Deborah Lipstadt : L’administration Trump ‘flirte’ avec le déni de l’Holocauste
La spécialiste de l’Holocauste déclare que si l’omission des Juifs dans le communiqué de la Maison Blanche peut être une erreur, le refus d’y faire des corrections envoie des signaux 'profondément perturbants’'
Un professeur en études de l’Holocauste à la Emory University d’Atlanta a accusé l’administration Trump de « flirter avec la négation de l’Holocauste » en ne mentionnant pas les Juifs dans son communiqué émis lors de la Journée Internationale de l’Holocauste – puis en refusant de reconnaître cette erreur.
Deborah Lipstadt, écrivant dans The Atlantic, dit que tandis que l’omission initiale pouvait être mise sur le compte d’une erreur, l’insistance livrée pour regrouper les Juifs aux côtés des autres victimes du régime nazi est « ce que je qualifie de déni ‘mou’ de l’Holocauste… Cela ne nie pas les faits, mais cela les minimise ».
Dans son article, Lipstadt explique que si des millions d’innocents ont été tués par les nazis et par leur politique, aucune communauté n’a été persécutée de manière si systématique et industrielle et avec autant de précision que ne l’a été la communauté juive.
« Une seule destruction ne pouvait pas attendre la fin de la guerre : celle des Juifs. Il n’y a que pour les Juifs que les priorités de la guerre pouvaient passer au second plan » si cela pouvait faire avancer la cause de l’extermination, dit-elle.
Lipstadt, personnage principal du film « Denial », sorti en 2016, qui raconte la bataille juridique qu’elle a menée contre l’historien négationniste David Irving dans les années 1990, accuse la Maison Blanche d’adopter le langage des négationnistes ‘mous’, qui cherchent à nier le statut unique des Juifs durant l’Holocauste.
Elle note l’affinité qui lie certaines personnalités au sein de l’administration Trump – en particulier le stratège en chef de Trump, Stephen Bannon – au mouvement de l' »alt-right », qui a fait sien le nationalisme qui prévaut actuellement dans certaines parties de l’Europe.
« Cela pourrait être une erreur commise par une nouvelle administration qui répugne à reconnaître qu’elle a eu tort », écrit-elle.
« Mais cela peut être aussi une tentative consciente de la part de personnalités qui entretiennent des sympathies avec l’antisémitisme de réécrire l’histoire. Dans les deux cas, c’est profondément perturbant ».
Lundi, le porte-parole de la Maison Blanche a riposté aux critiques émises au sujet de ce communiqué, affirmant qu’il était « pathétique que des gens puissent ‘pinailler’ sur les efforts livrés par le président pour mettre en lumière le souvenir de la tragédie.
« L’idée que vous puissiez pinailler sur une déclaration qui cherchait seulement à souligner l’événement tragique qui est survenu et qui a fait tant de morts est simplement ridicule », a déclaré Sean Spicer.
Vendredi, l’administration avait fait paraître un communiqué de presse en hommage aux victimes de la Shoah mais sans mentionner spécifiquement les 6 millions de Juifs qui ont été pris pour cible et assassinés par l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler, une omission qui avait suscité des critiques de la part, notamment, de groupes juifs.
Le président de l’ADL, Jonathan Greenblatt, avait rapidement déclaré que l’ouli du génocide juif, central dans l’entreprise d’extermination nazie, dans le communiqué en 117 mots rédigé par l’administration était « déconcertant et troublant ».
Cette déclaration de Trump, avait indiqué Greenblatt, « omet le fait qu’il y a eu six millions de Juifs qui ont été assassinés et pas seulement des ‘gens innocents' ».
Cette omission a également créé une frustration chez les membres de la communauté juive qui avaient rallié le président.
La Zionist Organization of America (ZOA), pro-Trump à une écrasante majorité, a publié un communiqué émanant de son président, Morton Klein, qui indiquait que le groupe « était contraint d’exprimer son chagrin et sa profonde souffrance au président Trump en raison du message transmis à l’occasion de la Journée internationale de l’Holocauste, et dans lequel il ne fait aucune mention de l’antisémitisme et des six millions de Juifs qui ont été visés et assassinés par le régime nazi allemand et d’autres ».
Et le porte-parole de la coalition des Juifs au sein du mouvement républicain a déploré « l’omission malheureuse que représente l’absence d’une déclaration directe sur les souffrances du peuple juif durant l’Holocauste ».
Interrogé sur ces réactions violentes lors de sa conférence de presse quotidienne, Spicer a affirmé que la Maison Blanche ne voyait aucune erreur dans le message qui a été transmis, ajoutant qu’il était déçu par les plaintes.
« Le président a voulu reconnaître l’Holocauste et les souffrances qui ont marqué cette période, ainsi que les populations qui ont été touchées et ceux qui ont perdu la vie ».
« Il a voulu s’assurer que l’Amérique n’oubliera jamais ce que tant de gens ont dû traverser, qu’ils soient juifs, gitans, homosexuels, handicapés ou prêcheurs”, a-t-il indiqué.
Eric Cortellessa et JTA ont contribué à cet article.