Dans son 1er discours, Lapid appelle à l’unité contre « la violence et la malveillance »
Le Premier ministre a expliqué que l’extrémisme "passait de l’arène politique à la rue" et a donné sa vision d'une "démocratie libérale" et affirmé qu’Israël souhaitait la paix
Yair Lapid a donné sa première allocution télévisée en tant que Premier ministre, samedi soir, dénonçant les discours « extrêmes, violents et pernicieux » des milieux politiques israéliens et appelant à l’unité et à un débat public respectueux, avant les cinquièmes élections du pays en moins de trois ans et demi.
S’exprimant depuis son bureau de Premier ministre à Jérusalem, Lapid a déclaré qu’Israël souhaitait la paix avec les Palestiniens, mais prendrait des mesures résolues contre toute entité « qui chercherait à nous anéantir », évoquant spécifiquement la lutte contre le programme nucléaire iranien.
Lapid, qui a succédé à Naftali Bennett vendredi et est devenu le 14e Premier ministre d’Israël suite à la dissolution de la Knesset, assurera ses fonctions à titre intérimaire jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé, à l’issue des élections du 1er novembre. Toutefois, il n’est pas impossible que ce scrutin soit infructueux et prolonge l’impasse politique dans laquelle se trouve englué le pays depuis plusieurs années.
« L’État d’Israël est plus grand que nous tous. Plus important que n’importe lequel d’entre nous. Il existait avant nous, et continuera à exister longtemps après nous », a-t-il déclaré samedi, ajoutant que « nous devons privilégier le bien commun, tout ce qui nous unit. Les désaccords ne disparaîtront pas : la question est de savoir comment les gérer, et nous assurer que ce ne sont pas eux qui nous guident. »
« Notre grand défi consiste à identifier pour quelle raison, alors que les sujets importants font l’objet d’un large consensus, les niveaux de haine et d’anxiété au sein de la société israélienne sont si élevés ? Pourquoi la polarisation est-elle plus menaçante que jamais ? », a-t-il poursuivi.
« La réponse est : la politique. En Israël, l’extrémisme ne part pas de la rue pour innerver le milieu politique. C’est tout le contraire. Il coule comme de la lave du milieu politique jusqu’à la rue. La sphère politique est de plus en plus extrême, violente et pernicieuse, et elle entraîne toute la société israélienne dans son sillage. Nous devons y mettre un terme. C’est notre défi. » Il s’agit manifestement d’une référence aux méthodes du chef de l’opposition Benjamin Netanyahu, qui a mené une campagne brutale contre le gouvernement de coalition qui l’a évincé du pouvoir il y a un an, et particulièrement contre la présence du parti islamiste Raam.
Lapid a ouvert son discours en remerciant son prédécesseur Bennett, avec lequel il avait conclu un accord de partage du pouvoir, pour cette « transition ordonnée du pouvoir ».
« Je tiens tout d’abord à remercier le 13e Premier ministre de l’État d’Israël, Naftali Bennett. Pour sa décence, son amitié et pour avoir permis au gouvernement de prendre des mesures économiques et sécuritaires inédites ces derniers mois », a-t-il déclaré, le remerciant « d’avoir permis aux citoyens d’Israël d’assister à une passation de pouvoir ordonnée entre personnes fiables et respectueuses des accords passés ».
Il s’agit là d’une pique contre Netanyahu, qui avait violé un accord de transfert de pouvoir en 2020, avec Benny Gantz, et qui, l’année dernière, avait limité à sa plus simple expression – 30 minutes – la réunion de transition avec le Premier ministre qui lui succédait.
Lapid a exposé ce qu’il estime être l’objectif commun des Israéliens : « un Israël juif, démocratique, libéral, grand, fort, moderne et prospère ».
« Nous sommes convaincus qu’Israël doit être une démocratie libérale, au sein de laquelle chaque citoyen a le droit d’exprimer son souhait de changer de gouvernement et fixer le cours de sa vie. Personne ne peut être privé de ses droits fondamentaux : le respect, la liberté, la liberté de choisir son emploi et le droit à la sécurité personnelle », a-t-il assuré.
« Nous réaffirmons qu’Israël est un État juif », a-t-il ajouté. « Son caractère est juif. Son identité est juive. Les relations qu’il entretient avec ses ressortissants non juifs sont juives par nature. Le livre du Lévitique dit : « L’étranger qui vit avec toi sera pour toi comme celui qui sera né avec toi, et tu l’aimeras comme toi-même. »
« Nous sommes convaincus que l’économie israélienne doit être fondée sur les principes de l’économie de marché, la créativité et le dynamisme technologique. Notre rôle est aussi de protéger ceux qui n’ont rien. D’offrir une chance équitable à tous les enfants, où qu’ils se trouvent. »
Tranchant radicalement avec la position de Netanyahu sur les pourparlers de paix avec les Palestiniens, Lapid a affirmé que « nous croyons que tant que sa sécurité est assurée, Israël est un pays qui souhaite la paix. Israël tend la main à tous les peuples du Moyen-Orient, y compris les Palestiniens, et dit : le temps est venu pour vous de reconnaître que nous ne partirons pas, alors apprenons à vivre ensemble ».
Évoquant les accords de normalisation signés avec les pays arabes par le dernier gouvernement en date de Netanyahu et la perspective d’accord similaires, Lapid a assuré que « nous pensons le plus grand bien des accords d’Abraham, de cette dynamique sécuritaire et économique créée lors du Sommet du Neguev avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, l’Égypte et le Maroc. Les accords à venir apporteront les mêmes bénéfices. »
Un accord serait d’ailleurs en préparation avec l’Arabie saoudite, le président américain Joe Biden devant effectuer un déplacement dans les deux pays en juillet.
Lapid a rendu hommage à « notre plus grand ami et allié, les États-Unis », et s’est engagé à inviter la communauté internationale à s’investir dans la « lutte contre l’antisémitisme et la délégitimation d’Israël ».
Lapid a déclaré que la principale menace contre Israël était l’Iran, promettant « de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher l’Iran d’acquérir une capacité nucléaire ou s’installer à nos frontières ».
« Je dis à tous ceux qui souhaitent notre mort, de Gaza à Téhéran, des côtes du Liban à la Syrie : ne venez pas nous chercher. Israël sait parfaitement utiliser sa force contre toutes les menaces, contre tous ses ennemis », a-t-il averti.
Le Likud de Netanyahu a réagi au discours de Lapid par une publication, affirmant qu’il n’avait pas réussi à faire face à la hausse « folle » des prix au cours de l’année écoulée et qu’il essayait de « dissimuler le fait que le seul gouvernement à sa portée impliquait les Frères musulmans et la Liste arabe unie ». Le parti à prédominance arabe de la Liste arabe unie n’a jamais fait partie d’un gouvernement de coalition en Israël.
« Vendredi, nous avons appris qu’il avait envoyé sa cheffe de cabinet, Naama Schultz, au Conseil de la Choura [du Mouvement islamique] avec un chèque en blanc », affirme le communiqué du Likud, évoquant les propos de l’ex-conseillère diplomatique de Bennett concernant l’organisme musulman auquel participe le parti Raam.
« Ce type de gouvernement hypothèque la sécurité d’Israël », a déclaré le Likud.
« Nous avons le choix entre un gouvernement Lapid soumis au chantage, avec dans ses rangs les Frères musulmans et la Liste arabe unie, et un gouvernement national fort dirigé par Netanyahu et le Likud, susceptible de rendre l’espoir à Israël. »
Le Likud a également reproché à Lapid de ne pas avoir précisé que les accords d’Abraham avaient été signés du temps du gouvernement Netanyahu, fait valoir que Lapid avait « entretenu un silence assourdissant » autour de la menace iranienne au cours de l’année écoulée et affirmé que les discours et actes de Lapid avaient été sources de division.