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Des étudiants juifs se confient à l’université de Californie du sud

Une étudiante a dit avoir retiré une petite médaille, autour de son cou, en hommage aux otages, craignant pour sa sécurité ; d'autres sont victimes de doxing pour leur soutien à l'État juif

Des professeurs rejoignent des manifestants anti-israéliens et pro-palestiniens à l'université de Californie du sud, à Los Angeles, le 24 avril 2024. (Crédit :  Frederic J. Brown/AFP)
Des professeurs rejoignent des manifestants anti-israéliens et pro-palestiniens à l'université de Californie du sud, à Los Angeles, le 24 avril 2024. (Crédit : Frederic J. Brown/AFP)

Cet article a été publié le 26 avril en anglais.

LOS ANGELES (JTA) — A l’intérieur des bureaux du groupe Hillel sur le campus de l’université de Californie du sud (USC), il règne un semblant de normalité. Certains étudiants font cuire de la pizza matsah dans un four, dans le jardin ; un autre est en train de finaliser une installation artistique consacrée à l’acteur Larry David. Étudiants et personnel évoquent leur programme pour le dîner du Shabbat qui aura lieu dans la soirée.

Mais à l’extérieur du bâtiment, à quelques centaines de mètres, des voix se font entendre, apostrophant les étudiants qui passent pour leur demander d’acheter les cookies et autres pâtisseries qu’ils ont préparées dans le cadre de leur vente en faveur de la bande de Gaza, « Bake Sale 4 Gaza. » Une table a été dressée à cet effet à côté d’un stand agrémenté d’un gigantesque panneau où il est écrit : « Je défends Israël = Je défends le génocide ».

Et sur une place, encore un peu plus loin, la branche de Jewish Voice for Peace de Los Angeles a organisé un rassemblement pour Pessah, offrant de la matzah et du jus de raisin en guise de rafraîchissement. L’une des personnes présentes brandit une affiche de grande taille énumérant « Les dix plaies de l’idolâtrie sioniste ».

Ces scènes, vendredi, suivent une controverse qui a ébranlé l’université, obligeant cette dernière à annuler le discours qui devait être prononcé par sa majore de promotion – une étudiante qui avait attiré les critiques pour ses publications anti-israéliennes féroces sur les réseaux sociaux.

L’établissement d’enseignement supérieur a dû aussi renoncer à l’habituelle prise de parole d’intervenants célèbres lors de la remise des diplômes avant d’annoncer, jeudi, qu’elle avait finalement annulé tous les événements programmés à la principale tribune, des événements qui entourent les cérémonies de remise de diplôme traditionnelles. Les manifestations pro-palestiniennes ont balayé le campus, comme cela a été également le cas dans tous les États-Unis, entraînant 93 arrestations, mercredi. Des check-points de sécurité ont été depuis installés pour contrôler certaines entrées de l’institution.

La situation dans son ensemble – qui a attiré l’attention des médias dans le monde entier – amène des étudiants juifs à s’interroger sur leur sécurité sur le campus. Une jeune fille, qui a demandé à conserver l’anonymat par crainte de possibles représailles et qui précise être une ressortissante israélo-américaine, déclare avoir enlevé la médaille en hommage aux otages qu’elle portait autour du cou à des fins de protection. Elle ajoute que les données personnelles de certains de ses amis ont été diffusées en raison du soutien qu’ils apportaient à l’État juif.

« On baisse la tête, on tente seulement de terminer cette année universitaire », dit cette étudiante en deuxième année de neurosciences dont les parents sont israéliens. « C’est très dur, c’est clair, quand vous avez des hélicoptères qui survolent le campus 24 heures sur 24 et sept jours sur sept et que vos amis postent des publications haineuses sur Instagram ».

Un étudiant de l’Université de Californie du sud arrêté par des agents du département de la sécurité publique de l’établissement pendant une manifestation pro-palestinienne à l’Alumni Park, sur le campus de Los Angeles, le 24 avril 2024. (Crédit : AP Photo/Richard Vogel)

La jeune femme précise que l’attention portée à l’USC rend également plus difficile, pour elle, de se focaliser sur ses études alors que les examens approchent à grand pas.

« Notre campus est tellement mis sur le devant de la scène », déplore-t-elle. « Avant, c’était l’endroit où nous apprenions des choses, où nous faisions nos études et aujourd’hui, il est devenu un lieu de tension, il fait la Une des médias et tout le monde nous regarde ».

Brandon Tavakoli, qui est président du club Trojans for Israel et étudiant en premier cycle, indique que les derniers jours ont été « tristes et assez éprouvants » en particulier dans la mesure où l’USC ne se distingue habituellement pas par ce genre d’activisme qui est concerne plutôt d’autres établissements d’enseignement supérieur comme Harvard ou comme Berkeley, qui fait partie aussi de l’Université de Californie.

« Nous n’avions pas de base activiste étudiante organisée mais ça a changé au cours de la semaine qui vient de s’écouler », confie Tavakoli à la JTA. « Je pense que ça a été très dur, pour un grand nombre d’étudiants juifs qui ne sont pas habitués à ce spectacle de haine antisémite qui s’expose par ailleurs sur des campus comme Berkeley ».

Tavakoli affirme qu’il était « totalement possible d’empêcher » tout ce qui s’est récemment passé – y compris le choix de la majore de promotion de cette année.

« Je pense que si l’université avait fait ce qu’elle devait faire et qu’elle avait su constater en temps et en heure la propagation de l’antisémitisme que cette majore de promotion avait exprimé, nous ne serions pas là où nous en sommes », déplore-t-il. « Notre campus ne serait pas considéré, aujourd’hui, comme une cible pour les activistes anti-israéliens ».

Des professeurs rejoignent des manifestants anti-israéliens et pro-palestiniens à l’université de Californie du sud, à Los Angeles, le 24 avril 2024. (Crédit : Frederic J. Brown/AFP)

Jonathan Greenblatt, le directeur-général de l’Anti-Defamation League (ADL), s’est rendu à l’USC Hillel pour discuter avec les responsables du personnel et avec les étudiants. Il a précisé avoir fait le déplacement sur presque une dizaine de campus au cours des derniers mois (le groupe Hillel de l’USC, sollicité, n’a pas fait de commentaire, renvoyant la JTA à un communiqué publié mercredi sur Instagram).

« Les étudiants juifs ont rejoint les campus pour apprendre, pour vivre l’expérience de la vie d’étudiant et ils se retrouvent aujourd’hui piégés dans ce tourbillon », a dit Greenblatt à la JTA. « Ils sont profondément affectés par la tragédie du 7 octobre et ils sont profondément affectés par la mort de civils à Gaza. Je pense qu’ils ressentent généralement de la compassion face à toutes ces pertes humaines, des deux côtés et pourtant, ils sont très perturbés par le genre d’activités qu’il y a sur les campus actuellement, avec des manifestations qui vont bien au-delà des paramètres habituels des mouvements de protestation ».

Greenblatt explique que l’ADL soutient le droit à la liberté d’expression et le Premier amendement, ajoutant toutefois qu’il considère une partie de la rhétorique qui est employée sur les campus comme allant au-delà de ce que les universités – et la loi – devraient pouvoir tolérer.

« La liberté d’expression, ce n’est pas la liberté de diffamer les individus en raison de leur foi et la liberté d’expression, ce n’est pas la liberté d’inciter à la violence contre des personnes en raison de leur nationalité », explique-t-il. « La liberté d’expression, il faut la permettre. Mais s’asseoir devant les bureaux de Hillel et hurler sur les étudiants juifs qui pénètrent dans les locaux pour le dîner du Shabbat ou pour assister à la havdalah en les qualifiant de ‘tueurs de bébés’, c’est différent ». Il est difficile de dire si Greenblatt fait là référence à des incidents précis.

Le chef de l’ADL déclare que les universités doivent faire davantage pour garantir la sécurité des étudiants, notamment en faisant appliquer leurs règlements, en interdisant la dissimulation des visages et en se coordonnant avec la police.

Tavakoli de son côté, note que la manière dont l’USC – et les autres établissements d’enseignement supérieur de manière plus générale – ont appréhendé les activités pro-palestiniennes en comparaison avec la façon dont ont été gérées les activités pro-israéliennes, a entraîné un deux poids, deux mesures dans le respect et dans la mise en œuvre du droit à la liberté d’expression.

Des manifestants pro-palestiniens se rassemblent dans un campement en soutien à Gaza à l’université de Californie du sud, à Los Angeles, en Californie, le 24 avril 2024. (Crédit : Mario Tama/Getty Images North America/Getty Images via AFP)

« Je n’ai jamais compris pourquoi, quand il y a du fanatisme contre les étudiants juifs, il faut nécessairement ramener le débat sur la liberté d’expression alors que quand il y du fanatisme qui s’exprime contre qui que ce soit d’autre, nous le dénonçons clairement pour ce qu’il est », fait-il remarquer. « C’est personnellement très heurtant que je doive, en tant qu’étudiant juif, prouver aux autres que ce que je suis en train de vivre, c’est de l’intimidation, c’est de la haine et c’est du harcèlement ».

L’étudiante israélienne précise toutefois qu’un grand nombre des activistes qui se sont impliqués, ces derniers jours, dans le mouvement de protestation au sein de l’USC ne sont pas des étudiants.

« Des gens qui n’ont rien à voir avec l’université viennent sur notre campus, ils gênent et ils renforcent les tensions avec les étudiants », regrette-t-elle. « Ce sont de non-étudiants qui allument la mèche ».

Certaines personnes, lors du rassemblement organisé par le groupe controversé et anti-sioniste Jewish Voice for Peace à l’occasion de Pessah, qui a attiré quelques dizaines de personnes à quelques bâtiments de distance des locaux de Hillel, n’appartiennent pas à l’USC. Tous se sont réunis autour d’une grande toile décorée de l’image d’une assiette traditionnelle du seder.

Entre deux discours et deux chansons, le groupe a aussi adapté des textes et des pratiques variées de la Haggadah, avec notamment l’énumération des dix plaies d’Égypte, une énumération accompagnée d’un rituel consistant à plonger son doigt dans le vin avant d’en vider un peu dans un récipient. Aujourd’hui, les plaies ont pris une nouvelle signification liée à la guerre opposant actuellement Israël au Hamas dans la bande de Gaza – l’eau se transformant en sang, par exemple, a symbolisé le manque d’eau potable à Gaza.

Benjamin Kersten, étudiant juif de troisième cycle à l’UCLA, qui a aidé à programmer cet événement, déclare que JVP a choisi d’utiliser Pessah « pour continuer à appeler le président Joe Biden à passer à l’action en vue de conclure un cessez-le-feu permanent à Gaza ».

Jonathan Greenblatt, le chef de l’Anti-Defamation League, s’exprime lors du 60e anniversaire de la marche sur Washington au Lincoln Memorial de Washington, le 26 août 2023. (Crédit : AP Photo/Andrew Harnik)

Kersten explique ressentir « beaucoup d’empathie et de compassion » à l’égard des étudiants juifs qui éprouvent un malaise et un sentiment d’insécurité lorsqu’ils entendent des slogans comme « du fleuve jusqu’à la mer, la Palestine sera libre », un slogan qui a été scandé de manière répétée lors de l’événement organisé par Jewish Voice for Peace pour Pessah. De nombreuses organisations juives considèrent cette formulation comme antisémite et niant l’existence d’Israël.

« Je pense qu’il est important que nous réfléchissions aux différences entre malaise, absence de sécurité et haine », ajoute-t-il. « Je comprends vraiment ce que veulent dire les Palestiniens quand ils disent que lorsqu’ils utilisent la formule ‘Du fleuve jusqu’à la mer’, ils appellent à la justice et à l’égalité pour tous ceux qui vivent sur cette terre ».

Kersten continue : « J’ai envie d’inviter ceux qui se sentent mal à l’aise à réaliser que c’est, en fait, une libération d’intégrer une communauté juive qui sait reconnaître que la sécurité émane de la solidarité avec tous les peuples marginalisés ».

Retour dans les locaux du groupe Hillel, où les étudiants continuent à préparer des pizzas. Jason, étudiant en premier cycle qui demande à ce que ce son nom de famille ne soit pas communiqué, raconte qu’il a dorénavant décidé de porter son étoile de David autour du cou qu’en fonction des personnes avec lesquelles il se trouve.

« J’ai accepté la situation mais rien n’a changé dans ma manière d’appréhender mon identité juive », explique-t-il.

Jason ajoute que cela a été difficile d’évoluer dans l’environnement qui est celui de l’USC, depuis quelques semaines – en particulier lorsque les tensions émanant des manifestations ont commencé à s’infiltrer dans les salles de cours où, dit-il, les conversations ont pris un ton « moins courtois ».

Des étudiants sur le campus de l’université de Californie du sud à Los Angeles, le 16 avril 2024. (Crédit : Robyn Beck/AFP)

Pour certains étudiants, la situation a provoqué plus de stupéfaction – voire des rires – que des peurs.

« Je n’ai pas vraiment peur, je trouve ça à la fois intense, chaotique et ridicule », commente Caleb Ouanounou, étudiant en première année. Il déclare que lorsqu’il a vu les manifestants pro-palestiniens, « j’ai été choqué mais honnêtement, j’ai ri parce que c’était complètement absurde de voir ça ».

Tavakoli, de son côté, dit qu’alors que le semestre touche à sa fin, il doit se focaliser sur les études et ne pas s’inquiéter pour sa sécurité.

« J’ai des devoirs à rendre et des projets à finaliser. Je dois être prêt pour mes examens finaux, la semaine prochaine », indique-t-il. « Je crois que c’est représentatif de l’expérience de tous les étudiants juifs sur ce campus – nous voulons simplement être comme tous les autres sur le campus, nous voulons être comme tous les autres étudiants. »

« Cela ne doit pas être ma priorité d’être en sécurité ou de me sentir en sécurité », continue-t-il. « Ma priorité, ça doit être de donner le meilleur de moi-même de manière à pouvoir terminer mon semestre le mieux possible. La priorité, pour l’université, c’est de s’assurer que je suis en sécurité, et que j’ai le sentiment d’être en sécurité. »

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