Comment les racines juives de Sotloff ont été passées sous silence
Craignant que la découverte des racines du journaliste lui coûte la vie, un « pacte du silence » a été établi
Les origines juives et israéliennes du journaliste américain tué, Steven Sotloff, qui a été égorgé par l’organisation terroriste de l’Etat islamique (EI), cette semaine, ont eu une place prépondérante dans les articles et les reportages relatifs à son assassinat.
Mais durant ses longs mois de captivité qui ont mené à son exécution, que l’on peut voir dans une sordide vidéo postée par l’EI mardi, les amis du journaliste et ses connaissances ont fait tous les efforts possibles pour cacher cet aspect de sa vie.
Ils craignaient que cette révélation ne lui coûte la vie. En Israël, une ordonnance de secret a été imposée sur cette information. Le Times of Israel avait aussi son propre article qu’il n’a pas publié pendant plusieurs semaines par peur de mettre en danger la vie de Sotloff en révélant ses racines juives et israéliennes.
Mercredi après-midi, le ministère des Affaires étrangères a levé l’embargo sur le fait que Sotloff avait la nationalité israélienne. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’étendue de la dissimulation est devenue apparente.
Jeudi, le site d’informations Ynet a révélé que les amis de Sotloff travaillaient ensemble depuis sa disparition en Syrie pour effacer toutes traces ou toutes mentions de ses origines juives, espérant que cela augmenterait ses chances de survie.
Ils tentaient aussi d’empêcher que ses conditions de captivité se détériorent dans une région sans loi envahie de plus en plus par de violents groupes djihadistes.
L’article a révélé qu’un groupe composé de 150 amis et de connaissances de Sotloff, parlant 20 langues différentes, s’est réuni pour examiner méticuleusement les publications sur Facebook et Twitter et effacer toutes mentions de ses liens juifs et israéliens – essayant de préserver Sotloff du danger et de sauver sa vie de la seule manière à leur disposition.
« Nous avions deux missions : localiser tous ses amis dans le monde – et il en avait beaucoup – et s’assurer qu’ils ne parlent pas aux journalistes. En plus, nous devions convaincre les journalistes qui écrivaient à son sujet de coopérer avec nous et de retirer toutes mentions le reliant à Israël et au judaïsme, pour que ses ravisseurs de l’EI ne découvrent pas ses origines », selon une citation d’un des amis de Sotloff publié sur le site d’information.
Le groupe aurait recherché tous les articles que Sotloff avait écrits pour les médias juifs et israéliens, comme le Jerusalem Report et d’autres magazines, et les aurait fait retirer. Les médias ont répondu favorablement à leur demande.
« Nous avons trouvé des articles sur Internet mentionnant les racines juives de Steven et nous avons contacté les journalistes et les éditeurs. Nous avons réussi à faire enlever une mention dans le New York Times, il y en avait beaucoup aussi dans les journaux en Floride. Nous avons parlé aux rédacteurs en chef et aux journalistes qui ont accepté de protéger la vie de Steven », aurait raconté un deuxième ami.
Il a ajouté : « Nous avons réalisé que les journalistes s’inquiétaient, et ils nous ont aidés à protéger Steven. Le monde entier faisait partie de notre pacte du silence ».
Selon l’article, la famille de Sotloff a reçu l’instruction de s’assurer qu’aucune mention sur les racines juives de Sotloff ne soit faite.
Sotloff, un Juif de Miami, est le petit-fils de survivants de l’Holocauste.
Il est arrivé en Israël en 2008 pour poursuivre ses études au centre interdisciplinaire (IDC) où il a étudié la politique gouvernementale. Une fois diplômé, il a entamé une carrière de journaliste en freelance, rédigeant des articles pour le Jerusalem Post et le Jerusalem Report avant de se diriger vers d’autres médias comme le Foreign Policy ou le TIME.
Alors que le monde arabe bouillonnait, Sotloff a commencé à poursuivre ces histoires sans fin.
En tant que journaliste freelance, il a voyagé au Yemen, en Libye et en Egypte pour narrer les révolutions du peuple et les chutes des dictateurs qui s’écroulaient comme des dominos au Moyen Orient.
Il a aussi raconté le déferlement de cette nouvelle forme de radicalisme vicieux dans le sillage de ces chutes. Finalement, son travail l’a emmené en Syrie, où il a disparu le 4 août 2013 – très peu de temps après sa dernière visite en Israël pour les Maccabiades de 2013.
Sa famille savait qu’il avait été kidnappé mais a choisi de garder le silence et de se mobiliser pour sa libération dans l’ombre. Ce n’est que le 19 juillet, quand l’horrible vidéo montrant l’égorgement barbare du journaliste James Foley par l’EI, a fait surface sur YouTube, que le monde entier a appris que l’EI retenait aussi Sotloff.
Sotloff aurait été apparemment capturé à Alep et aurait été retenu à Raqqa pendant près d’une année. Dans la vidéo de la mort de Foley, qui montrait aussi Sotloff vêtu d’une combinaison orange comme Foley, l’EI pose un ultimatum au président américain Barack Obama. Il laissait 24 heures aux Etats-Unis pour réagir à cette situation, menaçant d’ôter la vie de Sotloff.

Mercredi, la Maison Blanche a constaté que la deuxième vidéo, montrant cette fois l’égorgement brutal de Sotloff, était authentique.
La citoyenneté de Sotloff ne semble pas avoir influencé son sort. Tout comme sa religion, qu’il a réussi à respecter pendant sa captivité sans que ses ravisseurs ne s’en aperçoivent.
Un ancien otage qui était en captivité avec Sotloff a raconté cette semaine que Sotloff avait jeûné pour Yom Kippour l’année dernière sans que ses ravisseurs islamistes ne découvrent qu’il était juif. Il leur a menti en affirmant qu’il était malade et qu’il ne voulait pas manger ce jour-là, malgré le fait qu’on leur avait servi des œufs – un vai plaisir.
L’ancien prisonnier raconte que le journaliste essayait de respecter quelques traditions juives, en priant en cachette tourné vers Jérusalem. Il trouvait la direction en observant la direction vers laquelle les Musulmans se tournaient pour prier et changeait la position légèrement.
Debra Kamin et Lazar Berman ont contribué à cet article