Des experts, des dirigeants juifs et du Congrès réclament plus de fonds pour la sécurité
Selon des organisations juives, le programme fédéral de subventions de sécurité utilisé pour sécuriser les institutions juives est insuffisant face à la montée de l'antisémitisme
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
WASHINGTON – Dirigeants de la communauté juive, experts en sécurité et Représentants du Congrès ont demandé mardi un relèvement des fonds de sécurité à but non lucratif lors d’un briefing à Washington, DC, en mettant en avant les menaces reçues par les Juifs avant les grandes fêtes.
Les intervenants se sont surtout intéressés aux subventions du gouvernement américain pour la sécurité des institutions à but non lucratif, utilisées pour protéger les communautés juives et d’autres organisations, mais qui sont devenues insuffisantes.
En 2023, le taux d’acceptation des demandes de subvention est passé sous la barre des 42 %, contre 52 % l’an dernier. Selon les Jewish Federations of North America, sur 5 257 demandes de subvention, 2 201 ont été approuvées.
Les 305 millions de dollars disponibles sont très inférieurs aux 679 millions de dollars demandés, ont expliqué les Jewish Federations of North America.
« La question de notre sécurité devient très critique. Nous avons besoin de ces fonds », a déclaré la Représentante de la Chambre Kathy Manning, Démocrate de Caroline du Nord. « Ce n’est tout simplement pas suffisant. »
Manning, ex-présidente du Conseil d’Administration des Jewish Federations of North America, a demandé à ses collègues du Congrès d’autoriser davantage de mesures de sécurité et de financer le programme de subventions à hauteur de 360 millions de dollars.
Les demandes de financement sont évaluées via un processus de notation, et ceux qui sont considérés comme les plus vulnérables et les plus nécessiteux sont prioritaires, explique Karen Paikin Barall, vice-présidente associée des Jewish Federations of North America, chargée des subventions. Les fonds sont équitablement répartis, mais ils sont insuffisants, assure-t-elle, soulignant les ressources nécessaires pour sécuriser les fêtes juives, marquées par un afflux particulier de fidèles.
« Les caméras de sécurité et portes sécurisées sont forcément coûteuses. Nous avons besoin de ces ressources », affirme Eric Fingerhut, Directeur des Jewish Federations of North America. Au-delà des seules subventions de sécurité à but non lucratif, les fédérations mènent leur propre campagne de sécurisation – nommée LiveSecure – dotée de 130 millions de dollars.
Ont pris part à la séance d’information le Sénateur Chris Murphy, Démocrate du Connecticut, le Sénateur Républicain de l’Oklahoma James Lankford, le Représentant Républicain du New Jersey Chris Smith ainsi que les dirigeants de l’Anti-Defamation League (ADL), de l’Orthodox Union et du Secure Community Network, chargé de coordonner la sécurité des communautés juives nord-américaines, sans oublier des représentants d’autres organisations juives.
Ceux qui ont pris la parole lors de cette réunion d’information ont dénoncé les discours extrémistes et la haine, qui nourrissent un climat de violence, et ont appelé à lutter contre les discours de haine et à renforcer la sécurité des institutions juives.
« Experts, politiciens et plates-formes n’hésitent plus à faire étalage de haine et de théories conspirationnistes qui étaient auparavant l’apanage des franges de la société », explique Meredith Weisel, directrice régionale de l’ADL à Washington, DC. L’organisation a été prise pour cible par Elon Musk sur sa plate-forme X, précédemment Twitter, avec des tropes antisémites. Musk a assoupli les règles sur X au nom de la liberté d’expression, ce qui, pour ses détracteurs, a ouvert la porte à l’extrémisme et aux discours de haine.
« Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment critique : la communauté juive est malheureusement une fois de plus dans la ligne de mire », affirme Weisel. L’ADL a signalé un nombre record d’incidents antisémites aux États-Unis ces dernières années.
Le chef du Secure Community Network, Michael Masters, a appelé à la plus grande vigilance en amont des grandes fêtes et a demandé aux fidèles de se renseigner sur les protocoles de sécurité communautaires et s’investir dans les procédures de sécurité.
Les synagogues devraient prendre des mesures pour sécuriser les diffusions en direct, en vérifiant par exemple l’identité des téléspectateurs, explique-t-il, suite aux nombreuses alertes à la bombe et attaques contre les synagogues. De nombreux incidents ont en effet eu lieu lors de diffusions en direct, lorsque les attaquants savaient avec certitude qu’une synagogue accueillait du public et pouvaient voir le résultat de leurs menaces.
« Comme le montre Israël, il est possible de vaincre et de protéger notre peuple », explique Masters. « Nous ne voulons pas que certains renoncent à aller à la synagogue ou participent moins à la vie juive parce qu’ils ont peur. »
« Il ne faut pas avoir peur. Ce serait une erreur de ne rien faire, de ne pas sortir ».
Les communautés juives ont renforcé leurs mesures de sécurité ces dernières années, surtout depuis qu’un tireur suprémaciste blanc a massacré 11 fidèles dans une synagogue de Pittsburgh en 2018. Les mesures de base comme les portes blindées, les caméras de sécurité et le travail avec les forces de l’ordre sont des moyens efficaces de protéger les institutions juives comme les synagogues, les camps d’été et les écoles, assurent les experts des questions de sécurité.
Le mois dernier à Memphis, un homme armé a tenté de pénétrer dans les locaux de l’Académie hébraïque Margolin. Le suspect, un ex-étudiant souffrant de problèmes mentaux, que l’on n’a pas laissé entrer, a tiré avec son arme à feu depuis l’extérieur de l’école avant de quitter les lieux. Il a été retrouvé et abattu par la police peu de temps après.
« J’étais au téléphone quand j’ai entendu les premiers coups de feu », a témoigné Brandy Flack, directrice de l’école, lors du briefing. « J’ai regardé par la fenêtre et vu un homme pointer une arme sur moi. »
L’école avait modernisé ses accès quelques semaines auparavant grâce aux fonds du Nonprofit Security Grant Program, ce qui a permis d’empêcher le tireur de pénétrer dans le bâtiment. L’école a utilisé ses caméras de sécurité pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres tireurs et repérer la plaque d’immatriculation du suspect, ce qui a permis à la police de le localiser. La relation entre le personnel de l’école, les forces de l’ordre et les organisations de sécurité a permis de donner l’alerte, et cinq minutes après la fusillade, toutes les organisations juives et les écoles des environs étaient en sécurité, a poursuivi Flack.
« Personne n’a dû se demander ce qu’il fallait faire », a ajouté Flack. « Cette subvention a littéralement sauvé des vies. »
« Il y aura d’autres attaques. C’est la triste réalité », a-t-elle conclu.