Des chercheurs parviennent à activer des cellules de moelle osseuse dormantes pour des greffes
S'inspirant de l'ARNm, l'équipe a découvert une protéine capable de "réveiller" les cellules souches adultes chez la souris, ce qui pourrait améliorer considérablement les taux de réussite des greffes de moelle osseuse
Une équipe de chercheurs internationaux dirigée par un scientifique israélien affirme être la première au monde à avoir découvert une méthode innovante permettant d’activer en laboratoire des cellules souches adultes destinées à la régénération de la moelle osseuse chez les receveurs de greffe.
Les résultats, publiés dans la revue à comité de lecture Nature Immunology, représentent une avancée qui pourrait améliorer considérablement les taux de réussite des patients recevant des greffes de moelle osseuse.
Cette innovation pourrait aider les personnes ayant suivi une chimiothérapie intensive ou une radiothérapie et ayant perdu une grande partie de leurs cellules souches, ainsi que celles souffrant de troubles sanguins génétiques tels que les thalassémies (déficit en hémoglobine), entre autres formes d’anémies héréditaires.
« Parfois, même si un donneur est compatible avec la personne ayant besoin d’un traitement, il n’a pas assez de cellules souches pour la transplantation », a déclaré le Dr. Tomer Itkin de la Faculté des sciences médicales et de la santé de l’Université de Tel Aviv et du Centre hospitalier Sheba, qui a dirigé l’étude.
« Cette nouvelle méthode élargit considérablement le nombre de cellules souches disponibles pour la transplantation. »
L’étude, co-dirigée par Sean Houghton du Weill Cornell Medical College et de l’hôpital de New York, a également impliqué une équipe de plus d’une vingtaine de chercheurs du Centre de cancérologie Memorial Sloan Kettering, du Centre hospitalier universitaire de Toronto et d’autres hôpitaux.

« Nous sommes les premiers au monde à avoir prouvé que nous pouvons programmer l’activation des cellules souches adultes », a déclaré Itkin au Times of Israel lors d’un entretien téléphonique.
« Il faut d’énormes quantités de cellules souches »
La moelle osseuse, le tissu mou à l’intérieur des os, contient des cellules souches adultes qui produisent constamment de nouvelles cellules sanguines, assurant ainsi la santé du sang et du système immunitaire.
Cependant, les personnes atteintes de maladies telles que la leucémie, l’anémie aplasique ou le lymphome sont incapables de régénérer leur propre sang. Elles ont besoin d’une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur ayant des protéines sanguines similaires.
Cependant, même avec une correspondance adéquate, la greffe ne réussit pas toujours car les nouvelles cellules souches ne se développent pas. Après une chimiothérapie, par exemple, les patients sont incapables de relancer leur propre production de cellules sanguines en raison de l’épuisement de leur réserve de cellules souches.
Le défi de la régénération de la moelle osseuse réside dans le fait que les cellules souches, très actives dans le sang du cordon ombilical et capables de se régénérer, deviennent « quiescentes », ou dormantes, dans la moelle osseuse adulte, a expliqué Itkin.
Certains donneurs de moelle osseuse ne peuvent fournir qu’un « très faible rendement de cellules souches, ce qui n’est pas suffisant pour la transplantation », a-t-il déclaré.
Pour chaque kilogramme que pèse un patient, trois millions de cellules souches sont nécessaires à la transplantation.
« Il faut des quantités énormes », a déclaré Itkin. C’est là tout l’intérêt de ses recherches.
Inspiré par le COVID
Itkin et les autres chercheurs ont identifié une protéine clé, le facteur de transcription Fli-1, qui active ces cellules souches quiescentes dans le système immunitaire et le système sanguin.
Fli-1 « est en réalité un gène impliqué dans la leucémie », a expliqué Itkin.

« Il signifie ‘Friend of Leukemia, Initiating Factor One’ [ami de la leucémie, facteur d’initiation un]. »
À l’origine, ce gène a été découvert comme étant un gène pro-tumoral, « nous ne pouvons donc pas simplement le stimuler sans contrôle », a-t-il poursuivi.
« Et puis, le COVID a apporté de nouvelles perspectives. »
La plupart des vaccins contre le COVID-19 sont fabriqués à partir d’une molécule d’ARNm modifiée, qui augmente temporairement la production d’une protéine pour combattre le virus avant qu’il ne disparaisse rapidement.
En utilisant la même approche, les scientifiques ont introduit de l’ARN modifié Fli-1 dans des souris, ce qui a permis de réveiller avec succès les cellules souches adultes auparavant inactives.
Il a suffi de « déclencher l’activation des cellules, de les sortir de leur état de dormance et de commencer à les activer », a-t-il déclaré.
Les scientifiques ont effectué des contrôles de sécurité pour vérifier l’absence de mutations susceptibles de provoquer une leucémie. Durant les six mois qui ont suivi la transplantation chez la souris, aucune mutation n’a été détectée.
« L’ARN modifié a disparu très rapidement du système et les taux de protéines sont revenus à la normale après quelques jours », a ajouté Itkin.
L’équipe a également transplanté des cellules humaines modifiées Fli-1 dans un modèle de souris immunodéficientes et a constaté que les cellules souches transplantées démontraient une capacité accrue à s’intégrer et à restaurer la production de sang.
« Cette nouvelle méthode élargit considérablement le nombre de cellules souches disponibles pour la transplantation », a déclaré le chercheur.
« Cette méthode peut également être utilisée pour traiter des patients ayant subi plusieurs cycles de chimiothérapie ou de thérapie génique et dont le nombre de cellules souches saines est insuffisant. »
Itkin estime que ce type de recherche ne devrait pas prendre plus de cinq ans pour passer aux essais cliniques et obtenir l’autorisation de la FDA.

« Cela ouvre également de nombreuses opportunités dans d’autres domaines », a-t-il souligné, notamment l’utilisation de cette méthode innovante sur des tissus sans cellules souches.
« Nous l’avons utilisée sur la moelle osseuse. Maintenant, nous nous disons que nous pourrions probablement l’appliquer aux poumons, au cœur, au cerveau et à de nombreux autres tissus. »