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Comment les Israéliens réagissent sur Facebook aux attaques de Paris

Le monde est-il plein d'antisémites ou Israël est-il envahi par des xénophobes de droite ? Votre flux Facebook affecte votre perception de la réalité, selon un expert

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Dessin Apples from Eve (Crédit : Facebook/ TICP - The Israeli Cartoon Project)
Dessin Apples from Eve (Crédit : Facebook/ TICP - The Israeli Cartoon Project)

Samedi matin 14 novembre après les attaques terroristes simultanées à Paris qui ont tué 129 personnes et en ont blessé 352, le chroniqueur du quotidien Chemi Shalev Haaretz a écrit un article qui a été partagé près de 2 000 fois sur Facebook, intitulé « 10 commentateurs sur les attaques terroristes de Paris dont je peux me passer. »

Sans citer de noms, Shalev fustige les gens à sa gauche comme à sa droite qu’il considère qu’ils ont réagi d’une manière déplaisante ou aberrante aux événements de Paris.

Ceux-ci comprennent « ceux qui jubilent de la misère de la France » en raison de son hostilité perçue envers Israël et/ou les Juifs ainsi que « ceux qui utilisent l’attaque à Paris pour critiquer la récente décision de l’Union européenne d’étiqueter les produits provenant des implantations, » pour ne pas mentionner « ceux qui assimilent le terrorisme de l’Etat islamique en Europe avec la violence palestinienne et la terreur en Israël parce qu’ils veulent effacer l’occupation, et ceux qui font remonter chaque cas du terrorisme dans le monde musulman à la Palestine parce qu’ils veulent effacer Israël ».

En effet, au milieu de l’effusion de sympathie et de choc en Israël suite aux attentats de Paris, il y a eu des voix dénonçant la politique perçue de deux poids deux mesures dans la façon dont le monde a réagi au terrorisme en Israël par opposition au terrorisme en France.

Par exemple, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait réprimandé dimanche le président de l’AP Mahmoud Abbas qui avait condamné les attentats de Paris, mais s’était abstenu de condamner « le terrorisme impitoyable contre des innocents en Israël. »

Un mème d'Internet condamnant le double standard perçus envers la France et Israël (Facebook)
Un mème d’Internet condamnant le double standard perçus envers la France et Israël (Facebook)

Azriel Ratz, un spécialiste des médias sociaux de Beit Shemesh qui dirige Ratz Pack Media, a expliqué dimanche soir, dans une conversation avec le Times of Israel, qu’il avait observé trois tendances différentes chez les Israéliens sur les réseaux sociaux.

D’une part, dit-il, « de nombreux Israéliens ont changé leurs photos de profil afin d’y faire figurer le drapeau français, et ont fait preuve d’un soutien complet à Paris.

Ensuite, de nombreux Israéliens ont comparé les attentats à Paris à ceux auxquels Israël est confronté quotidiennement, et se demandent pourquoi le monde ne s’est pas manifesté à propos du terrorisme qui a cours sur le sol israélien.

Enfin, un autre groupe d’Israéliens disent qu’Israël ne doit pas se tenir aux côtés de Paris car c’est un pays antisémite ».

Une image partagée par certains Israéliens sur Facebook (Facebook)
Une image partagée par certains Israéliens sur Facebook (Facebook)

En fait, un petit nombre d’Israéliens sont allés encore plus loin.

L’ancien grand rabbin de Kiryat Arba, Dov Lior, a décrit les attaques comme une punition pour le rôle joué par la France dans la Shoah.

Mais où se situe l’Israélien moyen le long de ce large spectre de réactions ? Puisque les comptes de Facebook et de Twitter de chaque personne sont adaptés à l’utilisateur, est-il possible d’avoir une vue d’ensemble de ce que disent les autres Israéliens ?

« Non, » affirme Ratz. « Facebook ne vous montre pas ce que dit tout le monde. Il ne vous montre que d’une manière très sélective ce que certains de vos amis écrivent ».

Que poste le monde ?

Ratz dit qu’il y a une solution pour le savoir.

Ce n’est pas la panacée, mais cela peut donner une idée de ce que les gens du monde entier disent à un moment donné. Si vous tapez « Paris et Israël » ou #ParisAttacks dans la fenêtre de recherche de Facebook, puis cliquez sur « les plus récents », vous pouvez voir les messages publics du monde entier en temps réel.

Facebook est un endroit aussi bon qu’un autre pour prendre le pouls de l’opinion publique, selon Ratz, car il est le deuxième site web le plus populaire dans le monde.

Un mème populaire sur Facebook (Facebook)
Un mème populaire sur Facebook (Facebook)

Twitter, dit-il, est moins représentatif en raison de la prolifération des journalistes, des artistes et autres professionnels qui sont là « parce que quelqu’un leur a dit qu’ils doivent être sur Twitter. »

Dans un sondage non scientifique, le Times of Israel a fait une recherche en anglais sur les mots « Paris » et « Israel » lundi après-midi et a classé les messages des 110 messages les plus récents dans le monde entier.

Soixante-dix d’entre eux (63 %) ont exprimé de la sympathie pour Israël dans sa lutte contre le terrorisme, 18 posts (16 %) ont suggéré que les crimes d’Israël contre les Palestiniens sont pires ou plus graves que les attentats à Paris, 12 posts (11 %) ont prétendu qu’Israël avait en fait perpétré les attentats à Paris, quatre posts (4 %) disent que les attaques annoncent la fin du monde, trois posts ont déploré le fait que le monde ignore les morts en Syrie, au Liban et au Moyen-Orient, deux posts ont dénoncé l’islamophobie, deux étaient contre Obama et l’un a déclaré que Dieu avait puni la France avec ces attentats.

Partagé sur Facebook après les attentats de Paris (Facebook)
Partagé sur Facebook après les attentats de Paris (Facebook)

Pendant ce temps, une enquête sur le hashtag #ParisAttacks sur Facebook a révélé que 24 posts (26 %) étaient des partages de sites d’information, 20 messages exprimaient de la douleur et de la solidarité avec les Français, huit posts affirmaient que la plupart des Musulmans ne sont pas des terroristes, huit messages dénonçaient l’islamophobie et une possible réaction contre les réfugiés, dix messages affirmaient que l’Amérique, l’Occident ou les banquiers internationaux étaient derrière les attaques, six posts soutenaient le groupe de de hackers Anonymous dans sa volonté de pirater l’EI, cinq messages dénonçaient l’agression de l’Occident, cinq posts affirmaient que la gauche européenne était trop faible et portait des œillères face au terrorisme islamique, trois messages mettaient en garde contre la violation des libertés civiles suite aux attentats, trois messages se moquaient des réactions triviales sur Facebook aux attaques, et un post disait que les Français devraient être autorisés à porter des armes.

Un poste public d'un utilisateur de Facebook du Cachemire (Facebook)
Un poste public d’un utilisateur de Facebook du Cachemire (Facebook)

En termes de réactions spécifiquement israéliennes, le Times of Israel a fait un sondage sur les messages publics de Facebook qui contenaient les mots « Paris » ou « France », en hébreu, une langue parlée pour la plupart par les Israéliens.

Dix des messages exprimaient leur solidarité totale avec la France. Neuf se sont plaints de la politique de deux poids deux mesures exprimée par le monde envers le terrorisme en France et envers Israël.

Cinq ont exhorté le monde à se « réveiller » enfin face à la menace du terrorisme islamiste, deux étaient des partages d’article de presse, un comparaît le Hamas à l’État islamique, un disait que les Israéliens ne devraient pas soutenir la France parce que la France est antisémite, et un affirmait que l’astrologie avait prédit les attentats à Paris.

Unne image partagée sur Facebook qui suggère qu'Assad est une victime de l'Occident (Facebook)
Unne image partagée sur Facebook qui suggère qu’Assad est une victime de l’Occident (Facebook)

Sur Twitter, une recherche de tweets récents contenant le mot ‘Paris’ en hébreu qui ne venaient pas d’organes de presse a révélé trois messages exprimant de la solidarité avec la France, trois condamnant les réactions de la droite aux attaques, l’un disant de ne pas prier pour Paris parce que c’est la religion qui a causé le problème en premier lieu, deux partageant des articles, deux disant que le monde a besoin de se réveiller face à la menace du terrorisme, et l’un accusant la France d’antisémitisme.

Un mème exprimant l'identification avec les Israéliens comme des victimes de la terreur (Facebook)
Un mème exprimant l’identification avec les Israéliens comme des victimes de la terreur (Facebook)

Un tel Tweet disait, « à tous ceux qui comparent les attentats de Paris à ce que nous vivons quotidiennement, vous rendez vous compte à quel point cela est condescendant et insultant ? »

Une autre disait, « Paris ? Mon cul. Pensez-vous que lorsque les Juifs et les Israéliens ont été assassinés il ont bougé le moindre muscle de leurs visages antisémites et hypocrites ? »

« La danse de la droite israélienne sur le sang des victimes est à peu près la seule idée qu’ils ont d’une solution dans les territoires et en France, » disait un autre tweet.

Un autre tweet sur mon flux Twitter a cependant appelé le public à boycotter un collègue qui avait tweeté « une guerre est à venir, de quel côté êtes-vous ? » « Dégoûté », a-t-il commenté.

Le monde selon Facebook

Le Times of Israel a demandé à Azriel Ratz ce qui pourrait expliquer le fait que certains Israéliens croient que le monde est rempli d’antisémites tandis que d’autres croient que leur propre pays est rempli de xénophobes de droite. Les deux peuvent-ils avoir raison ?

Dans un sens, oui, dit Ratz, parce que quand les gens lisent leur flux Facebook, ils ne reçoivent pas un échantillon représentatif des points de vue, même pas des points de vue de leurs amis.

Tout d’abord, dit Ratz, Facebook a parfois un ordre du jour. Par exemple, le fait que tant de gens ont changé leurs photos de profil avec le drapeau français n’était pas une manifestation spontanée de solidarité, mais fortement encouragée par Mark Zuckerberg lui-même.

Le post d'un Israélien sur Twitter (Twitter)
Le post d’un Israélien sur Twitter (Twitter)

« Mark Zuckerberg a été le premier à changer sa photo de profil avec le drapeau, et en dessous de sa photo il a placé un bouton qui changeait automatiquement votre photo également. Trois millions de personnes voient le profil de Mark Zuckerberg, l’algorithme a été mis en place de cette façon ».

Un Israélien fustige sur Twitter d'autres Israéliens pour leurs réactions aux attaques (Twitter)
Un Israélien fustige sur Twitter d’autres Israéliens pour leurs réactions aux attaques (Twitter)

Au-delà de cela, ajoute Ratz, Facebook n’a qu’un seul but, « vous inciter à rester le plus longtemps sur Facebook. Si vous êtes le genre de personne qui quand il voit un article avec lequel vous n’êtes pas d’accord vous écrivez une longue réponse, alors ils vont vous en montrer tout un tas. Si vous êtes le genre de personne qui préfère regarder des vidéos, alors ils vont vous montrer plus de vidéos ».

Cette image du Israel Project, a été partagée plus de 22 000 fois sur Facebook (Facebook)
Cette image du Israel Project, a été partagée plus de 22 000 fois sur Facebook (Facebook)

De cette façon, selon Ratz, Facebook crée une bulle virtuelle autour de chaque personne et le nourrit de toutes les tendances qu’il a déjà.

Si quelqu’un apprécie les débats politiques enflammés, Facebook va lui fournir les plus excessifs. S’il aime des photos de bébés, Facebook va lui en fournir en quantité. Si un adolescent palestinien aime voir des messages encourageant les attaques au couteau, Facebook va le nourrir avec des images encore plus violentes.

« Ce qui vous retient le plus longtemps sur Facebook, que ce soit l’amour ou la haine, est ce que vous obtenez », explique Ratz.

« Il y a des enfants qui grandissent toute leur vie dans cette région où beaucoup de gens n’aiment pas les Juifs, » ajoute-t-il, « et ils voient ces vidéos et ces messages sur les attaques aux couteau contre les Juifs. Parce qu’ils s’intéressent à cela, Facebook leur en montre encore plus. Voilà pourquoi certains pourraient voir le post qui les amène, à terme, à commettre l’acte lui-même. »

L’humiliation publique

Mais il y a un autre élément dans la bataille en ligne. C’est le sentiment agréable de la juste colère que certaines personnes éprouvent quand ils se liguent contre quelqu’un qui dit ou affiche ce qu’ils considèrent être la mauvaise chose.

L’historien Richard Landes relie un tel comportement en ligne aux théories de l’anthropologue et philosophe français René Girard, qui a fait valoir que, à la racine de la religion se trouve l’impulsion humaine pour un groupe de se liguer contre un bouc émissaire et de le tuer. « Cela crée un sentiment d’unité et de but », explique Landes, « scellé par la culpabilité collective. Personne ne veut être la victime ; tout le monde préfère être l’agresseur ».

Un Européen appelle au boycott d'un autre pour ce qui est perçu comme du racisme (Twitter)
Un Européen appelle au boycott d’un autre pour ce qui est perçu comme du racisme (Twitter)

En fonction de votre environnement, vous pouvez être soumis à l’humiliation publique pour avoir exprimé une opinion dissidente. Une fois que la victime est désignée, d’autres membres du groupe vont monter au front de peur de devenir eux-mêmes la victime. Landes souligne que l’expérience des agresseurs peut être très agréable, sans qu’ils se rendent compte qu’ils sont en train de ruiner la réputation de quelqu’un d’autre ou même de détruire sa vie.

Dans les cercles de gauche, dit Landes, les gens utilisent la honte « pour inciter les gens à être ‘gentils' », pas racistes, pas xénophobes, pas cruels, pour rendre en quelque sorte impensable des choses telles que les meurtres, la violence, le transfert, le nettoyage ethnique, les châtiments collectifs, toutes les formes de coercition, et pour frapper d’anathème quiconque ose exprimer de telles notions ».

C’est une bonne chose jusqu’à un certain point, reconnaît Landes, sauf quand cela va trop loin, et « les sentiments des victimes sont tellement appréciées que toute personne qui commet une micro-agression contre eux devient l’objet d’une macro-agression. »

Un poste israélien appelant le monde à "se réveiller" (Facebook)
Un poste israélien appelant le monde à « se réveiller » (Facebook)

Landes, qui se tient aux côtés de ces Israéliens qui voient un double standard, dit qu’à son avis, dans les sociétés libres, l’humiliation publique est une tactique plus communément utilisée par la gauche que par la droite, même si elle est commune à tous les groupes sociaux.

Il estime que la « gauche progressiste, dont les milieux universitaires, du journalisme et des décideurs politiques » dans le monde entier sont réticents à diriger leur colère contre les djihadistes, qui sont les véritables ennemis de leurs valeurs, en partie parce qu’ils ne seraient pas humiliables.

« Quelle satisfaction pourraient-ils obtenir en les réprimandant ? Ils leur riraient au nez. ».

Mais l’humiliation publique est-elle toujours condamnable, peu importe qui l’utilise ? Qu’en est-il du cas d’un homme qui refuse de donner un gett (acte de divorce) à son épouse?

Landes dit que la tradition juive « accepte une certaine mesure d’humiliation, quand elle est méritée, comme acceptable, mais que trop, elle est répréhensible. Dans l’histoire de la destitution de Raban Gamliel, personne ne conteste l’humiliation de Rabbi Yehoshua pour avoir menti. Mais quand il continue à lui imposer de rester debout pendant une discussion plus longue, ils se rebellent ».

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