Des échos du 7 octobre dans un docu sur un agent israélien en quête de rédemption
"Telling Nonie" rassemble un agent vieillissant des services secrets et la fille d'un colonel égyptien qu'il avait aidé à faire assassiner à Gaza, dans les années 1950
Le 5 octobre 2023, la réalisatrice Paz Schwartz avait accepté le prix du meilleur documentaire dans le cadre du festival du film de Haïfa pour « Telling Nonie, » son film consacré à un agent des services secrets israélien qui, au crépuscule de sa vie, se met en quête d’une rédemption, conscient du rôle qu’il avait tenu dans le meurtre d’un lieutenant-colonel égyptien à Gaza, dans les années 1950 – et qui, dans sa recherche de paix intérieure, accepte de se confronter à la fille de sa victime, Nonie Darwish.
Deux jours plus tard, le 7 octobre, Schwartz avait été réveillée par le bruit des sirènes et par des informations affolées qui portaient sur des attaques terroristes sauvages, avec des hommes armés qui semaient la désolation et la mort dans les communautés frontalières de Gaza – une famille qu’elle connaît depuis longtemps et qui vit au kibboutz Beeri, raconte-t-elle, avait perdu l’un de ses enfants, un fils, tandis que la cadette, une fille, avait été prise en otage. Près de 1 200 personnes avaient trouvé la mort, en cette matinée de Shabbat, et 252 personnes avaient été emmenées en captivité à Gaza, avec une réalité, en Israël, qui avait brutalement changé de visage.
« Je n’ai parlé à personne pendant deux semaines. J’étais complètement perdue, » raconte-t-elle.
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Quelques jours après, Schwartz dit avoir été contactée par Darwish, la fille du colonel Mustafa Hafez. Dorénavant exilée aux États-Unis, Darwish est née en Égypte. Et quelques mois auparavant, elle était venue en Israël pour y rencontrer l’agent qui avait aidé à assassiner son père.
Au cours de leur entretien, Darwish et l’ancien agent, Geizi Tsafrir, s’étaient assis sur des chaises de jardin, à proximité du kibboutz Nahal Oz. Le kibboutz, du côté israélien de la frontière, surplombe Gaza – Gaza où Darwish avait vécu lorsqu’elle était une enfant et où son père avait été tué.
« Elle m’a appelée au téléphone, elle pleurait, elle me disait : ‘Je suis désolée, je suis tellement désolée, est-ce que tes enfants vont bien ?’, » se souvient Schwartz. « Je lui ai répondu : ‘Tu n’as aucune raison d’être désolée’. Mais elle m’a donné un coup de fil, comme une sorte de tante d’Amérique pour moi ».
Cela avait été un moment de renversement. Darwish était devenue orpheline à l’âge de huit ans, lorsque les forces israéliennes avaient assassiné son père, un officier de premier plan qui était alors stationné à Gaza. Nahal Oz et la base militaire adjacente, d’un autre côté, sont devenus le symbole de l’une des attaques les plus sanglantes à avoir été commises dans la matinée funeste du 7 octobre.
Au fil des années qui ont abouti sur la réalisation du documentaire, Darwish et Schwartz sont devenues des amies proches, dit cette dernière. Darwish, qui vit en Californie, est devenue une activiste pro-israélienne après l’attentat du 11 septembre 2001 qui avait été perpétré sur le sol américain par al-Qaida et qui avait fait basculer le monde.
Le film de Schwartz, qui a été produit par les Ananey Studios, au sein de la Paramount, raconte l’histoire de ce qui était arrivé quand le père de Darwish, qui était le chef des renseignements militaires dans la bande de Gaza, dans les années 1950, avait été tué par un explosif qui lui avait été livré par l’intermédiaire d’agents israéliens.
Utilisant des images en noir et blanc du Caire et de Gaza, des vieilles photos, s’appuyant également sur des entretiens réalisés avec trois des agents spéciaux qui avaient été impliqués dans l’opération et sur ses échanges avec Darwish, Schwartz fait découvrir à son public l’incident qui devait changer la vie de la fille du colonel assassiné.
Son père, Mustafa Hafez, qui était né en Turquie, avait été envoyé à Gaza par le président égyptien Gamal Abdel Nasser à une période où des milliers d’Israéliens étaient tués, dans le sud, par les fedayines.
Geizi Tsafrir, un agent israélien, avait été recruté par les services de sécurité israéliens lorsqu’il était encore sur les bancs du lycée. Sa carrière au sein du Mossad et au Shin Bet avait duré des décennies. Il avait servi au Liban, en Turquie, à Paris et en Afrique – mais cela avait été le rôle qu’il avait tenu dans la mort de Hafez qui l’avait hanté.
Darwish s’est depuis installée aux États-Unis avec son mari, un Arabe chrétien rencontré lorsqu’elle était encore au Caire. Le couple a eu trois enfants qui ont grandi sur le sol américain.
Le film raconte les changements survenus chez Darwish après le 11 septembre 2001, quand la guerre à laquelle elle avait tenté d’échapper en s’exilant aux États-Unis s’était invitée dans son pays d’adoption. Sa mère et ses frères et sœurs, qui vivent encore en Égypte, lui avaient dit que les Juifs avaient été les initiateurs de ces attentats, une rhétorique qui avait entraîné la colère de Darwish.
« Je regarde Israël avec un regard très différent de celui que portent traditionnellement les Arabes sur Israël et il est temps que ce regard porté par les Arabes évolue », dit Darwish au Times of Israel.
« Le peuple juif est sorti d’Égypte, les Juifs ne sont pas des étrangers et il est temps que nous reconnaissions la réalité », ajoute-t-elle.
Alors qu’une vague d’antisémitisme et d’anti-sionisme s’est abattue sur tous les États-Unis, une vague attisée par la guerre qui oppose actuellement Israël au Hamas, dans la bande de Gaza, Darwish continue à s’exprimer ouvertement. Elle pense que les voix pro-israéliennes ne doivent pas hésiter à se faire entendre de manière plus forte.
« De mon côté, je n’arrêterai jamais de le faire ; c’est presque devenu l’objectif de toute ma vie », s’exclame-t-elle.
Sa famille, au Caire, a rompu les contacts – une réalité, dit-elle, qu’elle a dû accepter il y a longtemps.
« Ce n’était pas une famille heureuse, de toute façon, c’était une famille brisée », commente Darwish. « Malheureusement, la culture arabe, c’est soit ‘Je t’adore’, soit ‘Je te hais’. Ce n’est pas facile et ce n’est pas très sain ».
Schwartz, journaliste de profession, avait découvert l’histoire de Darwish par le biais de sa grand-mère, décédée en 2020. La famille avait trouvé une boîte pleine de lettres d’amour qui n’avaient pas été écrites par le grand-père de Schwartz et elle avait supposé que l’aïeule avait déjà aimé un homme avant de le rencontrer. Il s’agissait, en réalité, d’un ponte de l’organisation paramilitaire de la Palmach. Cela avait été à travers cette histoire que Schwartz avait découvert Tsafrir et son parcours compliqué.
Ils s’étaient rencontrés et quand il avait parlé à Schwartz de Nonie Darwish et de son père, Shwartz avait immédiatement compris qu’elle avait là matière à réaliser un documentaire.
C’était en 2021 et après avoir filmé Darwish en Californie, elle avait fait venir cette dernière en Israël pour y rencontrer Tsafrir. C’était juste neuf mois avant le 7 octobre.
« Nous avons eu le sentiment que c’était un moment d’espoir », explique Schwartz.
Le film devait être projeté en première, le 12 octobre, après avoir été présenté au festival de Haïfa où le jury avait noté que le film montrait des Arabes et des Juifs reconnaissant leurs souffrances mutuelles, ouvrant la voie à un meilleur avenir.
Après l’attaque commise par le Hamas, le 7 octobre, Schwartz s’est rapprochée du Forum des familles d’otages et de portés-disparus, reprenant sa casquette plus familière de journaliste de télévision – elle dit privilégier les reportages consacrés à des récits de deuil ou d’héroïsme dans le sud du pays, ou aux évacués et aux survivants.
L’un de ses projets, dit-elle, se penchera sur Lior Tarshansky, 15 ans, qui avait été tué au kibboutz Beeri, le 7 octobre, et sur sa sœur, Gali, âgée de 13 ans, qui avait été prise en otage à Gaza et relâchée par le Hamas à la fin du mois de novembre. Neuf camarades de classe de Lior ont été tués ou emmenés en captivité et Schwartz voudrait consacrer un reportage à la famille, dont elle est proche depuis longtemps.
Darwish, pour sa part, reste fidèle à son amie, Paz Schwartz, et elle déclare avoir le sentiment que le documentaire ne pouvait pas sortir à un moment plus important.
« J’ai toujours de l’espoir », dit Darwish. « Il y a de l’espace pour tout le monde au Moyen-Orient, il ne manque pas de terres pour accueillir les Arabes et il est temps que le monde arabe et que le monde islamique s’accommodent véritablement d’Israël, et même qu’ils lui souhaitent la bienvenue dans cette région si dure ».
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