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Dan Shapiro : le monde perd patience mais ne se retirera pas de la solution à 2 états

L'ancien ambassadeur met en garde contre des mesures unilatérales en l'absence de traité de paix, Israël pourrait passer à côté d'une chance historique de s'allier avec les pays du Golfe avant que la conjoncture ne change

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Dan Shapiro lors d'une conférence à Jérusalem à l'Institut démocratique d'Israël le 4 juin 2017. (Crédit : Oded Antman)
Dan Shapiro lors d'une conférence à Jérusalem à l'Institut démocratique d'Israël le 4 juin 2017. (Crédit : Oded Antman)

Il est peu probable que la communauté internationale cesse de soutenir la solution à 2 états, la solution quasi-universelle au conflit israélo-palestinien. Mais il se pourrait que l’opinion publique évolue sur le soutien d’un seul état judéo-palestinien, à cause de la lenteur de ce processus de paix, a analysé l’ancien ambassadeur israélien à Washington cette semaine.

Lors d’une conférence à l’occasion du cinquantième anniversaire de la guerre des Six jours, Shapiro a indiqué que l’État juif pourrait passer à côté d’une opportunité de normaliser ses relations avec le monde arabe s’il n’avançait pas en direction de la création d’un état palestinien. Dans l’éventualité d’un changement de régime en Iran, les pays arabes modérés pourraient ne plus se sentir obligés de s’aligner stratégiquement avec Israël, et il est donc peu probable qu’ils proposent de normaliser les relations, a-t-il mis en garde.

Lors de la conférence coorganisée par l’Institut démocratique d’Israël et l’Institut des Études sur la Sécurité intérieure, Shapiro a déclaré que la solution à 2 états ne disparaitra pas même si la situation actuelle perdure pendant des années.

« La communauté internationale est tellement habitué à œuvrer en faveur de la solution à 2 États, que cela va rester le principe fondamental », a déclaré Shapiro. « Et cela se vérifiera, même si de plus en plus de doutes surgissent dans les débats de la communauté internationale discussions à savoir si la solution à 2 États est possible, ou si elle ne le sera jamais. »

Au cours d’un débat sur l’avenir du conflit israélo-palestinien, qui supposait que le statu quo qui devrait se poursuivre pendant des décennies, Shapiro dit que la majeure partie de la communauté internationale a été trop lourdement investi dans le paradigme à deux États, avec d’innombrables déclarations politiques, résolutions de l’ONU et un « vaste corpus de la littérature » l’approuvant comme la seule option viable pour parvenir à la paix. « Il y a tant de déclarations sur lesquelles il est difficile de revenir », a-t-il dit.

Depuis que Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine fin 2016, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a cessé de soutenir publiquement la solution à 2 États comme résultat souhaité du conflit israélo-palestinien. L’administration Trump n’a même jamais approuvé l’idée d’un état palestinien, marquant une rupture nette avec les administrations précédentes.

Ambassador Dan Shapiro meets PM Benjamin Netanyahu in Jerusalem, November 7, 2012. (photo credit: Amos Ben Gershom/GPO)
L’ambassadeur Dan Shapiro (à gauche) rencontre le Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem en novembre 2012. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

Alors que les gouvernements européens restent engagés envers la solution à 2 États pour le moment, l’opinion publique sur le continent peut passer à évoluer vers un soutien à un seul Etat avec des droits égaux pour les Juifs et les Palestiniens, à l’instar d’une tendance croissante dans l’opinion publique palestinienne, a déclaré Shapiro.

A défaut d’obtenir leur propre État souverain, les Palestiniens pourraient adhérer à l’idée de transformer la terre entre la Méditerranée et le Jourdain dans « un État pour tous ses citoyens ». Cela signifierait la fin de l’État juif, mais « cette idée rassemblera des partisans en Europe », estime Shapiro.

L’administration Obama a fait de grands efforts pour dissuader certains pays européens de reconnaître la Palestine de manière unilatérale, a-t-il ajouté, et seule la Suède a, pour le moment, reconnu l’« État de Palestine ». Mais si le processus de paix continue à stagner, d’autres sur le continent pourraient suivre, anticipe Shapiro.

« Cela pourrait rapidement déclencher un effet domino, et vous pourriez avoir de plus en plus d’États européens qui décideront que le chemin qu’ils choisissent pour leurs politiques propres, leur propre opinion publique, est celui la reconnaissance d’un état palestinien qui ne n’existe pas encore sur le terrain, » dit-il.

« La mise à l’écart que les Européens ressentent de la part de l’administration Trump, au moins ces dernières semaines, pourrait faire accélérer cette tendance, et il sera peut-être beaucoup plus difficile, tout du moins pour l’administration actuelle, de décourager efficacement une telle mesure » dit Shapiro. « Parce que cela pourrait devenir très à la mode en Europe de défier Trump et de prendre parti pour les Palestiniens. »

Le président américain Donald Trump au musée d'Israël de Jérusalem, le 23 mai 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le président américain Donald Trump au musée d’Israël de Jérusalem, le 23 mai 2017. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Bien que Washington soit peu susceptible d’adopter une solution à un État ou de reconnaître prématurément un état palestinien, il pourrait y avoir une augmentation de la pression en interne pour tirer parti de la position des États-Unis pour faire avancer le processus de paix, a déclaré Shapiro. Il imagine que les appels aux États-Unis de mettre fin à l’aide militaire à Israël ou de la conditionner vont s’intensifier, tous comme la critique contre les activités dans les implantations.

« Il sera très difficile d’imaginer une masse critique coalescent autour d’une des zones, donc ce sera une discussion très diffuse qui inclura une certaine mise à l’écart de certaines parties de la communauté juive », a-t-il dit, ajoutant ont fait les Américains seront contraints de décider si Israël est toujours un État juif et démocratique. « De plus en plus d’Américains de nombreux milieux politiques seront mal à l’aise face à cette question. »

Des israéliens fêtent Pourim à l'ambassade israélienne de Téhéran, à la fin des années 70. (Crédit : capture d'écran "Before the Revolution"/Journeyman Pictures)
Des israéliens fêtent Pourim à l’ambassade israélienne de Téhéran, à la fin des années 70. (Crédit : capture d’écran « Before the Revolution »/Journeyman Pictures)

Shapiro, qui a servi comme envoyé américain en Israël entre juillet 2011 et janvier 2017 et est aujourd’hui chercheur invité à l’INSS, dit être sceptique quant à la volonté des pays du Golfe de formaliser leur coopération en matière de sécurité clandestine avec Israël compte tenu de l’absence de progrès sur le front palestinien.

« Le monde arabe était tout à fait clair sur ce qu’ils recherchent, et c’est l’Initiative de paix arabe », a-t-il dit, se référant à un plan qui promet à Israël des relations complètes avec tout le monde arabe et islamique après la conclusion d’un accord de paix avec les Palestiniens.

Netanyahu Soutient toujours que de nombreux États arabes considèrent Israël comme un « allié indispensable » et qu’ils pourraient faire pression sur Ramallah afin qu’il fasse les compromis nécessaires à un accord de paix.

« Ce changement dans le monde arabe est nouveau. Et je crois qu’il est le meilleur espoir pour la paix, non seulement entre Israël et les pays de la région, mais finalement entre Israël et les Palestiniens », a-t-il déclaré dimanche lors d’une conférence en Afrique de l’Ouest.

Mais alors que certains Israéliens affirment que divers États arabes sunnites pourraient faire la paix avec Israël même en l’absence d’un traité de paix avec les Palestiniens – comme l’Egypte et la Jordanie l’ont fait – ce scénario était « peu probable étant donné que la question de la création d’un Etat palestinien a été mis sur la table comme l’objectif final depuis un long moment », selon Shapiro.

« Je pense qu’il est très difficile pour les pays arabes de réduire leur prix pour commencer un véritable processus de normalisation ouvert avec Israël », a-t-il dit. « Israël perd potentiellement une excellente occasion d’améliorer ses relations avec les Etats arabes et de transformer une partie de cette coopération en fonction publique et de vraiment progresser vers un processus de normalisation, si nous sommes coincés dans le statut quo prolongé. »

Il a ajouté que même la coopération de sécurité secrète entre Israël et le monde arabe pourrait se dissiper si la rivalité arabe sunnite avec l’Iran est résolue.

« S’il y a un changement de régime en Iran, », a-t-il spéculé, « la question de la nécessité que les pays du Golfe maintiennent leur coopération avec Israël se posera ».

Certains israéliens stratégistes suggèrent que dans une ère post-République islamique, Israël pourrait rétablir l’alignement stratégique qu’il a eu avec l’Iran à l’époque du Shah, avant la révolution de 1979. Et Shapira part du principe que cela risque de créer une distance entre les pays arabes et Israël.

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