Des médecins auraient traité des étudiants de yeshiva pour inhiber leur libido
Le ministère va enquêter sur 4 psychiatres qui ont fourni des médicaments à des hommes orthodoxes pour inhiber leur libido pour des raisons religieuses, selon un reportage télévisé
Le ministère de la Santé va enquêter sur quatre psychiatres après qu’un reportage télévisé a révélé qu’ils avaient prescrit des médicaments à des étudiants ultra-orthodoxes, dont des mineurs, pour inhiber leurs désirs sexuels.
Dans un reportage diffusé ce week-end, la Douzième chaîne a envoyé deux ex-ultra-orthodoxes en infiltration pour se faire soigner par d’éminents professionnels de la santé mentale – le professeur Omer Boneh, chef du département psychiatrique de l’hôpital Hadassah Ein Kerem de Jérusalem ; Abraham Weizman de l’Université de Tel Aviv ; Dr Michael Bontzel de l’hôpital Maayanei Hayeshua à Bnei Brak et le Dr Tali Vishne – après avoir reçu des témoignages d’anciens étudiants de yeshiva sur ce phénomène, motivé par des raisons religieuses.
Des hommes autrefois ultra-orthodoxes – provenant principalement de mouvements hassidiques – ont déclaré avoir reçu des antipsychotiques ou des antidépresseurs lourds après qu’ils ont admis avoir eu des pensées sexuelles, notamment à propos d’autres hommes. Ils ont dit avoir reçu les médicaments uniquement pour leurs effets secondaires, à savoir pour diminuer leur libido.
Cette pratique aurait débuté dans les années 1990 dans la communauté hassidique Gur, connue pour sa rigueur sexuelle, et s’est progressivement étendue à d’autres communautés hassidiques qui appliquent également des lois strictes en matière de séparation des sexes et de pudeur.
« Pendant trois ans de ma vie, j’ai vécu en yeshiva sans sortir [du placard] », a déclaré Kobi Weinberg à la Douzième chaîne. « La condition était que je prenne les pilules. De 9 à 15 ans, j’ai pris des pilules psychotropes dont je n’avais pas besoin. Je ne mangeais plus et je ne dormais plus, cela me rendait dépressif et faisait de moi l’ombre de moi-même. Je n’en voulais pas. Ils m’en ont aussi donné de force, un professeur m’a attrapé par la gorge, a mis la pilule dedans et a versé de l’eau ».
La chaîne de télévision a également interviewé d’anciens responsables de yeshivas qui ont confirmé le phénomène.

La chaîne a ensuite envoyé deux anciens hommes Haredi, se faisant passer pour des étudiants avec des penchants homosexuels, et un responsable de la yeshiva chez les quatre psychiatres pour vérifier cette pratique.
Le Pr. Boneh, de Hadassah Ein Kerem, a prescrit l’antidépresseur Paroxetine. « Il a un effet secondaire qui diminue les envies, ce qui peut aider parce qu’il améliorera l’humeur et réduira les choses non désirées », a-t-il expliqué.
L’hôpital, dans un communiqué adressé à la Douzième chaîne, a déclaré : « Pour des raisons de confidentialité des patients, nous ne pouvons pas répondre aux allégations erronées et sans fondement présentées dans ce reportage ».
Les docteurs Vishne et Bontzel ont prescrit du Risperidone, un antipsychotique utilisé pour traiter la schizophrénie, et un autre médicament qui n’a pas été cité.
« S’ils avaient diffusé le reportage dans son intégralité, ils auraient vu que la consultation comprenait une conversation approfondie avec le patient et un questionnaire psychologique complet conçu pour tester les symptômes de la détresse psychologique », a déclaré le Dr Vishne dans un communiqué. « Au vu de ces résultats, j’ai pensé qu’il était juste de prescrire une faible dose pendant un mois seulement, pour soulager l’état psychologique et prévenir la dépression clinique, pas pour réprimer le désir sexuel ! »
« Je refuse de prescrire des médicaments qui répriment le désir sexuel et je lutte contre ce phénomène depuis de nombreuses années », a t-elle ajouté.

Selon un article du quotidien Haaretz paru lundi, le ministère de la Santé a demandé des explications aux quatre psychiatres et va enquêter sur cette affaire.
« Le ministère enquêtera sur les accusations qui découlent de l’enquête et s’il découvre des fautes dans le traitement médical, agira dans toute la mesure permise par la loi », a-t-il assuré.
D’après l’article, les responsables du ministère de la Santé ne pensent pas que les auditions donneraient lieu à des sanctions, puisque trois des quatre psychiatres ont déjà fait l’objet d’une enquête après que des allégations similaires ont été formulées au cours de la dernière décennie.
Le Dr Zvi Fishel, de l’Association psychiatrique israélienne, a déclaré au journal que cette pratique est « un acte illicite lorsque cela ne concerne pas des délinquants sexuels, et nous y sommes fermement opposés ».
Mais il a aussi mis en doute le reportage : « Puisque personne ne sait ce qui s’est réellement passé lors de ces séances réalisées dans le cadre du reportage, nous ne pouvons pas juger les médecins et certainement pas les critiquer. »