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Effrayée par la charia, la communauté LGBT de Brunei pense au départ

Les homosexuels menaient déjà "une existence secrète" avant cette législation et ils sont encore plus effrayés à présent, explique une Brunéienne qui a demandé l'asile au Canada

Le sultan de Brunei Hassanal Bolkiah, le 3 avril 2019. (Crédit : AFP)
Le sultan de Brunei Hassanal Bolkiah, le 3 avril 2019. (Crédit : AFP)

Zoella Zayce, une jeune femme transgenre originaire de Brunei, a fui l’an dernier ce pays d’Asie du Sud-Est évoluant vers un islam rigoriste et elle s’attend à une vague de départs dans la communauté LGBT effrayée par un nouveau code pénal qui punit l’homosexualité de lapidation.

La monarchie absolue du sultan Hassanal Bolkiah, souverain de Brunei, petit Etat musulman situé sur l’île de Borneo, a instauré mercredi la peine de mort par lapidation pour punir l’homosexualité entre hommes et l’adultère, une nouvelle législation d’inspiration islamique.

Ce nouveau code pénal a suscité les protestations d’ONG, de personnalités et de gouvernements sur toute la planète. La star du cinéma américain George Clooney a lancé un appel au boycott de neuf hôtels de luxe liés au sultan de Brunei, relayé par un nombre croissant de personnalités et d’élus.

A Brunei, la petite communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres), qui se faisait déjà très discrète dans ce pays adepte d’un islam conservateur, se dit horrifiée par ces nouvelles lois.

Les lois que « Brunei a adoptées violent les droits humains élémentaires », dénonce un homosexuel de 33 ans qui parle à l’AFP sous couvert de l’anonymat.

« Toutes ces condamnations et ces appels au boycott sont parlants. Brunei devrait tout simplement abandonner ces lois et continuer à pratiquer un islam modéré », plaide-t-il.

« Intimidation »

Zoella Zayce, 19 ans, elle, a fui l’an dernier Brunei pour se réfugier au Canada où elle a déposé une demande d’asile.

Dès 2013, le sultan de Brunei avait annoncé l’adoption d’un nouveau code pénal inspiré de la charia la plus stricte, mais devant les protestations de la communauté internationale, l’entrée en vigueur des peines les plus sévères avait été repoussée. Les nouvelles lois ont finalement été instaurées cette semaine.

Les homosexuels menaient déjà « une existence secrète » avant cette législation et ils sont encore plus effrayés à présent, explique Zoella Zayce.

« Certains sont très inquiets et voudraient quitter le pays avant que ne soit révélé qu’ils ne sont pas hétérosexuels », ajoute la demandeuse d’asile.

Khairul, un homosexuel de Brunei qui n’a souhaité donner qu’une partie de son nom, voit ces lois comme une « intimidation ». « Quand je serai prêt, je partirai pour une communauté plus sûre », assure-t-il.

Les rapports sexuels entre hommes étaient déjà illégaux et passibles de 10 ans de prison à Brunei. Avec cette nouvelle législation, ils exposent à la peine capitale par lapidation tandis que les rapports sexuels entre femmes sont passibles de flagellation et d’une peine de 10 ans de prison.

Pas de lieu de réunion

Difficile d’évaluer la taille de la communauté LGBT de ce pays de quelque 400 000 habitants puisqu’il n’existe pas d’endroit où ses membres puissent se réunir ouvertement. Aucun bar ou club ne veut être associé avec la communauté gay et aucune donnée ne semble disponible.

« La communauté LGBT est très discrète et (ses membres) sont généralement beaucoup moins ouverts que dans certains pays voisins de Brunei, comme la Thaïlande », explique à l’AFP Matthew Woolfe, fondateur de l’organisation de défense des droits humains The Brunei Project.

« Le gouvernement ne veut pas de contact avec la communauté LGBT et aucune association ne s’occupe d’elle », observe-t-il.

Drapeau du LGBTQ (Crédit : Wikimedia commons)

Matthew Woolfe a organisé le premier « évènement LGBT » dans le pays en 2016 : une réunion dans un hôtel pour marquer la journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. En réaction, il a été interdit de séjour à Brunei.

Si la population, aux deux tiers musulmane, soutient généralement la nouvelle législation inspirée de la charia, les analystes doutent que les peines les plus sévères soient jamais appliquées.

Les conditions pour que la justice prononce une sentence de lapidation restent en effet exceptionnelles: un accusé doit soit avouer son crime, soit l’avoir commis devant au moins quatre témoins.

Dans ce royaume où la dernière exécution capitale remonte à 1957, le nouveau code pénal pourrait surtout aider le sultan à gagner le soutien de la frange la plus conservatrice de la population.

Toutefois, certains membres de la communauté LGBT restent confiants. « Si l’on reste discrets, tout ira bien », assure une femme transgenre de 23 ans sous couvert de l’anonymat.

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