Dissensus au sommet de l’Etat sur les priorités politico-militaires
Pour les leaders politiques il s’agit du conflit avec les Palestiniens ; pour les militaires, il s’agit de l’Iran

Naftali Bennett et Tzipi Livni ne sont pas d’accord sur grand chose…
Bennett, le ministre de l’Economie, voit la Cisjordanie comme une partie inséparable du pays et souhaite l’annexion des implantations. Livni, la ministre de la Justice, déclare qu’Israël ne peut rester un Etat juif et démocratique que par l’évacuation de ces mêmes implantations.
Mais ils sont d’accord sur un point : Israël doit briser le statu quo avec les Palestiniens.
Bennett et Livni ont fait partie des cinq hommes politiques qui ont présenté une série de réponses au conflit israélo-palestinien dimanche à la conférence annuelle de Herzliya. Plus qu’une simple conférence sur la sécurité nationale, il s’agissait d’un rassemblement de l’élite politique et militaire israélienne, réunissant à la fois responsables militaires et experts en matière de sécurité.
Leurs débats ont bien montré les fissures dans la coalition au pouvoir. Mais la plus grande division à Herzliya ne se trouvait pas entre les faucons et les colombes ; on le retrouvait plutôt entre les hommes politiques qui donnaient la priorité au règlement du conflit israélo-palestinien et les responsables militaires qui l’ignoraient complètement.
L’évaluation de la direction militaire du pays différait peu de la conférence de l’an dernier, en dépit de l’effondrement récent des pourparlers de paix israélo-palestinien et de l’accord d’union entre le Fatah et le Hamas, considéré comme un mouvement terroriste par la plupart des capitales occidentales.
Ces derniers développements, les hommes politiques les voient comme des changements majeurs, alors qu’ils n’ont été mentionnés qu’en passant par les responsables militaires, qui se sont surtout focalisés sur les menaces émanant de l’Iran, de la Syrie, du Liban et d’ailleurs.
« Nous sommes dans un Moyen-Orient qui a subi un choc », a déclaré le chef d’état-major Benny Gantz dans un discours qui portait principalement sur les tensions aux frontières d’Israël. « L’instabilité dramatique est une constante dans cette région et nous devons pouvoir nous tenir prêts ».
Alors que les responsables militaires ont parlé des missiles, des menaces et des alliances stratégiques régionales, les politiciens étaient préoccupés principalement par la politique intérieure et les valeurs sionistes, ainsi que la légitimité internationale.
L’un après l’autre, les dirigeants des cinq principaux partis israéliens ont fait des propositions très divergentes sur la façon dont Israël devrait procéder après l’échec des négociations de paix.
Bennett a suggéré une annexion partielle de la Cisjordanie. Yair Lapid, ministre des Finances, a plaidé pour un retrait. Livni et le chef du parti travailliste, Isaac Herzog, ont réclamé une approche plus agressive pour les négociations avec les Palestiniens.
Chaque intervenant a critiqué les autres. Lapid et Bennett, alliés politiques d’un jour, ont qualifié de « délirantes » les propositions de l’autre.
« L’ère d’Oslo est terminée », a déclaré Bennett. « Maintenant le temps est venu d’admettre qu’il n’a tout simplement pas fonctionné. Nous devons penser autrement pour mettre en place une nouvelle réalité. »
Lapid a déclaré que l’absence d’une solution à deux Etats au conflit pourrait conduire à la destruction d’Israël et a appelé Israël à présenter une carte des frontières proposées avant même la reprise des négociations.
Deux hommes politiques n’ont pas semblé particulièrement gênés par l’état actuel du conflit : le ministre de la Défense Moshe Yaalon et le ministre de l’Intérieur Gideon Saar, tous deux membres du Likud. Ces derniers ont coupé court à toute idée d’un compromis territorial et rejeté l’échec des négociations sur le refus palestinien de reconnaître Israël comme un Etat juif.
« Je pense que nous avons fait une erreur avec l’équation la terre pour la paix », a déclaré Yaalon. « Le conflit n’est pas sur la création d’un Etat palestinien. Il porte justement sur l’existence d’un foyer national juif ».
Une question qui a fait un large consensus parmi les intervenants de la conférence fut la nécessité d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. Ceux-ci se sont déclarés pour le moins sceptiques à l’idée que les négociations autour du programme nucléaire iranien, entre les puissances mondiales et l’Iran puissent réussir.
« Il est clair pour nous que ce régime n’a pas renoncé à l’option d’une capacité militaire nucléaire et qu’il est en train de tendre vers cet
objectif », a déclaré Yaalon. « Et ce régime pense qu’il va réussir à négocier avec l’Occident en menant une offensive de charme ».
Le ministre du Renseignement israélien Yuval Steinitz (Likud) a déclaré qu’un Iran nucléaire constituerait un danger autrement important qu’une impasse politique avec les Palestiniens.
« Si l’on s’achemine vers un scénario difficile à partir d’aujourd’hui et d’ici dix ans, avec un Iran détenteur de dizaines d’armes [nucléaires], tous les plans de paix apparaîtront comme un échec total », a déclaré Steinitz.
« Avec un Iran nucléaire, même Shimon Peres pourra jeter aux oublis tous ses plans de paix », a-t-il poursuivi.