des faits.
Son avocate chypriote, Nicoletta Charalambidou, a déclaré à l’AFP que la femme avait été convoquée le 27 juillet par une policière qui avait recueilli sa première plainte.
Des policiers masculins « l’ont embarquée, en verrouillant les portes de la voiture ». Elle a ensuite été interrogée depuis le début de la soirée jusqu’aux premières heures du lendemain matin, où elle a signé la rétractation.
Selon son équipe juridique, le processus s’est déroulé en l’absence d’un traducteur ou d’un avocat agissant en son nom.
La police a fait appel à une femme « agent de protection sociale, qui était là depuis un certain temps… mais la jeune fille a dit qu’elle n’était pas là pendant la rétractation », a dit Charalambidou.
La femme n’a pas pu quitter l’île de la Méditerranée depuis le début de l’affaire.
La semaine dernière, elle a exhorté vendredi le Premier ministre britannique Boris Johnson à intervenir et à la ramener chez elle.
« J’ai 19 ans et tout ce que je veux faire, c’est prouver mon innocence et rentrer chez moi auprès de ma famille », a-t-elle déclaré, citée vendredi par le tabloïd The Sun.
« Le temps presse pour moi. S’il vous plaît, aidez-moi », a-t-elle ajouté à l’adresse du Premier ministre et du chef de la diplomatie britanniques, avant que sa peine et sa libération ne soient prononcées mardi.
Lundi, une soixantaine de personnes, dont une majorité de femmes, ont manifesté à Londres pour demander au gouvernement d’aider la Britannique.
L’AFP a contribué à cet article.