Des milliers de manifestants à Tel Aviv contre la discrimination des communautés
Des partis de l'opposition, des groupes juifs progressistes, des militants LGBT et des ONG de gauche ont appelé la coalition à renoncer au projet de loi controversé de l'état juif
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Des milliers de manifestants ont défilé samedi soir dans les rues de Tel Aviv contre la loi sur l’Etat-nation controversée qui valide la discrimination au sein des communautés parmi une série de mesures dont l’objectif est d’ancrer dans la loi le caractère juif d’Israël.
Le mouvement de protestation, organisé par une large alliance de partis d’opposition, de groupes juifs progressistes, de militants LGBT et d’ONGs de gauche, a rassemblé environ 2 500 personnes qui ont appelé le gouvernement à revenir non seulement sur la séparation acceptée des communautés mais sur le texte dans son entier.
Des politiciens, des conseillers juridiques et d’autres ont averti que la clause 7B de ce qu’on appelle la « loi sur l’Etat juif » est discriminatoire et qu’elle pourrait porter préjudice à Israël sur la scène internationale.
La clause contenue dans la législation parrainée par le Likud, que le gouvernement souhaite voir approuvée à la fin du mois, permettrait à l’Etat « d’autoriser une communauté composée d’individus de même foi ou de même nationalité à maintenir le caractère exclusif de la communauté ».
Les critiques affirment que cette disposition légalisera les discriminations au logement contre une vaste gamme de minorités et de sous-groupes, Arabes, Juifs mizrahim et éthiopiens, gays, femmes divorcées et autres.

S’exprimant lors de la manifestation, le président de la Liste arabe unie, le député Ayman Odeh, a déclaré que cette initiative avait pour objectif de dynamiser la base du Likud en amont des élections qui sont attendues – et ce, au détriment des droits des minorités.
« Ce gouvernement détruit la paix, il détruit la démocratie et l’égalité pour un petit peu plus de capital politique en faveur de la tyrannie de Netanyahu », a expliqué Odeh. « Les lois racistes d’un gouvernement qui craint la puissance d’une majorité et qui piétine la minorité ne nous feront pas disparaître ».
La cheffe du Meretz Tamar Zandberg a expliqué à la foule que « Netanyahu et son gouvernement ont déclaré une guerre directe au fondement idéologique du sionisme sur lequel l’Etat d’Israël a été établi ».
Le ministre des Finances Moshe Kahlon a soutenu vendredi la clause validant des communautés exclusivement juives en Israël, affirmant qu’il pouvait vivre « très bien » avec des communautés arabes séparées.
« Il y a des besoins sécuritaires et sociaux différents », a-t-il dit lors d’un entretien avec Radio 103fm, ajoutant que l’Etat juif a d’ores et déjà des quartiers exclusivement réservés à la communauté ultra-orthodoxe.
« C’est un état juif et démocratique et si une communauté veut vivre séparée pour certaines raisons, je peux très bien vivre avec ça », a-t-il commenté.

Le président Reuven Rivlin, dont le rôle est principalement symbolique, a exprimé ses inquiétudes face au projet de loi lors d’une intervention rare dans la politique israélienne au début de la semaine. Dans un courrier adressé aux députés, Rivlin a averti que la législation sous sa forme actuelle « peut nuire aux Juifs, aux Juifs du monde entier et à l’Etat d’Israël ».
Le président sortant de l’Agence juive Natan Sharansky, le procureur général Avichai Mandelblit et le conseiller juridique de la Knesset Eyal Yinon ont également fait part de leur opposition au texte qui, s’il est adopté, fera partie des lois fondamentales du pays qui servent de constitution de facto.
Le judaïsme est déjà mentionné dans les lois du pays et les autorités religieuses contrôlent de nombreux aspects de la vie, notamment le mariage. Mais les onze lois fondamentales existantes s’intéressent majoritairement aux institutions d’Etat comme la Knesset, les cours de justice et la présidence, tandis que la loi fondamentale consacrée à la dignité humaine et à la liberté définit le caractère démocratique d’Israël.

Le projet de loi avait été présenté pour la première fois par Avi Dichter en 2014, mais, confronté aux critiques des membres de l’opposition et des membres libéraux de son propre parti, le Likud, il avait été mis en suspens peu après. Depuis lors, un certain nombre de versions de la législation ont été rédigées par des députés de droite, mais aucune n’est parvenue, par l’intermédiaire de la Knesset, à devenir loi.
La dernière version du texte a passé sa première lecture à la Knesset au mois de mai et Netanyahu lui a donné un nouveau coup de pouce dimanche, en annonçant son intention de faire adopter la législation avant le fin de la session actuelle de la Knesset, le 22 juillet.
Netanyahu a précisé qu’il voulait que le texte soit adopté sous sa forme actuelle, disant qu’il incluait des compromis accordés à ses partenaires de coalition. Toutefois, des informations parues dans les médias en hébreu jeudi ont annoncé que le chef du parti HaBayit HaYehudi Naftali Bennett aurait accepté d’adoucir encore le texte pour tenter de le faire définitivement adopter avant la fin de la session parlementaire d’été.
En plus de la cause sur les communautés séparées, la loi établit également que l’hébreu deviendrait la langue officielle d’Israël. L’arabe, l’une des deux langues officielles du pays, serait relégué à un « statut spécial » qui garantirait à ceux qui le parlent le « droit aux services accessibles de l’Etat ».
La loi déclare aussi que Jérusalem est la capitale d’Israël et rend explicite le lien entre la Diaspora et l’Etat. Le texte fixe également le calendrier hébraïque comme calendrier officiel de l’Etat et reconnaît Yom HaAtsmaout, Yom HaZikaron et les fêtes juives dans les lois fondamentales.
Une commission spéciale de la Knesset formée pour faire avancer le projet de loi débattra dimanche des amendements proposés par les membres de l’opposition avec pour objectif de finaliser la proposition pour ses derniers votes en séance plénière avant les congés d’été du parlement, le 22 juillet.