Dieudonné, venu en gilet jaune au procès du « Mur des cons »
Françoise Martres, ex-présidente du Syndicat de la magistrature a décrit un trombinoscope "satirique" n'ayant rien à voir avec l'impartialité d'un magistrat en exercice
Au premier jour de son procès à Paris dans l’affaire du « Mur des cons« , qui avait suscité la polémique en 2013, l’ex-présidente du Syndicat de la magistrature a décrit mardi un trombinoscope « satirique » n’ayant rien à voir avec l’impartialité d’un magistrat en exercice.
En avril 2013, une vidéo filmée discrètement par un journaliste de France 3 en visite dans les locaux de ce syndicat classé à gauche avait révélé que des dizaines de photos de politiques, essentiellement de droite, magistrats ou journalistes, y étaient épinglés sur un « Mur des cons ».
« Je ne dis pas que c’est intelligent, je dis que ce n’est pas l’ignominie absolue dont on parle tout le temps », constate Françoise Martres, 61 ans.
Visée par douze plaintes en sa qualité de présidente du SM à l’époque, elle comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour injure publique.
« Il y a une dimension satirique, exutoire, ludique », assure la magistrate. « Sur ce mur, il y a aussi Gargamel, Dark Vador, c’est quelque chose de complètement hétéroclite ».
« On pourra dire que c’est des gamineries, que c’est de très mauvais goût, mais nous n’avons jamais voulu donner une publicité » à ce trombinoscope, insiste-t-elle.
Françoise Martres, poursuivie en tant qu' »éditrice » du « Mur », estime qu’elle doit être relaxée. Elle répète que le trombinoscope n’était plus actualisé quand elle avait pris la tête du syndicat en janvier 2013, qu’il n’avait aucun caractère public et qu’il ne s’agissait certainement pas d’une « expression syndicale ».
Le montage, sans doute le fait de « syndiqués qui ont pu être énervés, exaspérés », est « le produit d’une époque » révolue en 2013, celle où Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur puis président de la République, soutient la magistrate.
« On était dans un climat extrêmement violent où les attaques contre la justice venaient du pouvoir exécutif », « où le juge devait payer tous les jours », explique-t-elle.
Dans le détail, Mme Martres dit ne pas pouvoir expliquer la présence de tous les plaignants sur le mur. « Y’a pas de critère, y’a que des instantanés qui font qu’à un moment donné, quelqu’un va penser ‘Quel con, celui-là’ et va symboliquement l’épingler ».
Un mécanisme de l’ordre, selon elle, de la conversation privée: « ‘Con’, c’est pas non plus l’injure suprême », « on n’a jamais voulu injurier des gens ».
« Neutralité fantasmée »
La publication des images avait écorné l’image du syndicat et de la magistrature dans son ensemble. Aujourd’hui encore, la droite et l’extrême droite invoquent cette affaire pour dénoncer la partialité supposée de certains magistrats.
« Aujourd’hui, on a bien conscience que cette publication sert quand on veut discréditer la justice », constate la prévenue, qui voit là une « manipulation grossière ».
« L’impartialité de la justice ne peut être confondue avec la neutralité fantasmée d’un juge, qui est un citoyen, qui a des opinions, qui vote, mais qui est impartial dans l’exercice de ses fonctions », défend-elle.
Une quinzaine de plaignants, majoritairement de droite et d’extrême droite, se sont lancés à l’assaut du « Mur ».
Douze poursuivaient initialement la magistrate: neuf élus ou ex-élus LR, le Rassemblement national, le maire de Béziers Robert Ménard et un père de victime, Philippe Schmitt, auquel la prévenue a renouvelé ses « excuses ».
S’y sont greffées d’autres dont les portraits figurent au « Mur »: Nadine Morano (LR) et Philippe de Villiers, absents, le polémiste Dieudonné, venu en gilet jaune. Cette action devrait être jugée prescrite, mais elle leur permet de s’offrir une tribune dans l’intervalle.
« C’est quand même extraordinaire que toutes ces parties civiles se donnent la main dans une espèce d’idéologie commune de détestation du syndicalisme », a raillé Antoine Comte, l’un des avocats de Mme Martres.
Entendu comme témoin, le journaliste qui avait filmé la scène, Clément Weill-Raynal, a assuré qu’il était « à mille lieues de penser que ça allait devenir un événement ». « Je ne regrette pas de l’avoir fait », a-t-il déclaré.
Le procès se poursuit jusqu’à vendredi.