Comment un café populaire palestinien met les femmes sur le devant de la terrasse
"Si nous continuons à vivre dans le pays, nous ne pourrons pas résoudre quoi que ce soit parce que le passé pour nous, Palestiniens, ça craint", dit John Saadeh, né à San Francisco et propriétaire du Jasmine Cafe

NAPLOUSE, Cisjordanie (JTA) – La “Montagne de feu”. “La capitale de la terreur” de la Cisjordanie. La ville a gagné ses surnoms avec des générations entières de ‘résistance’ violente, qu’elle ait été dirigée envers les Ottomans, les Britanniques, les Israéliens ou le gouvernement actuel de l’Autorité palestinienne.
Naplouse pourrait ne pas sembler être l’endroit idéal pour un café chic de style californien. Mais son propriétaire John Saadeh affiche son optimisme dans le sillage de l’ouverture du Jasmine Cafe au mois d’août dans la ville.
Il suit un plan de développement qui a déjà fait ses preuves pour lui auparavant : les femmes d’abord.
Tout comme cela avait été le cas lors du lancement de la chaîne des établissements Jasmine à Ramallah, il y a quelques années, Saadeh filtre les hommes à l’entrée et tente de favoriser l’embauche de femmes, défiant les normes traditionnelles de la société palestinienne.
“Nous importons un peu du style de vie occidental dans cette zone orientale du monde”, déclare Saadeh à JTA. “Il y a des gens qui boivent des cappuccinos, des femmes qui se mélangent, des hommes qui fument la shisha [pipe à eau] et des étudiants qui viennent se détendre et échanger les uns avec les autres ».
“Pour que tout cela puisse arriver en Palestine, il fallait qu’on s’assure que le ratio des [genres] était le bon pour que les femmes se sentent bien chez nous et qu’elles continuent à venir ».
En 2011, Saadeh et son père ont ouvert le premier Jasmine à Ramallah, capitale, de facto, de la Cisjordanie. Inspiré par les années passées dans la région de la Baie de San Francisco où il est né et où il a fini un cursus de Droit, Saadeh nourrissait depuis longtemps le désir de créer un lieu où femmes et hommes pouvaient venir passer d’agréables moments.

“Dès le lycée, ici, j’avais l’impression de suffoquer. C’était le style : « Vous êtes sérieux, les gars ? On vit encore comme ça ?” s’exclame Saadeh, ajoutant qu’à chaque exacerbation du conflit avec Israël, le progrès social stagne ou recule.
“Avec vos garçons, vous pouviez aller dans un café ou dans une salle de billard. Mais le seul endroit où on pouvait emmener les filles, c’était au restaurant. Alors j’ai toujours eu l’idée de Jasmine quelque part dans ma tête ».
En dehors de ses motivations personnelles et commerciales, Saadeh espère aider à faire avancer sa société – et peut-être faire quelques pas en direction de la paix avec Israël.
“Actuellement nous vivons dans le passé et c’est un problème, dit-il. « Si nous continuons à vivre dans le passé, nous ne pourrons rien résoudre parce que notre passé à nous, Palestiniens, est empreint de souffrances ».
“Mais si nous regardons l’avenir et ce que nous pouvons devenir au lieu d’ergoter sur ce que nous aurions dû ou pu devenir, ce sera un état d’esprit positif pour la société. Les gens, ici, ne l’ont pas. Les gens semblent aller et venir tristement, comme si on nous avait pris notre terre, qu’on avait tué tout notre peuple, qu’on nous avait tout volé. C’est complètement négatif. On ne sent pas de vibration positive”.
Jasmine est rapidement devenu un lieu très fréquenté dans la scène émergente et cosmopolite des cafés, bars et restaurants de Ramallah. La ville est au centre d’une expansion économique et sociale due aux efforts renouvelés d’édification de l’Etat livrés par l’Autorité palestinienne, avec la manne de fonds conséquente venus de l’étranger et l’aide des ONG.
Le café est devenu maintenant réputé dans le milieu branché palestinien. Tous les jours, des politiciens locaux et des célébrités peuvent y être aperçus, se mélangeant aux anonymes.

Saadeh aimerait que Jasmine entraîne un mouvement similaire à Naplouse, aux abords d’un centre commercial palestinien situé dans les montagnes du nord de la Cisjordanie. Il est toutefois conscient des obstacles qui s’y opposent : les tentatives récentes de la part des forces de sécurité palestiniennes de réprimer l’anarchie ont mené à des affrontements dans les rues. L’Autorité palestinienne, après que deux agents de sécurité aient été tués à l’arme à feu par des hommes armés le 30 juin dans la ville, ont lancé des raids, affirmant avoir trouvé « de larges quantités d’armes et de munition ».
Des milliers de personnes sont alors descendues dans les rues au mois d’août pour protester contre les mesures de répression et la mort en détention d’un « hors-la-loi » présumé.
Et Naplouse héberge une société profondément traditionnelle, où les familles défendent leur honneur et leurs femmes.
“Dans la société palestinienne en général, les femmes n’ont pas beaucoup d’espaces où elles sont autorisées à entrer”, déclare Nasreen Hadad Haj-Yahya, présidente du projet des Relations judéo-arabes à l’Institut de Démocratie d’Israël, et habitante de Taibe, une ville à majorité arabe au centre du pays. “L’espace public appartient malheureusement aux hommes. Et nous n’avons pas d’endroit, comme des jardins, des parcs, où nous pourrions aller avec nos enfants ».
“Naplouse est entourée de nombreux camps de réfugiés, et la situation économique y est vraiment mauvaise. Autant que tout le reste, cela influence la capacité d’aller vers le progressisme ».
Mais Saadeh perçoit dans ces affrontements le signal que l’Autorité Palestinienne est en train d’imposer l’état de droit. Une fois cet état réalisé, il pense que le progrès économique et social suivra.
“J’ai l’impression que Naplouse, aujourd’hui, est similaire à ce qu’était Ramallah il y a 10 ans », explique-t-il. « Tout ce qu’il faut faire, c’est s’ouvrir un peu. Apporter un peu d’argent, quelques bénévoles ça et là, et ça marchera. »
Avi Issacharoff, journaliste au Times of Israel spécialisé dans les affaires palestiniennes, convient qu’il existe des raisons de se montrer optimiste concernant la prise de contrôle de Naplouse par l’Autorité palestinienne, mais affirme que la situation reste instable.
“C’est un pari, dirais-je, d’ouvrir une nouvelle franchise à Naplouse”, dit-il à JTA.
« Je ne vais pas vous dire que cela n’arrivera pas. On pourrait d’ailleurs assister à un véritable développement dans la région, en ce moment, avec ces affrontements. Mais si quelque chose devait arriver au [président de l’Autorité palestinienne Mahmoud] Abbas, que Dieu nous en préserve, alors l’histoire sera complètement différente. Oubliez la tranquillité ».
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