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Des allégations de harcèlement sexuel secouent un groupe féministe juif orthodoxe

Une série d'accusations contre Bat Sheva Marcus, l'ancienne présidente du conseil d'administration de la JOFA, est restée sous silence pendant de nombreuses années

Sexologue , le Dr Bat Sheva Marcus, directrice clinique du Maze Women's Sexual Health de New York. (Crédit: Nosrat Mulla)
Sexologue , le Dr Bat Sheva Marcus, directrice clinique du Maze Women's Sexual Health de New York. (Crédit: Nosrat Mulla)

JTA — Pendant des années, deux anciennes directrices exécutives d’un groupe pionnier de féministes juives orthodoxes ont cru qu’elles avaient été victimes de représailles pour avoir notifié leurs inquiétudes concernant le comportement de la présidente du conseil d’administration du groupe, une éminente sexologue qui avait fait l’objet d’un portrait élogieux dans le New York Times.

Elles avaient rapporté des faits d’intimidation présumée, de commentaires dégradants sur leur apparence, de propos sexuels inappropriés et, pour l’une d’entre elles, de l’expérience inconfortable de se voir offrir – par sa patronne – un vibromasseur non sollicité.

Mais alors même que le mouvement #MeToo ratisse le pays, suscitant révélation après révélation sur le harcèlement et les abus au travail, les femmes sont restées publiquement silencieuses. Elles avaient promis de ne pas révéler leurs expériences ou leurs allégations lorsqu’elles ont quitté la Jewish Orthodox Feminist Alliance, l’une après avoir été licenciée et l’autre après avoir démissionné avec le cœur lourd.

Selon les promesses qu’elles ont faites dans leurs accords de séparation, connus sous le nom d’accords de non-divulgation ou NDA, les femmes seraient passibles de conséquences juridiques si elles dénigraient leur ancien employeur, même « de manière anonyme ou d’une quelconque autre façon ».

Puis, lundi, la sexologue Bat Sheva Marcus a révélé toute la saga dans un article enflammé publié sur Tablet.

Dans son texte, elle décrit une ancienne employée nommée « Sarah » qui, selon Marcus, l’a accusée de harcèlement au travail suite à de « légères remarques » qui ont été démesurées, ce qui a eu pour conséquence l’ouverture d’une enquête extérieure sur sa direction à la JOFA et l’a conduite à démissionner de son poste de présidente du conseil d’administration.

L’article a mis la JOFA à mal, soulevant des interrogations sur ce groupe fondé au départ pour fragiliser la dynamique de genre oppressive, accusé d’avoir finalement contribué à la renforcer. Certaines personnes ayant des liens avec la JOFA reconsidèrent ainsi la question. Entre-temps, la pression a augmenté sur une yeshiva orthodoxe moderne libérale pour qu’elle se distancie de Marcus, qui siège à son conseil d’administration et co-anime, avec son rabbin en chef, un podcast axé sur le sexe.

Alors que de plus en plus de comptes critiques sur le comportement de Marcus et d’expressions de solidarité avec « Sarah » s’ouvraient sur Facebook, la JOFA a annoncé qu’elle renoncerait à exiger des NDA pour les employés qui les quittent.

« La semaine dernière nous a amenées, une fois de plus, à nous poser des questions difficiles. S’il est vrai que nous avons utilisé des accords de non-divulgation dans les accords de séparation, nous ne les avons jamais appliquées. Nous comprenons maintenant que cela ne suffit pas », a déclaré Pam Scheininger, présidente de la JOFA, dans un communiqué publié mercredi sur le site Web du groupe qui ne mentionnait pas Marcus par son nom. « Nous reconnaissons qu’une partie de la guérison consiste à affirmer sans équivoque que les gens ont le droit de dire leurs vérités. »

Cela a permis à Sharon Weiss-Greenberg, qui a été directrice exécutive de la JOFA de 2014 à 2018, de confirmer qu’elle était la personne nommée « Sarah ».

Elle a déclaré à la Jewish Telegraphic Agency qu’elle n’avait jamais parlé publiquement de son expérience auparavant en raison de la NDA qu’elle avait signée en quittant le groupe féministe. Mais tout en reconnaissant que le texte de Marcus décrivait ce qu’elle avait vécu, elle a déclaré que les détails du texte et les déclarations de la JOFA étaient inexacts et a précisé qu’elle avait demandé réparation pendant de nombreuses années, inlassablement rejetée par le conseil d’administration.

« J’essayais, tout le temps, de les aider à faire les bons choix », a déclaré Weiss-Greenberg. (De 2020 à 2021, elle a travaillé sur The Hub, un portail d’événements en ligne chez My Jewish Learning, qui, comme la JTA, fait partie de 70 Faces Media.) « Il y a un journal #MeToo créé par la JOFA », a déclaré Weiss-Greenberg. « Une partie de moi pensait que si nous écrivions sur les comportements qui se produisaient dans notre propre organisation, nous nous réveillerions. J’avais tort. »

L’ancienne directrice de la Jewish Orthodox Feminist Alliance (JOFA), Dr. Sharon Weiss-Greenberg. (Autorisation)

Dans une longue déclaration que Weiss-Greenberg a publiée sur Facebook mercredi, elle a déclaré qu’elle espérait que le conseil d’administration de la JOFA, dont certains membres ont servi depuis la fondation du groupe en 1996, ferait l’objet d’un examen minutieux pour leur traitement des allégations contre Marcus.

« Si nous ne pouvons pas résoudre ces problèmes parmi les conseils d’administration qui prétendent hisser haut cette bannière féministe, nous ne pouvons espérer les résoudre dans le reste du monde », a-t-elle écrit. « Nous devons regarder en face certains membres de la direction juive et leur demander droit dans les yeux : êtes-vous vraiment, réellement une féministe ? Défendez-vous réellement les femmes, pour leurs droits et lorsqu’elles sont lésées ? Malheureusement, mon expérience au conseil d’administration de la JOFA a souvent révélé un non retentissant. »

Weiss-Greenberg n’était pas la seule à avoir signalé ce qu’elle a qualifié de « comportement abusif » de la part de Marcus, qui a été la présidente du conseil d’administration. En tant que directrice générale, elle avait tout pouvoir sur sur son emploi et la totalité de la direction de l’organisme.

« Ce n’est pas seulement ‘Sarah’ qui a été abusée par Batsheva Marcus. Il y a toute une lignée de femmes qu’elle a maltraitées par sa force d’intimidation et sa toxicité anti-féministes au fil des années, moi y compris », a écrit sur Facebook lundi, Elana Sztokman, qui a dirigé le groupe en 2013 et 2014. Dans un long texte sur Substack, Sztokman a déclaré qu’elle avait été licenciée le jour même où elle avait écrit une lettre au conseil d’administration de la JOFA signalant que Marcus « avait été émotionnellement violente pendant plus d’un an ».

Elle a dit que Marcus lui avait donné un vibromasseur après lui avoir posé une série de questions invasives sur sa vie sexuelle.

« Ce n’est ni gentil, ni stimulant, ni féministe », a écrit Sztokman au sujet de l’incident. « C’est envahissant, contrôlant et violant sexuellement. Parce que je n’y avais pas consenti. »

La penseuse féministe et auteure Elana Sztokman. (Crédit : Ingrid Muller)

La conviction de Marcus que les vibromasseurs sont un outil essentiel pour les femmes a été au cœur de sa carrière de sexologue travaillant avec de nombreuses femmes orthodoxes. En 2000, quatre ans après avoir aidé à fonder la JOFA, elle a co-fondé la clinique Maze Women’s Sexual Health, qui travaille à New York et dans le nord de l’État et prétend traiter plus de 1 000 femmes par an, dont beaucoup sont orthodoxes.

Marcus décrit son travail comme un traitement  du « dysfonctionnement sexuel féminin », qui consiste souvent à présenter aux femmes orthodoxes le concept de plaisir sexuel et à les aider à explorer leurs propres besoins sexuels dans le cadre des lois juives sur l’intimité entre maris et femmes.

Elle est également l’auteur d’un livre, Sex Points, et a fait de nombreuses conférences sur les questions de la sexualité féminine. (Ses nombreuses apparitions publiques comprenaient un Facebook Live et un épisode de podcast avec Kveller, le site Web parental juif qui fait également partie de 70 Faces Media.)

Marcus est une clinicienne agréé dont les titres de compétences comprennent un doctorat en sexualité humaine, qu’elle a obtenu en 2007 à l’Institute for Advanced Study of Human Sexuality, une institution non accréditée basée à San Francisco qui a fermé ses portes en 2018 après avoir reçu une série d’amendes du bureau de l’enseignement supérieur de Californie. Pour pouvoir écrire sa thèse de neuf pages, publiée sur le site Web de Maze, elle a fourni des vibromasseurs à 17 femmes qui n’en n’avaient jamais utilisé auparavant et a monitoré leur utilisation.

La distribution de vibromasseurs est quelque chose que Marcus a fait fréquemment en dehors de ses recherches – y compris, de son propre aveu, à ses associations professionnelles qui n’en n’avaient jamais fait la demande. Dans son essai, elle décrit avoir donné les objets à « un certain nombre de membres du conseil d’administration qui avaient manifesté leur intérêt », sans le demander au préalable : « Elles ont adoré le cadeau surprise, et l’une d’entre elles m’a dit qu’elle n’avait pas pu s’arrêter de rire en ouvrant la boîte. »

Marcus explique dans son texte qu’elle pense qu’il est important que les femmes puissent se parler librement de sexualité et qu’elle pensait que ‘Sarah’ avait apprécié et encouragé ces conversations. Elle dit également qu’elle a accepté d’aller plus loin dans une enquête indépendante après avoir été informée des allégations portées à son encontre et qu’elle avait finalement accepté de démissionner afin de sauver la réputation de la JOFA, même si elle pensait que « céder, c’est capituler face au chantage ».

Illustration : des participants à la réunion inaugurale de JOFA à Londres. (Autorisation de JOFA)

Marcus n’a pas répondu aux demandes de commentaires de la JTA. Scheininger non plus, mais elle a déclaré mercredi au Forward que « l’article de Tablet avait été publié à notre insu et sans notre approbation, et la JOFA ne soutient pas son contenu ni sur le fond ni sur la forme ».

Le rabbin Dov Linzer, président de l’école rabbinique Yeshivat Chovevei Torah (YCT), n’a pas non plus répondu à une demande de commentaire ; pas plus que son prédécesseur et fondateur de la yeshiva, le rabbin Avi Weiss.

Linzer est le co-animateur de Marcus sur un podcast axé sur le sexe, « The Joy of Text », que l’influent séminaire orthodoxe libéral du Bronx produit depuis plusieurs années. L’automne dernier, Chovevei Torah a nommé Marcus en tant que membre du conseil d’administration.

Le mari de Weiss-Greenberg, Ben Greenberg, a été nommé par la yeshiva et mène une campagne pour faire sortir Marcus du conseil d’administration. Il a dit qu’il avait essayé de faire en sorte que l’école reconnaisse les antécédents de comportement prétendument troublant de Marcus depuis novembre, lorsque sa nomination a été annoncée, et qu’il avait été frustré par un tel manque de réactivité.

« Il était temps d’appeler publiquement l’institution après avoir essayé en privé », a déclaré Greenberg à la JTA. On lui aurait rapporté que les membres du conseil d’administration de la YCT s’étaient réunis mardi soir pour discuter de Marcus et de son texte, mais qu’aucune décision n’avait été prise.

« Parfois, les endroits les plus proches de vous ont besoin que ceux qui y travaillent réagissent et disent : ‘Avez-vous conscience que vous faites de mauvaises choses et ce depuis longtemps ?’ », a ajouté Greenberg.

Asher Lovy, un défenseur des enfants ayant subi des abus sexuels dans la communauté orthodoxe, a déclaré à la JTA qu’il avait été informé du comportement de Marcus pour la première fois en 2018, alors qu’il travaillait avec la JOFA pour faire adopter la loi sur les enfants victimes dans l’État de New York.

La yeshiva Chovevei Torah, située au sein de l’institut hébraïque de Riverdale à New York, a été fondée en 2000 par le rabbin Avi Weiss. (Crédit : Yeshiva Chovevei Torah/JTA)

Au cours des années suivantes, il a déclaré avoir tenté de faire pression sur l’organisation pour qu’elle se distancie de Marcus et adopte une nouvelle politique anti-harcèlement. Mais il a déclaré que les NDA étaient un obstacle que son organisation, Za’akah, avait rencontré au sujet de d’autres personnes accusées d’abus dans le monde juif.

« J’ai essayé de trouver un moyen d’exposer la JOFA tout en protégeant les personnes qui avaient signé des accords de non-divulgation », a déclaré Lovy.

En 2019, selon Lovy, le réseau SRE, un groupe d’environ 150 organisations juives cherchant à créer des lieux de travail sûrs, respectueux et équitables dans le sillage du mouvement #MeToo, lui a demandé si Za’akah s’y joindrait. Parce que la JOFA était également membre, Lovy a dit que non – et a commencé à faire pression sur le SRE pour qu’il adopte une nouvelle politique pour forcer les membres à s’engager à ne pas utiliser les NDA ou les clauses de confidentialité.

De telles clauses sont standard dans de nombreux contrats de travail, mais elles sont devenues de plus en plus controversées ces dernières années alors que l’on s’intéresse de plus en plus à la prévalence et aux coûts du harcèlement et des abus au travail ; certains États sont allés jusqu’à les interdir. En 2020, après que plusieurs femmes ont accusé Mike Bloomberg, alors candidat à la présidence, de harcèlement sexuel, il a été révélé que les NDA les avaient empêchées de s’exprimer publiquement durant des décennies d’allégations.

Sztokman, Weiss-Greenberg et Lovy pensaient que le même phénomène s’était produit à la JOFA. La semaine dernière, suite à ce que Sztokman a qualifié d’ « expérience difficile mais cathartique » lors d’un entretien avec un représentant du réseau SRE, le groupe a contraint la JOFA à devenir un membre « inactif », supprimant son logo de son site Web. Il a également annoncé une nouvelle politique obligeant les organisations membres utilisant les NDA à ne pas les utiliser « pour empêcher les victimes de se manifester pour signaler des abus ou des fautes passés ou récentes par les canaux appropriés ».

C’est à ce moment-là que Scheininger a publié une première déclaration, reprise par Lovy, défendant l’utilisation des NDA mais reconnaissant les inquiétudes quant à leurs conséquences. Il a souligné que la JOFA n’avait jamais poursuivi un ancien employé pour violation des accords « bien que nous ayons pris connaissance de plusieurs rapports de violations ».

Le texte de Marcus est survenu six jours plus tard, laissant sans voix la communauté des féministes orthodoxes dans laquelle elle avait été une figure dominante pendant des décennies. (L’auteur de cet article a collaboré à un podcast avec Tablet Studios, une division de Tablet, où le texte de Marcus est paru.)

Les expressions de soutien à Weiss-Greenberg et Sztokman ont été vigoureuses au sein de la communauté, même si certains disent qu’ils veulent en savoir plus sur ce qui s’est passé avant de les condamner.

« Les organisations sont un réseau complexe d’individus », a écrit sur Facebook la rabbin Rachel Kohl Finegold, membre de l’équipe de la congrégation orthodoxe Shaar Hashomayim de Montréal, dans un message annonçant qu’elle se retirait, pour l’instant, du conseil informel qui édite le journal de la JOFA.

« J’espère que dans les semaines et les mois à venir, il y aura plus de clarté sur les personnes qui doivent assumer la responsabilité et leur niveau d’implication, ainsi que la manière dont la JOFA et d’autres organisations sont impliquées ici », a-t-elle écrit. « Jusqu’à ce moment-là, je garderai les expériences des victimes à l’esprit, tout en tachant de ne tirer d’autres conclusions publiques. »

C’est un coup dur pour la JOFA, dont la première conférence, en 1997, a été un moment marquant pour les féministes orthodoxes à une époque où les femmes avaient peu d’opportunités de leadership dans les congrégations et les communautés orthodoxes. Mais il arrive à un moment où son rôle est fébrile : ces dernières années, l’importance du groupe s’est estompée à mesure que l’espace qu’il s’était initialement taillé s’est de plus en plus assombri.

« Lorsque la JOFA a été fondée, elles étaient pratiquement les seules à représenter une voix collective pour le féminisme orthodoxe », a déclaré par e-mail à la JTA Kohl Finegold, l’une des principales voix du féminisme orthodoxe et la première femme orthodoxe à faire partie du clergé d’une synagogue au Canada. « De nos jours, il y a heureusement de nombreuses institutions en Amérique du Nord, en Israël et ailleurs qui font ce travail. La JOFA a été l’une des premières (aux côtés de Drisha et d’une petite poignée d’autres), mais le paysage du féminisme orthodoxe s’est considérablement élargi depuis lors. »

Sztokman, qui est basée en Israël, continue de travailler sur les questions de féminisme dans les communautés juives mais a cessé de s’identifier comme orthodoxe durant son mandat à la JOFA. Weiss-Greenberg vit également en Israël maintenant et travaille dans un domaine sans lien avec le judaïsme.

Marcus est toujours clinicienne à Maze Women’s Sexual Health, a déclaré mercredi une réceptionniste de la clinique. Mais elle travaille également dans d’autres domaines. Quatre jours avant la publication de son texte, Marcus a publié une première vidéo sur sa propre chaîne YouTube, sans lien avec Maze : une introduction aux perspectives juives sur le sexe.

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