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Colette, 92 ans, du cauchemar de la guerre aux Oscars d’Hollywood

La nonagénaire, qui n'a pas fréquenté de cinéma depuis 50 ans, n'avait aucune idée de ce que pouvaient représenter les Oscars

Lucie Fouble (à gauche) et Colette Marin-Catherine (à droite) ont mené, ensemble, ce travail de mémoire. (Capture d'écran : Colette - The Guardian)
Lucie Fouble (à gauche) et Colette Marin-Catherine (à droite) ont mené, ensemble, ce travail de mémoire. (Capture d'écran : Colette - The Guardian)

Héroïne « à la grande gueule » du court documentaire « Colette » primé aux Oscars, Colette Marin-Catherine fut une petite fourmi de la Résistance. Le film retrace son émouvant pèlerinage au camp de concentration nazi de Dora, où elle fait revivre la mémoire de son frère résistant, Jean-Pierre.

« Vous allez voir, elle dépote, mais son franc-parler et son côté difficile à manœuvrer font vraiment partie de son charme », prévient le guide-conférencier Christophe Gosselin, qui a présenté Colette au réalisateur Anthony Giacchino et à la productrice Alice Doyard.

Dans son HLM de Caen, Colette, dans sa « 93e année », reçoit avec thé et madeleines Jeannette, élégante et pimpante. Pour la photo, elle ôte par coquetterie sa minerve.

La nonagénaire, qui n’a pas fréquenté de cinéma depuis 50 ans, n’avait aucune idée de ce que pouvaient représenter les Oscars. « J’aurai toujours ma vaisselle à faire », lâchait-elle le soir de la cérémonie.

Colette, le documentaire sur une ancienne résistante. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Et puis finalement si. Pluie de courriels, avalanche de lettres et de journalistes… « BFMTV voulait m’envoyer trois gars la nuit des Oscars. J’aurais été plus jeune… », plaisante-t-elle, regard espiègle.

Son pèlerinage au camp de Mittelbau-Dora (Thuringe), qui abrita l’usine souterraine d’assemblage de missiles V2 et où périrent plus de 20 000 prisonniers, est le fruit d’une rencontre avec Alice Doyard, « qui a su l’amadouer », selon Christophe Gosselin.

Jusqu’ici, cette enfant de résistants avait toujours refusé de « faire la tournée des camps » accompagnée « de gens qui font des selfies ». « Le tourisme morbide, ce n’est pas pour moi », plaidait-elle.

La rencontre avec Lucie Fouble, historienne en herbe de 17 ans et bénévole au musée de la Coupole d’Helfaut (Pas-de-Calais), qui devait servir de base de lancement des V2 sur Londres, fut aussi déterminante.

« Cauchemar »

Avant de se voir proposer d’accompagner Colette en Allemagne, Lucie avait rédigé la notice de son frère Jean-Pierre, déporté à 17 ans pour avoir fleuri la tombe d’un fusillé, dans Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora (Cherche Midi, 2020). « Nous avons une relation d’affection avec Colette. Je la considère comme ma grand-mère », confie la khâgneuse, future chercheuse en histoire.

Consciente d’être un « coffre-fort de souvenirs », Colette explique lui avoir « passé le flambeau ». « À elle de maintenir le souvenir et la véracité des événements », souffle-t-elle.

La Normande regorge d’anecdotes sur cette période douloureuse de l’Histoire, dont ses actes de résistance, qu’elle s’efforce de minorer. « Je devais noter les numéros des plaques des camions allemands qui passaient. Quel héroïsme à cela ? On n’envoie pas une gamine de 14 ans faire sauter les trains ! », ironise-t-elle. Son frère, lui, « collectait des armes ». « C’était un grand beau gars, brillant dans les études », se remémore celle qui se décrit comme « un petit boudin, un peu attardée ».

À Dora, Colette a « replongé la tête la première dans le cauchemar », elle qui, toute sa vie, a tenté de rendre supportable le chagrin de la mort de son frère.

« Résister à la connerie »

Depuis les Oscars, Colette assure « le SAV du film ». La nuit, courriels et messages Facebook. L’après-midi, les journalistes. Le 18 juin, elle sera au Mont-Valérien au côté d’Emmanuel Macron. « J’ai tellement fait chauffer mon ordinateur qu’il est mort », s’amuse-t-elle.

Interrogée sur la vie politique, elle esquive : « Je ne voudrais pas être à leur place. » À quoi faut-il résister aujourd’hui ? « À la connerie et la désinformation », répond-elle du tac au tac.

En temps normal, Colette fait de la couture, du piano et participe aux cérémonies de commémoration. Mais ne lui parlez pas de vacances : « Pour quoi faire ? »

https://www.youtube.com/watch?v=NJ1Gy2Yse6E

Sa plus grande fierté ? Avoir été quatre mois infirmière à l’hôpital militaire de Bayeux, à l’été 1944. « On m’appelait l’infirmière ‘pipi caca’ parce que je nettoyais les malades avant l’opération », raconte-t-elle.

Après guerre, elle fait du « remaillage de bas », assiste son père devenu expert judiciaire, redresse des affaires dans l’hôtellerie et la restauration. Les employés la surnommaient « la panthère ». Jamais mariée, « mais pas vierge », elle participe aux championnats automobiles de Montlhéry.

Aujourd’hui, malgré « un tiers de cœur sclérosé après deux infarctus, un cancer de la peau, une paralysie partielle et un corset orthopédique », Colette tient la forme. « Je laisse toutes ces choses là se débrouiller entre elles. Chacun chez soi et j’ai décidé d’aller au crématorium à pied », prévient la Normande.

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