Crise en mer Rouge : un logisticien israélien ouvre une route alternative
Trucknet promeut un itinéraire routier alternatif pour l'acheminement de marchandises du port de Dubaï à celui de Haïfa via l'Arabie saoudite et la Jordanie
Trucknet Enterprise, société israélienne de transport intelligent, a conclu des accords ce mois-ci pour mettre en place un itinéraire commercial terrestre pour le transport de marchandises depuis le golfe Persique vers Israël en passant par l’Arabie saoudite et la Jordanie, en contournant la mer Rouge, actuellement la cible de nombreuses attaques de militants houthis soutenus par l’Iran.
Ce mois-ci, l’entreprise Trucknet, établie à Eilat et spécialisée dans le marché numérique pour mettre en relation importateurs et entreprises de transport, a signé un accord de coopération avec son homologue émirati Puretrans FZCO et la société d’exploitation portuaire de Dubaï DP World. Cet accord permettra le transport de marchandises par camions sur une route terrestre bidirectionnelle reliant les ports de Dubaï ou Bahreïn à ceux de Haïfa ou d’Egypte, en direction de l’Europe, via l’Arabie saoudite et la Jordanie.
Dimanche, Trucknet a signé un protocole d’accord similaire avec la société de services logistiques WWCS qui, depuis Alexandrie, gère le transport de conteneurs depuis les ports et la desserte du marché égyptien. Cette coopération permettra d’utiliser les points de passage frontaliers d’Israël pour les besoins du transport de marchandises par voie terrestre, depuis le port de Dubaï jusqu’en Israël, en passant par l’Arabie saoudite et la Jordanie, et de là, en empruntant la mer Méditerranée ou la voie terrestre, vers l’Égypte, a expliqué Trucknet.
« Cette semaine, nous avons parachevé la définition d’un itinéraire terrestre capable de relier les Émirats arabes unis à Israël et l’Égypte », a déclaré Hanan Friedman, fondateur de Trucknet.
Un projet pilote visant à tester cet itinéraire pour les camions entre les ports de Dubaï et Israël est en cours depuis quelques semaines.
Ces accords de coopération pour l’établissement d’un itinéraire terrestre alternatif ont été conclus après que les Houthis du Yémen, un supplétif de l’Iran, ont lancé des attaques de drones et de missiles contre des navires commerciaux appartenant à Israël ou à destination de l’un de ses ports depuis le début de sa guerre, le 7 octobre dernier, contre l’organisation terroriste du Hamas.
La plupart n’ont pas réussi à atteindre leurs cibles et été interceptés, mais la persistance de la menace a incité les principales compagnies maritimes mondiales, comme le danois Maersk ou la compagnie maritime allemande Hapag-Lloyd, ainsi que le géant pétrolier BP, à suspendre la circulation de leurs navires en mer Rouge ou dans le canal de Suez, avec la menace de la fermeture une route commerciale clé reliant l’Asie, Israël et l’Europe.
[Cette nouvelle route] permettra aux porte-conteneurs venus d’Extrême-Orient et à destination d’Israël ou d’Europe d’emprunter une route plus longue autour de l’Afrique et du Cap de Bonne-Espérance, ce qui retardera l’acheminement des marchandises de deux à quatre semaines et en augmentera le coût, à hauteur de 1 million de dollars. Depuis le début de la guerre, les navires à destination d’Israël supportent déjà des frais plus élevés en matière de fret, en raison de la prime de risque de guerre supplémentaire prélevée par les assureurs maritimes.
Cette semaine, Maersk a pour sa part annoncé la reprise des acheminements via la mer Rouge après qu’une coalition navale multinationale emmenée par les États-Unis a commencé à protéger les navires des attaques des Houthis.
« Cet itinéraire n’a pas vocation à se substituer au canal de Suez, mais plutôt à offrir un itinéraire rapide complémentaire, utilisé comme voie de contournement en cas d’urgence liée à la menace houthie en mer Rouge, permettant de réduire de 10 jours les temps de navigation », explique Friedman. « Le temps de transport des marchandises sur les porte-conteneurs en provenance des ports de Dubaï ou d’Abou Dhabi vers le port de Haïfa, est d’environ deux semaines, là où le déchargement et la mise en place de la cargaison sur des camions par voie terrestre en prendra quatre. »
Trucknet estime que l’itinéraire terrestre, qui a reçu les autorisations nécessaires du ministère israélien de la Défense et des autorités israéliennes, devrait permettre d’économiser 80 % du temps d’acheminement par voie maritime, pour un coût inférieur au vu des primes d’assurance élevées actuellement pratiquées envers les compagnies maritimes.
Fondée en 2016 par son PDG Friedman, Trucknet a développé une plate-forme basée sur le cloud pour mettre en rapport cargaisons et camions et permettre aux entreprises de transport et logistique de réduire les coûts et d’économiser des ressources en optimisant les expéditions, quel que soit le mode de transport. La technologie basée sur l’IA utilise l’intelligence d’affaires et l’apprentissage automatique pour opérer la plate-forme de correspondance automatique, qui offre des fonctionnalités comme le suivi en temps réel des camions, l’état des expéditions et les calculs d’émissions pour chaque expédition.
La start-up, cotée à la Bourse de Tel Aviv depuis 2021, possède plus de 40 employés et des bureaux en France, en Roumanie et en Israël.
La guerre a commencé le 7 octobre, lorsque près de 3 000 terroristes du Hamas venus de la bande de Gaza ont franchi la frontière avec Israël par terre, mer et air, pour tuer près de 1 200 personnes et faire plus de 240 otages de tous âges, le tout sous une pluie de milliers de roquettes tirées sur les villes israéliennes. La grande majorité des personnes tuées par ces hommes armés qui se sont emparés des communautés frontalières et ont fait preuve d’une extrême brutalité étaient des civils, bébés, enfants et personnes âgées.
Selon les Houthis, leurs frappes en mer Rouge sont un témoignage de solidarité avec la population de Gaza, dont le ministère de la Santé, dirigé par le Hamas, affirme que plus de 20 900 personnes ont été tuées lors du conflit. Ces chiffres, qui ne peuvent toutefois pas être vérifiés de manière indépendante, pourraient comprendre des terroristes et des civils du Hamas, ainsi que des personnes tuées par des roquettes égarées tirées par des organisations terroristes.
Bien avant la guerre contre le Hamas, le projet d’itinéraire terrestre commercial entre la Jordanie, Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, depuis le golfe Persique jusqu’aux ports d’Israël, était déjà en cours d’élaboration, mais la situation actuelle l’a considérablement accéléré, explique Friedman.
L’Arabie saoudite et Israël n’entretiennent pas de relations diplomatiques, mais la Maison Blanche les a fortement encouragés à normaliser leurs relations dans les mois qui ont précédé la guerre. Cela fait suite aux accords d’Abraham, l’accord négocié par les États-Unis pour normaliser les relations entre Israël et les Émirats arabes unis et Bahreïn en 2020. Le Maroc a emboîté le pas et a normalisé ses relations avec Israël peu de temps après.
« Le degré de coopération et de bonne volonté des entreprises de transport et de logistique des pays arabes prouve que les liens qui se tissent en ce moment avec Israël sont dans l’intérêt de toutes les parties, ce qui pourrait faire d’Israël un important centre logistique international. », conclut Friedman.