Deux hommes et deux femmes pour un Goncourt
L'un des romans sélectionnés, L'ordre du jour retrace de façon saisissante l'arrivée au pouvoir d'Hitler, raconte l'Anschluss et dissèque le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie
Le jury du Goncourt a choisi lundi la parité en dévoilant la liste des quatre finalistes pour le plus prestigieux des prix littéraires du monde francophone qui sera décerné le 6 novembre à Paris.
Deux hommes, Yannick Haenel et Éric Vuillard et deux femmes, Véronique Olmi et Alice Zeniter sont en lice pour succéder à Leila Slimani.
Cette parité est le fait du seul hasard, soutient le jury du Goncourt. « On ne choisit pas en fonction du sexe ou de l’origine de l’auteur. On décide en fonction du livre. C’est la seule chose qui compte », rappelait Bernard Pivot à l’AFP lors de la récente Foire du livre de Francfort.
Auteur de Tiens ferme ta couronne (Gallimard), Yannick Haenel, 50 ans, a manqué d’une voix la semaine dernière le Grand prix du roman de l’Académie française (attribué finalement à Daniel Rondeau pour Mécaniques du chaos).
En lice également pour le Médicis (attribué le 9 novembre), « Tiens ferme ta couronne » est un roman déjanté où l’on croise le cinéaste Michael Cimino, la déesse Diane, un dalmatien nommé Sabbat et un maître d’hôtel sosie d’Emmanuel Macron.
Finalistes du Femina
Véronique Olmi a déjà dans son escarcelle le prix du roman Fnac pour sa poignante Bakhita (Albin Michel). La romancière, âgée de 55 ans, compte parmi les rares auteurs de la rentrée qui cartonnent en librairie. Selon des données de l’institut GfK, son roman, bouleversante histoire d’une petite esclave soudanaise du XIXe siècle proclamée sainte en 2000 par le pape Jean Paul II, fait un tabac en librairie. Plus de 46 000 exemplaires de Bakhita se sont déjà écoulés.
La romancière est également finaliste du prix Femina qui sera décerné le 8 novembre.
Benjamine de la sélection, Alice Zeniter, 31 ans, est aussi la romancière qui a reçu jusqu’à présent le plus de prix y compris… le Goncourt, même s’il s’agit pour l’instant du « Choix Goncourt de la Pologne », une distinction honorifique décernée par des départements de littérature française d’universités polonaises sur la base de la première sélection du Goncourt.
L’art de perdre (Flammarion), un récit puissant sur les non-dits de la guerre d’Algérie racontant le destin d’une famille française dont le grand-père fut harki, a été récompensé par le Prix des libraires de Nancy (un prix présenté parfois comme l’antichambre du Goncourt), le prix littéraire du journal Le Monde et le prix Landerneau des lecteurs.
La jeune romancière, finaliste du prix Femina comme Véronique Olmi, fait également partie des auteurs de la rentrée dont le livre se vend bien en librairie. Selon GfK, plus de 33 000 exemplaires de son roman ont déjà été vendus.
Histoire de millésime
Au milieu de cet aréopage, Éric Vuillard, 49 ans, auteur de L’ordre du jour (Actes Sud), fait un peu figure d’exception. Des quatre écrivains retenus par le jury du Goncourt, il est le seul à ne pas avoir été publié à la rentrée. Sorti au printemps, L’ordre du jour, court récit de 160 pages, retrace de façon saisissante l’arrivée au pouvoir d’Hitler, raconte l’Anschluss et dissèque le soutien sans faille des industriels allemands à la machine de guerre nazie.
Pourquoi ne pas s’être contenté de faire une sélection parmi les seuls livres de la rentrée ?
Interrogé à ce sujet à Francfort, Bernard Pivot admettait quelques divergences de vue entre les dix membres du jury. « Certains d’entre nous trouvent que (les livres de la rentrée) forment un très bon millésime, d’autres que c’est un millésime agréable mais sans plus ».
« Et vous, Bernard Pivot, trouvez-vous que c’est un bon millésime ? », a demandé l’AFP au président du jury Goncourt. « C’est un bon millésime mais pas exceptionnel », a tranché l’ancien animateur d’Apostrophes.
Outre Bernard Pivot, l’académie Goncourt compte dans ses rangs Pierre Assouline, Tahar Ben Jelloun, Françoise Chandernagor, Philippe Claudel, Paule Constant, Didier Decoin, Virginie Despentes, Patrick Rambaud et Eric-Emmanuel Schmitt.
Le Renaudot sera attribué comme le Goncourt le 6 novembre, le Femina le 8 et le Médicis le 9.