Israël en guerre - Jour 476

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Analyse

Comment les Gazaouis finiront-ils par juger la « victoire » du Hamas ?

Les islamistes du Hamas ont déjà tué beaucoup de soldats. Au milieu de Chajaya dévastée, les Gazaouis considèrent-ils que le prix en vaut la peine ?

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Une femme palestinienne pleure la mort d'un membre de sa famille à l'extérieur de l'hôpital Shifa (Crédit : AFP/MAHMUD HAMS)
Une femme palestinienne pleure la mort d'un membre de sa famille à l'extérieur de l'hôpital Shifa (Crédit : AFP/MAHMUD HAMS)

Cette étape du conflit entre Israël et le Hamas entre maintenant dans une phase critique. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le secrétaire d’État américain John Kerry pourraient annoncer mardi un cessez-le-feu humanitaire à long terme, accompagné d’un appel à lever le blocus israélo-égyptien de Gaza.

Et il semble qu’Israël et le Hamas soient, à ce stade, désireux de l’arrêt des combats. Tous deux reconnaissent que si le cessez-le-feu n’entre pas en vigueur mardi, le conflit pourrait s’enliser dans des semaines de combats sanglants.

Des rapports des médias lundi soir ont indiqué que le Hamas pourrait être enclin à accepter des conditions sur la base de la proposition égyptienne d’origine. Cela signifie que le Hamas renoncerait à ses exigences selon lesquelles tout accord de cessez-le-feu prévoirait l’ouverture du passage de Rafah, et la libération des prisonniers, y compris ceux récemment réincarcérés (et qui avaient été libérés lors du deal Shalit).

S’il y a eu un changement dans la position du Hamas – et nous mettons l’accent sur le « si » car il n’y a eu aucune annonce officielle au moment d’écrire cet article – celui-ci est venu au cours de la réunion de lundi entre Abbas et le chef du bureau politique du Hamas Khaled Meshaal. Ce qui a causé ce mouvement – si encore il y en a un – n’est pas vraiment clair.

Peut-être que le Hamas sent avoir effectué une « réalisation importante » en tuant 25 soldats, à quoi on peut ajouter l’affirmation d’avoir enlevé un membre de l’armée israélienne (mort ou vivant). Cela, avec aussi les destructions à l’intérieur de Shejaiya et ailleurs dans la bande de Gaza, les centaines de morts, et l’approche de l’Aïd al-Fitr dimanche prochain [qui marque la fin du ramadan], pourrait inciter à un éventuel changement de position de l’organisation terroriste.

Et du côté israélien ? Israël, aussi, pourrait accepter la formule de cessez-le-feu. Il n’existe actuellement aucune preuve de toute autre initiative de la part du Premier ministre Benjamin Netanyahu, probablement parce que les exigences du Hamas concernent davantage l’Egypte qu’Israël.

Pourtant, Netanyahu pourrait montrer un peu plus d’inventivité et de volonté à parvenir à une solution politique globale, d’une manière qui renforcerait la position internationale d’Israël, et ce au moins dans une certaine mesure. Cela n’aurait pas fait de mal si Netanyahu avait déclaré qu’Israël était prêt à ouvrir les points de passage entre Gaza et Israël, et à construire un port et un aéroport sous contrôle international, tant que le Hamas désarme et permet à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas de gérer les passages frontaliers.

Le Hamas n’aurait probablement pas accepté une telle proposition ; celle-ci, à son tour, aurait aidé l’image d’Israël à l’étranger – montrant davantage un pays apte à la conciliation en lieu et place de l’image d’un pays bombardant sans discernement les quartiers résidentiels.

Le « Dahiya de Gaza »

Avec 60 morts, au moins 400 blessés et des bâtiments rasés lors de l’opération de l’armée israélienne durant la nuit de samedi à dimanche, Chajaya, le quartier nord de Gaza, semble maintenant être une version palestinienne de Dahiya, un quartier sud à majorité chiite de Beyrouth, qui a été gravement endommagé au cours de la seconde guerre du Liban en 2006.

Bien que le niveau de destruction de Chajaya ne soit pas de la même ampleur que celui de Jénine pendant l’opération « Bouclier de défense » en Cisjordanie en 2002, les images diffusées sur les médias arabes au moment de la trêve avec le Hamas dimanche (accordée par Israël afin de permettre l’évacuation des blessés sur le site) donnaient l’impression d’une zone dévastée.

L’étendue des dégâts et des morts dans ce quartier de Gaza a créé un effet similaire à celle qui prévalait durant les bombardements de Beyrouth où le Hezbollah règne en maître. Ce cycle de violence actuel arrivant à son terme, les souffrances causées à la population de Shejaiya et surtout les nombreuses familles dont les enfants ont été tués, le Hamas pourra alors réfléchir à deux fois avant de reprendre les attaques contre Israël. Le Hamas portera la cicatrice de Chajaya, semblable à toutes les cicatrices du quartier de Dahiya et du camp de réfugiés de Jénine, pour quelques années à venir.

Pour l’instant, cependant, le Hamas est dans une ambiance festive. En raison de la forte mortalité parmi les soldats, mais aussi à cause des nombreux morts parmi les civils [ce qui donne l’image du faible et permet la compassion du monde entier], le Hamas peut faire valoir auprès de sa population qu’il est le vainqueur.

La revendication de la branche militaire d’avoir enlevé un soldat (revendication rejetée par l’armée israélienne) a néanmoins incité des centaines de Palestiniens à descendre dans les rues de Gaza et de Cisjordanie pour s’en réjouir. Malgré les terribles événements de Shejaiya, le Hamas se porte bien politiquement et publiquement.

Les combats sans merci contre l’armée israélienne – entraînant 13 décès dans les rangs des « sionistes » entre samedi et dimanche – ainsi que le mythe d’un massacre perpétué dans Chajaya ont valu à l’organisation un degré sans précédent de soutien des Palestiniens, en particulier en Cisjordanie. Cependant, le mythe de ce « massacre » a également créé la panique parmi la population de Gaza.

L’émotion parmi les habitants de la bande de Gaza est souvent celle d’une hystérie de masse. Cela signifie que lors de la prochaine opération à Chajaya ou dans tout autre quartier, d’ailleurs, l’armée israélienne rencontrera probablement beaucoup moins de civils.

La majorité des habitants de Gaza dans les zones de combat – Chajaya ou ailleurs – fuira, à partir de maintenant, leurs maisons pour sauver leur vie – en se souciant des avertissements de l’armée israélienne et pas des appels du Hamas qui leur demande de rester.

Un autre problème auquel le Hamas devra faire face demeure la mémoire courte du public. Sans résultats réels à l’issue de cette guerre, le « soutien » du public s’estompera et le « respect » pour l’organisation terroriste s’évaporera.

Dans les jours qui ont suivi l’opération « Pilier de défense » en novembre 2012, un demi-million de personnes sont venues saluer Meshaal, et le féliciter pour sa victoire dans la bande de Gaza.

Seulement quelques semaines plus tard, les habitants de Gaza se sont rendus compte que rien n’avait réellement changé, c’est aussi un demi-million de Palestiniens qui, au même moment, ont célébré l’anniversaire du Fatah, le grand rival politique du Hamas.

Et c’est cela qui déterminera si le conflit est perçu comme une victoire du Hamas ou comme une défaite. S’il n’y a pas véritablement de réalisation au bout, le Hamas en paiera le prix en termes de soutien public à Gaza.

Nous saurons dans les heures qui suivent si le Hamas aura réalisé un épisode « glorieux » de son histoire, ou aura été perçu comme ayant contribué à la mort de 600 personnes pour rien.

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