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Dans “Napalm”, Claude Lanzmann amoureux transi 60 ans après

Dans son dernier film, le réalisateur de Shoah raconte son amour éperdu pour une infirmière nord-coréenne rencontrée en 1958

La photographe Iris van der Waard, à droite, et le réalisateur français Claude Lanzmann, au centre, avant la projection du film "Napalm" au 70 e festival de Cannes, le 21 mai 2017. (Crédit : Alberto Pizzoli/AFP)
La photographe Iris van der Waard, à droite, et le réalisateur français Claude Lanzmann, au centre, avant la projection du film "Napalm" au 70 e festival de Cannes, le 21 mai 2017. (Crédit : Alberto Pizzoli/AFP)

Dans Le Lièvre de Patagonie, le roman de sa vie paru en 2009, le réalisateur de « Shoah », Claude Lanzmann, levait le voile sur une passion amoureuse en Corée du Nord, en 1958 : avec « Napalm », son dernier film, le réalisateur de « Shoah » raconte plein cadre cette fulgurante romance qui, à 91 ans, le bouleverse toujours.

Elle s’appelait Kim Kum-sun. Elle était l’une des infirmières de la Croix Rouge de Pyongyang, chargée pendant une semaine de lui faire des piqûres de vitamines. Peut-être est-elle encore en vie. Claude Lanzmann qui l’a aimée il y a près de soixante ans, ne cherche pas à le savoir, préférant se souvenir de son indicible beauté.

Présenté dimanche parmi les séances spéciales du 70e Festival de Cannes, « Napalm » est le récit sur grand écran de cette « brève rencontre », selon l’expression de Claude Lanzmann.

En 1958, l’écrivain et cinéaste qui a été membre des jeunesses communistes, se rend en Corée du Nord, avec une délégation d’intellectuels : « J’ai été profondément hostile à cette guerre de Corée. Me rendre dans ce dernier bastion du stalinisme ne me gênait pas outre mesure », raconte-t-il dans le film, dont il est aussi le narrateur. Il dit avoir tourné sans autorisation en 2016 à Pyongyang.

L’infirmière et le délégué français ne peuvent communiquer que par dessins et gestes. Par hasard, ils se découvrent un seul mot que chacun d’eux comprenait : « napalm ». La jeune femme cache sous son corsage des traces de brûlures occasionnées alors qu’elle fuyait les combats, quelques années plus tôt.

Claude Lanzmann (Crédit: Festival International du film à Haïfa)
Claude Lanzmann (Crédit: Festival International du film à Haïfa)

‘Le pays où le temps s’est arrêté’

« Ce fut une brève rencontre. Et, comme dans le film de David Lean, cette histoire d’amour ne fut pas consommée. Pas parce que j’étais un puritain, mais parce que nous avons été empêchés ! », raconte Claude Lanzmann.

« C’est mon histoire. C’est à moi de la raconter. C’est à moi de la filmer, et à personne d’autre… », ajoute l’écrivain qui, seul face à la caméra, raconte cette idylle avec des baisers « à pleines bouches, brutalement, sauvagement ». « C’était bouleversant et inattendu », se souvient Claude Lanzmann.

La police politique de l’époque découvrira leur histoire. L’infirmière sera emmenée sans ménagement pour interrogatoire. L’écrivain français, proche de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, jouera de tout son poids pour la défendre, menaçant même de faire une mauvaise publicité à la Corée du Nord. Il pense avoir été entendu : quelques mois plus tard, il a reçu une carte postale de Kim Kun-sun lui assurant qu’elle allait bien. Ils ne se sont jamais revus.

Au début du film, Claude Lanzmann rappelle, images d’archives à l’appui, que trois millions de litres de napalm ont été déversés par l’armée américaine entre 1950 et 1953 sur la Corée du Nord, « pays où le temps s’est arrêté ».

« La Corée du Nord n’est pas l’axe du mal selon George W. Bush », a confié récemment à l’AFP le réalisateur. « Quand on comprend ce qu’a été la guerre de Corée, on est agréablement surpris de voir où ils en sont maintenant ».

« J’aurai 92 ans en novembre. Kim Kum-sun, je ne sais pas… », dit Claude Lanzmann. « Si par extraordinaire elle voyait le film, mais je ne peux pas même imaginer que ce soit possible, je ne le saurais probablement jamais ».

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