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Opinion

Covid : Les extrémistes haredim trahissent le caractère sacré de la vie

Comment comprendre la défiance violente face aux règles de confinement qui sauvent des vies de la part d'une minorité ultra-orthodoxe ? Que doit donc faire Israël ?

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Des affrontements entre des hommes juifs haredim et la police alors qu’elle tente de faire appliquer les restrictions relatives au coronavirus, à Jérusalem, le 26 janvier 2021. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)
Des affrontements entre des hommes juifs haredim et la police alors qu’elle tente de faire appliquer les restrictions relatives au coronavirus, à Jérusalem, le 26 janvier 2021. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Il est presque impossible de comprendre comment certains jeunes ultra-orthodoxes ayant grandi dans une communauté dont la raison d’être même est l’étude du judaïsme – une foi centrée sur le caractère sacré de la vie – ont pu devenir l’incarnation de l’opposition la plus violente et la plus éminente aux restrictions adoptées en Israël (et ailleurs) pour aider simplement à épargner des vies innocentes dans un contexte de pandémie de la COVID-19.

C’est presque impossible – mais Yehuda Meshi-Zahav, ultra-orthodoxe à la tête des services de secours ZAKA, nous a toutefois confiés au moins une partie de l’explication.

Meshi-Zahav a perdu son père et sa mère, qui ont succombé à une forme grave du coronavirus, au cours des dix derniers jours, et il a assisté et assiste encore au déni de sa propre communauté face aux dangers de la COVID.

Sa tragédie personnelle – emblématique de la cécité meurtrière de la communauté plus largement, avec ses répercussions considérables pour chacun d’entre nous – avait commencé quand sa mère avait décidé d’organiser une fête pour Hanoukka, au mois de décembre, dans le quartier de Mea Sharim. Il l’avait suppliée de ne pas le faire. D’autres membres de la famille aussi. Son épouse, une voix éclairée, forte d’une crédibilité entraînée par une expérience de vie côtoyant quotidiennement la mort, n’avait pas eu davantage de succès.

« Je lui ai dit que c’était dangereux, je lui ai demandé de ne pas le faire », a-t-il confié, la semaine dernière, au Times of Israel. Mais qui était-il donc pour apporter la contradiction aux rabbins en qui ses parents avaient toute confiance et qui, pour leur part, encourageaient une telle initiative ?

Yehuda Meshi-Zahav avec sa mère Sarah sur une photo non datée. (Autorisation de Mendy Hachtman)

Comme il l’a déclaré dans son entretien accordé à Nathan Jeffay du Times of Israel, « les responsables religieux vivent sur une planète différente ». Dans la communauté où évoluaient ses parents, « il y avait cette idée que nous étions arrivés au bout de la crise du coronavirus – c’était le sentiment de Hanoukka », a-t-il continué.

La fête a eu lieu. La mère de Meshi-Zahav a contracté la COVID-19. Elle est morte au début de la semaine dernière.

« Certains responsables de la communauté ont du sang sur les mains », avait affirmé Meshi-Zahav, « et c’est le sang de ma mère et de nombreux autres ».

Quelques jours plus tard, c’est son père qui a succombé des suites de la maladie.

La tradition glorieuse et millénaire de la recherche de ce qui est le meilleur, le plus éclairant ; cette tradition qui a constamment relancé l’étude des textes sacrés – qui avait été mise en place par des Juifs remplis de reconnaissance – a été transformé, élargie, dénaturée, trahissant l’ancienne obligation rabbinique, vieille de plusieurs siècles, qui était de travailler et de répondre aux besoins de sa famille

Les rabbins ignares ou mal informés ne sont toutefois pas les seuls responsables. Pas plus qu’ils ne seraient, d’ailleurs, les seuls à blâmer face à l’impossibilité de mettre un terme à cette folie de quelques-uns qui défie la réalité de l’épidémie et ouvre ses bras à la mort.

Les ultra-orthodoxes forment dorénavant une communauté semi-autonome au sein de l’Etat juif et l’étude de la Torah à plein temps par les hommes de cette catégorie de la population, une étude subventionnée par l’Etat, s’est développée en accéléré. La tradition glorieuse et millénaire de la recherche de ce qui est le meilleur, le plus éclairant ; cette tradition qui a constamment relancé l’étude des textes sacrés – qui avait été mise en place par des Juifs remplis de reconnaissance – a été transformée, élargie, dénaturée, trahissant l’ancienne obligation rabbinique, vieille de plusieurs siècles, qui était de travailler et de répondre aux besoins de sa famille.

Cette dénaturation a été facilitée par un Etat d’Israël qui exempte largement les jeunes garçons ultra-orthodoxes de service militaire ; par un Etat qui utilise les impôts de tous ses citoyens qui se trouvent sur le marché du travail pour payer les allocations qui permettront aux familles de survivre en l’absence d’un homme qui assumerait un rôle de soutien de famille ; par un Etat qui, soit dit en passant, est rejeté ou détesté par certains éléments de la communauté ultra-orthodoxe.

Les dirigeants du parti Yahadout HaTorah Yaakov Litzman (à droite) et Moshe Gafni (à gauche) s’adressent à la presse à la Résidence du Président à Jérusalem le 23 septembre 2019, après avoir consulté le président Reuven Rivlin sur la question de savoir quel législateur devrait être chargé de former le prochain gouvernement après les élections du 17 septembre. (Hadas Parush/Flash90)

De plus, la communauté est représentée au Parlement par des politiciens qui – même s’ils travaillent dans l’environnement diversifié d’un pays développé – ont majoritairement prouvé, au cours de l’année passée, qu’ils étaient non seulement incapables mais fondamentalement peu disposés à éclairer leur électorat concernant les dangers de la pandémie.

Une importante partie de la communauté ultra-orthodoxe, il faut le noter, s’est scrupuleusement soumise aux restrictions induites par la COVID-19, fermant les écoles, annulant les rassemblements massifs, respectant les obligations du port du masque et adhérant aux directives de distanciation sociale

Ces politiques se sont positionnés, au contraire, aux côtés de chefs religieux atteints de cécité face à la crise en allant, dans les faits, à l’encontre des intérêts vitaux de leur communauté et d’Israël plus largement.

Une importante partie de la communauté ultra-orthodoxe, il faut le noter, s’est scrupuleusement soumise aux restrictions induites par la COVID-19, fermant les écoles, annulant les rassemblements massifs, respectant les obligations du port du masque et adhérant aux directives de distanciation sociale. Mais une minorité significative a fait précisément le contraire.
Et alors que les taux d’infection sont restés obstinément élevés ces dernières semaines malgré les limitations dues au confinement national en cours, 40 % des nouveaux cas de coronavirus, selon les estimations, seraient enregistrés au sein de la communauté ultra-orthodoxe qui ne représente qu’environ 12 % de la population israélienne, et les taux de vaccination seraient, dans cette catégorie de la population, bien inférieurs à la moyenne nationale dans un contexte de campagne d’immunisation pourtant unique dans le monde.

La conduite de ces provocateurs ultra-orthodoxes entre en contradiction avec les principes mêmes qui se trouvent au cœur du judaïsme, qui place la valeur de la vie au-delà de toute autre chose. Personne ne peut abandonner la vie sinon dans des circonstances très exceptionnelles – et personne n’a non plus l’obligation de continuer l’étude de la Torah ou d’organiser d’importants mariages au beau milieu d’une pandémie.

Les choses ont encore empiré, cette semaine, avec les manifestations violentes d’extrémistes ultra-orthodoxes contre les initiatives tardives prises par la police de faire fermer certaines des nombreuses écoles haredim et autres yeshivot qui étaient restées ouvertes en violation du confinement national.

Ces mouvements de protestation ont compris des attaques contre des bus à Bnei Brak et contre le tramway à Jérusalem – des incidents qui auraient pu facilement avoir des conséquences mortelles.

Un bus incendié par la foule dans la ville de Bnei Brak, le 24 janvier 2021. (Police israélienne)

Il y a eu manifestement un échec constant à assurer la communication entre le gouvernement israélien, les autorités sanitaires et une partie substantielle de cette importante communauté semi-autonome. Il y a eu manifestement aussi une incapacité en termes de volonté politique d’un gouvernement et d’un Premier ministre – qui dépend du soutien des partis ultra-orthodoxes – à faire appliquer avec la même fermeté les restrictions dues à la COVID-19 dans la population ultra-orthodoxe que cela n’a été le cas ailleurs.

Mais manifestement, ici aussi, la réalité est qu’une solution à long-terme de ce problème passera inévitablement par l’éducation. La semi-autonomie des ultra-orthodoxes israéliens se prolonge dans son système scolaire, où des générations manquent d’un enseignement basic de matières essentielles comme l’anglais, les maths et la science.

Ironie du sort, de nombreux responsables d’une communauté ostensiblement dévouée à l’éducation de ses jeunes leur a refusé avec insistance un accès aux savoirs qui sont habituellement imposés ailleurs par l’éducation au sens large, les privant de connaissances essentielles qui leur permettraient de devenir des membres utiles et accomplis de n’importe quelle société fonctionnelle

Ce n’est pas le cas dans l’intégralité de la population haredi – tout comme il est faux de dire que la communauté toute entière a défié les restrictions du confinement. Mais aucun de ces deux phénomènes n’est marginal.

Ironie du sort, de nombreux responsables d’une communauté ostensiblement dévouée à l’éducation de ses jeunes leur a refusé avec insistance un accès aux savoirs qui sont habituellement imposés ailleurs par l’éducation au sens large, les privant de connaissances essentielles qui leur permettraient de devenir des membres utiles et accomplis de n’importe quelle société fonctionnelle.

Le judaïsme est resté pertinent et les Juifs se sont avérés être des précurseurs dans presque toutes les couches sociales – grâce à l’inspiration d’une foi qui récompense l’éducation, à un code de vie qui encourage la quête créative.

Cela fait longtemps que j’affirme que les responsables israéliens doivent exiger que la communauté ultra-orthodoxe se soumette à une forme ou une autre de service national. Pas nécessairement dans l’armée : Il pourrait très bien se dérouler dans la communauté elle-même. Et, de manière similaire, le gouvernement israélien doit exiger des écoles ultra-orthodoxes qu’elles enseignent un tronc commun – pour, tout simplement, préparer la communauté à la réalité.

Le rabbin Chaim Kanievsky et son petit-fils à Yaakov Kanievsky (à gauche) à son domicile de dans la ville ultra-orthodoxe de Bnei Brak, le 22 septembre 2020. (Aharon Krohn / Flash90)

Même si elle peut ardemment désirer éviter ce qu’elle considère comme les toxines de la modernité, la communauté ultra-orthodoxe ne peut pas non plus se fermer entièrement au monde extérieur – comme la COVID l’a prouvé de manière fatale – et il n’est pas davantage possible de lui permettre de tenter de le faire encore, comme l’échec de la réponse au coronavirus en a apporté la preuve. Je le souligne encore : Nous ne parlons pas ici de tous les membres de la population haredi israélienne, mais nous ne parlons pas non plus d’une minorité qui resterait insignifiante.

Certains responsables ultra-orthodoxes peuvent agir comme s’ils vivaient sur une planète différente, comme Meshi-Zahav l’a déploré. Mais le fait est qu’ils partagent ce pays, que nous assistons à une trahison tragique du judaïsme qu’ils affirment par ailleurs chérir et que, comme l’a regretté avec désespoir un membre de la communauté doublement touché par le deuil, certains rabbins ont aujourd’hui du sang sur les mains.

Ce qui est également le cas de tous ceux qui auront facilité leur ignorance volontaire et fatale.

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