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Dans le sud reculé, jeunes israéliens et détenus fêtent ensemble Pessah

Lors d'un événement organisé au centre de détention de Holot, les participants ont dressé des parallèles entre la sortie d'Egypte des Juifs et les demandeurs d'asile d'aujourd'hui

Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Dans une zone reculée du désert du Negev, à proximité de la frontière égyptienne, des dizaines d’Israéliens et de jeunes demandeurs d’asile africains ont dansé au son du tambour, protégeant leurs yeux de la poussière aveuglante venue fouetter les visages de l’assistance.

Cet événement de Pessah, organisé aux abords des barrières du centre de détention de Holot, voulait souligner les parallèles existant entre les conditions des demandeurs d’asile en Israël et l’exode des Juifs de la terre d’Egypte.

« Pendant Pessah, nous fêtons le passage de l’esclavage en Egypte à la liberté en Israël. A la base, ces réfugiés ont fui l’esclavage et nous, nous leur nions ce droit à la liberté – au lieu de la leur donner, cette même liberté pour laquelle nous disons ‘merci’ lors de la fête de Pessah », a expliqué Gal Shturm, l’un des organisateurs de l’événement.

Israël accueille environ 45 000 demandeurs d’asile, la majorité provenant d’Erythrée et du Soudan, selon l’ASSAF, une organisation d’aide aux réfugiés et migrants africains qui vivent en Israël en quête du statut de demandeur d’asile. Mais l’état n’a reconnu presque aucune de leurs revendications depuis qu’ils ont commencé à arriver au milieu des années 2000.

Mohamed Yagoub et Ali Hassan Salih, des demandeurs d'asile venus du Darfour et du Soudan, aux abords du centre de détention de Holot le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)
Mohamed Yagoub et Ali Hassan Salih, des demandeurs d’asile venus du Darfour et du Soudan, aux abords du centre de détention de Holot le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

Selon le haut-commissaire aux réfugiés des Nations unies, 84 % des demandeurs d’asile érythréens ou soudanais ont reçu le statut de réfugiés ou bénéficient d’une protection étendue.

Le gouvernement a clôturé la frontière avec l’Egypte, empêchant à davantage de réfugiés d’entrer sur le territoire, et, ces dernières années, très peu sont parvenus à pénétrer en Israël. Le gouvernement a renforcé la frontière en 2012-2013 parce qu’il craignait un afflux massif de migrants qui, à un moment, arrivaient dans le pays à un rythme de plusieurs milliers par mois.

Israël a également encouragé et payé des demandeurs d’asile pour qu’ils s’installent en Ouganda ou au Rwanda. Certains des réfugiés ayant quitté Israël se sont noyés alors qu’ils tentaient de rejoindre les rives européennes, raconte Shturm, l’organisateur.

L’état juif affirme de son côté que la majorité des migrants qui se trouvent actuellement sur son territoire sont venus chercher des opportunités économiques, et n’ont pas fui un danger couru dans leur pays natal.

Le gouvernement détient les demandeurs d’asile sous les termes de la loi adoptée dans les années 1950 sur la « prévention de l’infiltration », qui avait pour objectif à l’origine d’empêcher les entrées dans le pays d’individus liés à des groupes terroristes – une interprétation juridique qui a été remise en cause par les groupes de défense des droits de l’Homme.

Le centre de détention de Holot, qui se trouve à environ une heure de voiture au sud-ouest de Beer Sheva, accueille environ 2 000 demandeurs d’asile. Ces derniers ont l’obligation de se présenter le matin et le soir mais ils sont libres de leurs activités durant la journée.

Ce centre de détention, qui est qualifié comme étant un « centre ouvert », est géré par le service des prisons israéliennes. Les demandeurs d’asile y sont habituellement confinés pendant un an. Cette zone subit un climat extrême, il n’y a pas de communautés installées dans les environs et les détenus n’ont que très peu de choses à y faire.

« La vie à Holot est absolument difficile, même l’eau qu’on utilise n’est pas saine. Autour de nous, il y a des vaches et des poulets, ça sent tellement mauvais. On devrait également suivre des cours mais il n’y a aucune école, ici, on ne fait que se battre au quotidien », déplore Ali Hassan Salih venu du Darfour.

Des migrants africains manifestent devant le centre de détention de Holot, le 17 février 2014 (Crédit photo: Flash90)
Des migrants africains manifestent devant le centre de détention de Holot, le 17 février 2014 (Crédit photo: Flash90)

La construction de la structure a coûté environ 323 millions de shekels et ses frais de fonctionnement s’élèvent à à peu près 100 millions de shekels par an, selon Amnesty International.

L’argent pourrait être mieux utilisé en intégrant et en s’occupant de ces demandeurs d’asile dont la majorité vivent dans des quartiers pauvres du sud de Tel Aviv. Ils sont nombreux à souffrir de problèmes psychologiques après avoir subi des traumatismes dans leurs pays d’origine et lors de leurs voyage vers Israël, indique Shturm.

Les membres de Telem Mekhina, un programme de préparation prémilitaire de Jaffa, a visité les lieux au début de l’année. Les 55 membres de la mekhina, qui a pour objectif de préparer ces jeunes à assumer des rôles de leadership dans l’armée et après, organise des séminaires éducatifs dans différentes régions du pays. Les élèves se sont rendus à Holot pour leur premier séminaire qui comprenait également une tournée dans le sud israélien.

« Lorsqu’on est partis de là-bas, presque la totalité des membres du programme était en état de choc face à la situation vécue par les réfugiés », dit Shturm, qui a grandi à proximité de Netanya, dans le sud d’Israël.

« Je suis en colère et je suis également déçu, parce que je dois constater que c’est comme ça que se comporte mon pays. Et avant tout, j’ai honte, parce que je sens que je fais aussi partie de ce pays », ajoute Shturm.

Huit membres de la mekhina ont porté un intérêt particulier à cette expérience et ont entamé des recherches sur le sujet et réfléchi à un moyen de tenir un rôle actif face à ce problème, déclare Mika Friehmann, qui est également membre du programme et un ami d’enfance de Shturm.

Les membres du programme de préparation prémilitaire Telem de Jaffa qui ont aidé à organiser une fête de Pessah aux abords du centre de détention de Holot dans le sud d'Israël, le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)
Les membres du programme de préparation prémilitaire Telem de Jaffa qui ont aidé à organiser une fête de Pessah aux abords du centre de détention de Holot dans le sud d’Israël, le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

« On pourrait avoir un niveau de moralité et un sens de la justice beaucoup plus élevés et simplement réfléchir à ces gens qui ne sont pas venus pour demander un travail mais parce qu’ils ne pouvaient réellement pas rester à l’endroit où ils se trouvaient, et je peux m’approprier cette histoire en tant que Juif. Je me sens vraiment dans l’obligation d’aider », ajoute Friehmann.

Ils ont donc décidé d’organiser une fête de Pessah aux abords du centre de détention avec les détenus de Holmot, et avec l’aide de la Bina Mekhina voisine et du groupe ‘Rabbins pour les droits de l’Homme’. Une page Facebook a été créée pour mobiliser autour de l’événement et organiser des trajets en bus depuis Tel Aviv et Beer Sheva. L’objectif, dit Friehmann, était de faire venir le plus de monde possible à Holot pour voir les conditions de vie là-bas et entendre les histoires des résidents.

« C’est vraiment important de mon point de vue que les gens aillent à Holot et qu’ils constatent par eux-mêmes en voyant ce à quoi ressemble l’endroit. Qu’ils écoutent les gens parler et raconter leurs histoires parce que ce n’est pas un sujet dont on parle beaucoup », estime Friehmann. « Je crois vraiment que lorsque les gens disposeront des informations et rencontreront les demandeurs, la situation sera différente ».

Des Israéliens et des demandeurs d'asile africains lors d'une fête de Pessah aux abord du centre de détention de Holot dans le sud d'Israël, le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)
Des Israéliens et des demandeurs d’asile africains lors d’une fête de Pessah aux abord du centre de détention de Holot dans le sud d’Israël, le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israël)

Environ 250 personnes ont assisté à cet événement, qui a eu lieu dans la soirée de jeudi, en compagnie de dizaines de détenus de Holot. Le public a écouté les histoires racontées par les demandeurs d’asile et les militants, ils ont lu une Haggadah qui avait été spécialement préparée pour l’occasion, ils ont mangé et dansé sur des rythmes reggae lors d’une soirée également animée par des concerts en live.

Le moral était au beau fixe malgré le soleil féroce du désert et les nuages de poussière, qui recouvraient les visages des participants et dissimulaient par moment la silhouette des intervenants aux regards du public rassemblé.

« Aujourd’hui, je me sens bien. Je remercie vraiment la communauté israélienne », a dit Hagos Takle, qui a fui la conscription militaire en Erythrée et qui se trouve en Israël depuis six ans et demi, et à Holot depuis ces six derniers mois.

L’armée érythréenne recrute de force les adolescents, qui restent en service indéfiniment dans des conditions d’une brutalité extrême.

« Ce n’est pas le service national comme ils le décrivent, vous allez rester là-bas en fait. Vous n’avez pas assez d’argent, vous manquez de tout, vous n’avez rien à manger », dit Takle.

Takle indique qu’il a observé des similarités entre l’histoire de Pessah et la tragédie des réfugiés érythréens.

Hagos Takle, demandeur d'asile originaire d'Erythrée, aux abords du centre de détention de Holot, le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)
Hagos Takle, demandeur d’asile originaire d’Erythrée, aux abords du centre de détention de Holot, le 6 avril 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israël)

« Ils ont été des esclaves en Egypte pendant de longues années et ils ont su dépasser cette vie si dure », constate-t-il. « Les citoyens érythréens sont dans la même situation. Ils vivent sous la dictature. Ils sont prisonniers au coeur de leur pays », dit-il.

Ali Hassan Salih, qui a fui le génocide au Darfour et s’est adressé au public rassemblé lors de cet événement, a indiqué qu’il avait été inspiré par la fête.

« Cela me dit aussi que je peux me battre parce que les Juifs à l’époque, souffraient beaucoup et ils se sont battus jusqu’à gagner leur liberté », a estimé Hassan Salih.

Mohamed Yagoub, également originaire du Darfour, se trouve à Holot depuis neuf mois. La fête de Pessah lui a redonné de l’espoir, mais il a appelé le gouvernement israélien à se saisir du problème et à offrir aux réfugiés l’opportunité de vivre et de travailler dans le pays.

« Nous sommes tellement heureux et contents de nous trouver auprès de tous les Israéliens, on se dit : ‘Génial, il a des gens qui s’intéressent vraiment à ce qu’on vit' », a expliqué Yagoub. « Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’il y a un espoir mais nous avons besoin qu’il se concrétise », a-t-il ajouté avant de retourner vers les cercles de danseurs.

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