En Syrie, le Hezbollah a acquis une précieuse expérience anti-guérilla
Après celle acquise avec Israël lors de la guerre du Liban, le groupe chiite terroriste libanais complète sa "formation" avec la guerre en Syrie
Le mouvement chiite libanais Hezbollah, qui avait fait ses premières armes contre l’armée israélienne dans le sud du Liban, a parachevé sa formation en acquérant contre les rebelles en Syrie une précieuse expérience de lutte anti-guérilla.
Sa stratégie et son vocabulaire ont changé depuis 18 mois. Il était le gibier que « l’ennemi sioniste » cherchait à abattre avec ses chars et ses avions. Il est devenu chasseur de « takfiri », terme désignant dans son vocabulaire les extrémistes sunnites hostiles à Bachar al-Assad.
« Une nouvelle génération de combattants du Hezbollah apparaît en Syrie. Ils sont devenus très bons dans la tactique de petites unités capables de s’adapter sur le terrain face à des ennemis en chair et en os », explique à l’AFP Andrew Exum, ancien responsable au ministère américain de la Défense.
Selon les estimations, le Hezbollah compte au moins 5 000 combattants en Syrie, auxquels s’ajoutent les milliers d’autres qui reçoivent au Liban une formation militaire et se préparent à se déployer sur le terrain.
Les responsables du mouvement affirment avoir reçu tellement de demandes d’engagement qu’ils n’ont plus besoin de campagne de recrutement.
Après une enquête sur la personne et sur ses connaissances religieuses, la nouvelle recrue suit une formation au Liban. Selon des combattants, ce premier contact se déroule dans la région de Baalbeck ou dans des villages chiites du sud et dure entre 40 jours et trois mois.
Plus tard, certains partent en Iran suivre une formation de deux mois pour occuper des postes de commandement ou se spécialiser dans les armes lourdes.
« En 2006, l’ennemi était clairement identifié : c’était Israël. Mais en Syrie, ils sont multiples (les Djihadistes) de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ou ceux du Front al-Nosra, de l’Armée syrienne libre (ASL) », confie le combattant Abou Ali.
« Ici, nous connaissons parfaitement notre terre mais en Syrie, le terrain ne nous est pas familier et en plus il est vaste et divers: il y a du désert, de la montagne et des vallées », explique ce quadragénaire.
Pour Jeffrey White, un ancien responsable du renseignement militaire américain, le conflit en Syrie permet au Hezbollah « d’acquérir une bonne connaissance de la guerre irrégulière et une expérience du combat ».
« Le Hezbollah mène des opérations offensives. Cette guerre (…) nécessite des unités plus importantes, des combats de longue durée et des manœuvres complexes », écrit-il dans un rapport du Centre de lutte contre le terrorisme.
Former les Syriens
Outre les combats, le Hezbollah assure aussi en Syrie une formation pour les forces pro-régime.
« Ils n’ont pas d’expérience de la guerre urbaine, ni comment agir avec la guérilla, alors c’est nous qui dirigeons la bataille, et nous les avons entraînés sur la manière de se comporter dans ce type de bataille et comment utiliser certains types d’armes », explique Abou Hussein, un autre combattant du Hezbollah.
Cette expérience sur un vrai champ de bataille est précieuse pour le groupe, note l’Institut d’études de la guerre basé à Washington. Désormais, il possède « des cadres qui ont acquis la pratique de conduire des opérations offensives en milieu urbain ».
« En outre, les unités du Hezbollah ont obtenu une connaissance dans la coordination avec des forces alliées dans le combat et en matière de soutien logistique sur de longues périodes », ajoute le rapport.
Mais les pertes sont lourdes: le nombre de combattants tués est estimé à environ 300.
Et le Hezbollah a dû modifier sa rhétorique, jusqu’alors centrée sur Israël.
Son chef Hassan Nasrallah a plusieurs fois souligné qu’il fallait empêcher les extrémistes sunnites présents en Syrie d’entrer au Liban, et a même tenté de lier ses deux ennemis en évoquant un complot « américano-israélo-takfiri ».
Beaucoup de militants combattent aussi pour protéger les lieux saints chiites en Syrie, explique Philip Smyth, expert du mouvement à l’université de Maryland.
« Le conflit est présenté comme un jihad défensif pour protéger les lieux religieux et avec en arrière-plan la crainte pour leur confession dans la région », a-t-il dit à l’AFP.
En effet, si cet engagement du Hezbollah provoque la colère des sunnites libanais et menace un peu plus la stabilité du pays, peu de chiites semblent s’y opposer.