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Dans un cimetière de Long Island, des familles veulent identifier leurs défunts

Dans le cimetière de l'ancien hôpital psychiatrique de Central Islip, les tombes ne portent que des numéros ; une école de droit juive aide les familles à retrouver leurs proches

  • Un nombre sur une tombe juive, à gauche, à l'ancien centre psychiatrique Central Islip Psychiatric de Long Island, à New York. Une pierre a été rajoutée à droite après que l'hôpital a commencé à travailler avec une entreprise juive de pompes funèbres. (Crédit : Patricia Desrochers/Touro Law Center/ via JTA)
    Un nombre sur une tombe juive, à gauche, à l'ancien centre psychiatrique Central Islip Psychiatric de Long Island, à New York. Une pierre a été rajoutée à droite après que l'hôpital a commencé à travailler avec une entreprise juive de pompes funèbres. (Crédit : Patricia Desrochers/Touro Law Center/ via JTA)
  • Les membres du club réservé aux hommes du centre juif de Port Jefferson, à New York, lors d'une cérémonie dans la section juive du cimetière de ce qui a été le centre psychiatrique Central Islip, le 11 novembre 2021. (Crédit : Ray Cella/ via JTA)
    Les membres du club réservé aux hommes du centre juif de Port Jefferson, à New York, lors d'une cérémonie dans la section juive du cimetière de ce qui a été le centre psychiatrique Central Islip, le 11 novembre 2021. (Crédit : Ray Cella/ via JTA)
  • Dans le cimetière juif de l'ancien hôpital psychiatrique Central Islip de Long Island, des petites pierres, certaines n'arborant que des nombres, marquent les tombes d'un grand nombre de patients enterrés là. (Crédit : Patricia Desrochers/Touro Law Center/ via JTA)
    Dans le cimetière juif de l'ancien hôpital psychiatrique Central Islip de Long Island, des petites pierres, certaines n'arborant que des nombres, marquent les tombes d'un grand nombre de patients enterrés là. (Crédit : Patricia Desrochers/Touro Law Center/ via JTA)

New York Jewish Week via JTA — En faisant des recherches sur son arbre généalogique, Brian Madigan, qui habite Locust Grove, en Virginie, a découvert quelque chose d’étrange : si son arrière-arrière grand-père maternel avait vécu à Brooklyn toute sa vie, il avait été enterré à East Islip, à Long Island, à New York.

Des recherches plus poussées lui ont permis d’apprendre que son aïeul, Napoleon Hedemark, avait été interné au sein du Centre psychiatrique de Central Islip vers 1900. Il s’y était éteint en date du 21 novembre 1916 à l’âge de 72 ans. Il avait été enterré dans son cimetière, sa stèle n’arborant qu’un simple numéro.

Il y a plusieurs semaines, Madigan a rédigé un courrier adressé au bureau de la santé psychique de l’État de New York demandant une copie « de tout le dossier » de son parent pour en savoir davantage sur les circonstances de son internement, sur le lieu exact de sa tombe et pour obtenir une copie de sa photographie.

« Je cherche simplement, en quelque sorte, à tourner la page », a expliqué Madigan, âgé de 63 ans. « J’ai l’intention d’aller là-bas et je voudrais savoir où se trouve sa tombe pour pouvoir y installer une plaque de commémoration qui précisera son nom. Je n’arrive pas à me faire à l’idée que la tombe d’un de mes ancêtres puisse ne pas indiquer qui il était. »

Heureusement pour Madigan, entrepreneur dans le secteur de la défense, un accord qui avait été reporté à deux occasions a finalement été conclu entre une école de droit affiliée à la communauté juive et le Bureau de la santé psychique de l’État de New York. Avant que la pandémie de COVID-19 ne frappe les États-Unis, ils avaient convenu de s’occuper des portions non-juives et juives du cimetière et de venir en aide aux proches des personnes qui y ont été inhumées.

Pour Napoleon Hedemark et les autres malades enterrés dans le cimetière, c’est enfin l’opportunité de retrouver dans la mort la dignité qu’ils avaient pu avoir perdu au cours des 120 ans d’existence de cet hôpital psychiatrique – qui avait été l’un des plus importants de tous les États-Unis. Parmi ces défunts sans identité, des survivants de la Shoah, qui ont ainsi été privés de nom en faveur d’un numéro pour la seconde fois.

C’est Sam Levine, directeur de l’Institut du droit juif au sein du Touro Law Center – construit sur une partie des terrains qui étaient occupés par l’hôpital psychiatrique après la fermeture de ce dernier, en 1998 – qui a conseillé à Madigan de se tourner vers l’État. De l’établissement de soins qui avait ouvert ses portes en 1889, il ne reste dorénavant que les tombes. Ce sont environ 5 500 anciens patients qui ont été inhumés dans ce cimetière – des malades qui avaient été accueillis à Central Islip mais aussi par deux autres établissements psychiatriques, Kings Park et Pilgrim State. Quand l’hôpital psychiatrique de Central Islip a fermé ses portes, l’État avait clôturé le cimetière et restreint l’accès au public, s’engageant à entretenir les lieux, à tondre les herbes folles et à nettoyer les tombes.

Peu après l’ouverture du Touro Law Center, en 2007 – une école de droit « conforme à la tradition juive » – Ken Rosenblum, qui était alors le vice-doyen aux admissions de l’établissement, avait aperçu une clôture rouillée à l’extrémité du parking.

Se frayant un chemin dans les herbes hautes, il avait commencé à marcher dans un champ qui lui avait paru vide avant de réaliser qu’il marchait sur des tombes et sur des pierres rectangulaires, à même la terre, qui portaient des noms. Il avait alors vu deux portes en fer recouvertes de plantes grimpantes. Elles étaient toutes deux ornées d’une étoile de David.

Alors que Rosenblum avait ignoré, jusque-là, qu’il y avait un cimetière juif accueillant 500 tombes dans l’arrière-cour du Touro Law Center, d’autres s’en étaient souvenus. La section juive avait été consacrée en 1980 par le rabbin Melvyn Lerer, ancien aumônier juif du centre psychiatrique. Ce dernier avait soulevé des fonds pour restaurer le cimetière, y installer le portail décoré des étoiles de David et acheter des stèles appropriées pour les futurs malades – ils devaient être une centaine jusqu’à la fermeture de l’hôpital.

Un nombre sur une tombe juive, à gauche, à l’ancien centre psychiatrique de Central Islip de Long Island, à New York. Une pierre a été rajoutée à droite après que l’hôpital a commencé à travailler avec une entreprise juive de pompes funèbres. (Crédit : Patricia Desrochers/Touro Law Center/via JTA)

Ben Etkin, président du club regroupant les hommes au sein du Centre juif de North Shore, à Port Jefferson, sur Long Island, explique que, chaque année depuis trente ans, son club organise une cérémonie dans la section juive du cimetière – récitant le Kaddish pour tous les défunts qui y reposent.

« Nous n’avons jamais raté un minyan. Personne ne dit le kaddish pour ces gens », dit-il. « Nous nous y rendons tous les ans, après les grandes fêtes. On marche dans le cimetière, on nettoie certaines stèles qui sont recouvertes. Et on raconte des anecdotes. Les personnes qui sont enterrées là-bas le méritent. C’est honteux de les avoir enterrées en ne les désignant que par un nombre. »

Jusqu’à il y a quelques années, Lerer, qui se rendait à ce rituel annuel, faisait souvent remarquer que les individus inhumés dans le cimetière avaient été oubliés dans la vie comme dans la mort, dit Levine.

Les membres du club réservé aux hommes du centre juif de Port Jefferson, à New York, lors d’une cérémonie dans la section juive du cimetière de ce qui a été le centre psychiatrique Central Islip, le 11 novembre 2021. (Crédit : Ray Cella/via JTA)

Dans un entretien, Lerer, qui a maintenant 92 ans, s’interroge sur la manière dont un si grand nombre de patients se sont ainsi retrouvés enterrés dans le cimetière d’un hôpital sans même un nom leur permettant de rappeler qui ils étaient. « La plus grande partie d’entre eux n’avaient plus de famille », suppose Lerer, qui a pris sa retraite en 2018 après avoir été aumônier, pendant 42 ans, au sein de Pilgrim State et de Central Islip. « Nombreux étaient ceux qui, parmi eux, étaient internés à l’hôpital depuis 40, 50 ou 60 ans, et ils étaient parfois les seuls survivants de leurs familles. »

Certaines familles avaient aussi « honte d’avoir un parent interné dans un hôpital psychiatrique, et elles ne voulaient donc pas réclamer le corps. En ce qui me concerne, j’organisais les funérailles avec la Hevra Kadisha [société de pompes funèbres] de Shomrei Hadas Chapels, à Borough Park. Lors de toutes ces funérailles, il n’y avait que moi, le défunt et l’employé chargé de creuser la tombe ».

Embauché à Central Islip en 1976, Lerer avait rencontré le vice-directeur de l’hôpital. Une section juive dans le cimetière avait été rapidement mise à disposition à sa demande.

Par la suite, tout défunt enterré au cimetière juif avait eu droit à une stèle arborant une étoile juive, son nom en anglais, les dates de naissance et de décès en hébreu et en anglais ainsi que les mots en hébreu : « Puissent leurs âmes se lier dans le lien de la vie éternelle. »

Dans le cimetière juif de l’ancien hôpital psychiatrique Central Islip de Long Island, des petites pierres, certaines n’arborant que des nombres, marquent les tombes d’un grand nombre de patients enterrés là. (Crédit : Patricia Desrochers/Touro Law Center/via JTA)

Au mois d’octobre 2013, l’école de droit et l’État ont signé l’accord par lequel le bureau de la santé psychique acceptait de restaurer le cimetière et d’aider les proches des personnes inhumées sous un seul numéro. Le projet a été retardé pendant un certain nombre d’années avant d’être à nouveau d’actualité en 2019.

Il devait y avoir « un gros événement où nous aurions installé une plaque de commémoration historique dans le cimetière, mais la COVID est arrivée et cela n’a plus été une priorité », explique Levine.

James Plastiras, porte-parole du Bureau de la santé psychique, note que ce projet est une nouvelle fois en cours et qu’au cours de la cérémonie prévue, la plaque de commémoration sera installée et qu’une allée préexistante sera par ailleurs pavée.

Il poursuit en affirmant que les familles ont tout à fait le droit d’installer des plaques approuvées au préalable sur les tombes de leur parent « une fois que la lignée directe a été établie » par le département des registres des instances de supervision.

Rosenblum, qui est aujourd’hui à la retraite, fait remarquer que certains défunts inhumés dans le cimetière étaient des survivants de la Shoah.

« J’ai été tellement ému de m’impliquer dans ce cimetière quand j’ai appris que des survivants de la Shoah y étaient enterrés », dit Rosenblum. « C’est l’une des raisons expliquant pourquoi je me suis investi à ce point pour trouver des financements pour une nouvelle et belle clôture… Nous voulons pouvoir paver l’allée centrale et installer des bancs, de façon à ce que nos élèves puissent utiliser ces lieux pour réfléchir dans le calme – l’accès au public sera limité. »

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