Cisjordanie: Netanyahu va réexaminer le plan de l’incinérateur du Bon Samaritain
La ministre de l'Environnement réclame l'arrêt des travaux de l'usine à Mishor Adumim, clamant que les officiels des Finances ont émis un appel d'offres derrière son dos
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a accepté, dimanche, de réexaminer le projet controversé d’un incinérateur de déchets qui serait construit à Maale Adumim, en Cisjordanie, près de Jérusalem, après une réunion qui avait été organisée à la demande du maire de l’implantation, Benny Kashriel.
Netanyahu a ordonné la mise en place d’une commission interministérielle qui sera chapeautée par le secrétaire du Bureau du Premier ministre, Tzachi Braverman, et qui comprendra des représentants des ministères des Finances, de la Santé et de la Protection environnementale, ainsi que des officiels du conseil local de Maale Adumim et du conseil régional de Binyamin.
Kashriel a averti le ministère de la Protection environnementale qu’il ne permettrait pas au projet d’avancer avant d’avoir obtenu toutes les informations nécessaires sur ses implications environnementales.
De son côté, Gila Gamliel, ministre de la Protection environnementale, a donné pour instruction aux responsables du ministère, dimanche, de geler toutes les activités liées à l’usine de Maale Adumim, appelée le Bon Samaritain, et a accusé, dans une lettre adressée au comptable-général du ministère des Finances, une commission interministérielle consacrée à la prise en charge des déchets d’avoir lancé un appel d’offres pour l’usine dans son dos, ignorant délibérément le fait que son ministère était précisément en train de réexaminer à ce moment-là les politiques mises en vigueur dans le traitement des ordures dans leur ensemble.
Très vite après avoir pris ses fonctions au ministère de la Protection environnementale, au mois de juin, Gamliel avait ordonné à son ministère de geler temporairement toutes les politiques sur les déchets – notamment le projet de construction de plusieurs usines d’incinération – de manière à ce qu’elle puisse procéder à un réexamen de la situation. Elle avait également remplacé à son poste le directeur-général pro-incinération du ministère, Guy Samet, par le directeur-général actuel, David Yahalomi.
Le mois dernier, elle a fait connaître une stratégie ambitieuse en termes de traitement des déchets s’appuyant en premier lieu sur le recyclage à la source. L’incinération et le passage à la décharge y figurent comme les derniers recours pour les ordures qui ne peuvent ni être recyclées, ni revalorisées.
Le projet du Bon Samaritain – qui devait être, à l’origine, la première de plusieurs usines d’incinération des déchets construites à travers tout le pays – avait été approuvé dans une décision gouvernementale prise au mois de mai 2017. L’usine devait être construite par le ministère de la Protection environnementale sur un site désigné de recyclage à Mishor Adumim (un lieu placé sous la compétence de Maale Adumim) avec pour objectif de prendre en charge les ordures de Jérusalem et des banlieues environnantes.
Au mois de septembre 2019, un appel d’offre préliminaire avait été émis.
Au mois de septembre dernier, la Haute-cour avait accepté d’écouter les opposants au plan, qui avaient réclamé une injonction temporaire contre la publication d’un appel d’offre intégral avant que les magistrats ne rendent leur jugement sur le fond du dossier. L’Etat avait répondu qu’une injonction n’était pas nécessaire parce qu’il n’avait pas l’intention d’émettre un appel d’offre pour le moment et que si cela devait être le cas, il en avertirait les opposants deux semaines auparavant.
Dans un courrier envoyé dimanche au comptable-général Yali Rothenberg, Gamliel a déclaré qu’au cours de tous les travaux qui avaient permis de développer la nouvelle stratégie du ministère concernant la gestion des déchets, il avait été « clairement établi aux yeux de toutes les parties » favorables au projet du Bon Samaritain que la stratégie aurait des implications significatives et pour ce plan, et pour l’appel d’offre.
« Je me tourne vers vous après que des demandes que j’ai pu vous soumettre ont finalement fait naître des soupçons portant sur la possibilité que la Commission des appels d’offres en charge de la promotion de l’usine ait eu, en définitive, une conduite inappropriée et peu scrupuleuse », a-t-elle écrit, en référence à une commission spécialisée dans les usines d’élimination des déchets présidée par l’un des adjoints du comptable-général, qui y travaille avec des représentants des ministères des Finances et de la Protection environnementale, de la compagnie d’assurances gouvernementale Inbal, et une équipe de consultants extérieurs.
Elle a écrit qu’au mois de juin dernier – le dernier jour passé par Guy Samet au ministère – la commission s’était réunie pour discuter de l’appel d’offre. Ce dernier n’étant pas prêt à être publié, la commission avait décidé, de manière « inhabituelle », selon Gamliel, de permettre au président de commission et à son conseiller juridique, tous deux issus du ministère des Finances, de décider – de manière anticipée – de publier conjointement l’appel d’offre sans pour autant convoquer les membres de la commission toute entière. Le résultat avait été que l’appel d’offre avait été émis par les deux hommes trois jours plus tard.
« Tout ceci a été fait sans que je le sache et sans mon autorisation », a écrit Gamliel, « dans le dos de professionnels du ministère qui étaient en train de formuler une nouvelle stratégie de gestion des déchets ».
Les résidents locaux défavorables au projet ont demandé que l’Administration civile, qui est chargée de planifier les projets en Cisjordanie et d’émettre les permis de construire, redécoupent le site – qui avait été alloué, il y a plusieurs années, à l’accueil d’une décharge – de manière à ce qu’ils puissent officiellement faire part de leur opposition.
Le projet du Bon Samaritain a été avancé sur la base d’un partenariat public-privé, un cadre qui prévoit que c’est une entreprise privée qui construira et exploitera l’usine pendant 25 ans avant d’en transférer la responsabilité à l’Etat.
Un porte-parole de l’Administration civile a fait savoir qu’un responsable du ministère de la Protection environnementale travaillait à ses côtés sur ce projet et qu’il avait demandé le gel des travaux.
Il a ajouté que l’Administration était soumise non pas au ministère, mais au gouvernement s’agissant de prendre une décision finale sur l’arrêt du travail.