Enlèvement des adolescents : qu’en est-il du droit de savoir ?
Jusqu’à quel point l’information peut-elle être étouffée pour de (bonnes) raisons ?
Mitch Ginsburg est le correspondant des questions militaires du Times of Israel

Lundi, le quotidien Maariv a titré en gros caractères : « Nous supposons que les kidnappés sont vivants » a affirmé un porte-parole de l’armée israélienne. La citation se voulait rassurante. Mais elle s’écartait un peu de la vérité.
En fait, le général Motti Almoz avait élaboré dimanche une déclaration en forme de litote : « Notre hypothèse de travail est qu’ils sont encore en vie parce que l’information que nous avons nous permet de formuler cette hypothèse ».
Ce qui est donc aussi une autre façon de dire : nous ne pouvons pas prouver qu’ils sont morts.
Ce genre de chose est déjà arrivé. Karnit Goldwasser, dont le mari Udi a été enlevé et tué le 12 juillet, 2006 – un meurtre qui avait déclenché la deuxième guerre du Liban – avait reçu le rapport médical de l’armée israélienne le 14 août, un jour après que le cessez-le-feu soit entré en vigueur. Le général Elazar Stern, responsable des ressources humaines de l’armée, s’était alors présenté à la maison de la mère d’Uri Goldwasser avec un projecteur et avait montré les images sur le mur du salon.
Ce sont les faits : la Jeep avait été pilonnée par des missiles anti-tanks. Les tireurs d’élite avaient été placés sur chaque porte unique du Hummer. Udi avait été visé par un lance-roquettes. On avait informé Karnit Goldwasser que les brûlures de roquettes à travers le corps atteignaient 2 500 degrés. Dans ses mémoires, The Road to You, elle décrit le général Stern inspirant profondément et déclarant à la famille :
« l’état de Udi n’est pas bon du tout ». Le meilleur des cas, leur avait-on dit, était qu’il ne pouvait pas avoir survécu pendant 30 minutes avant la réception des soins médicaux.
Six mois plus tard, elle a rencontré Ehud Olmert ,alors Premier ministre. Il a évité de la regarder dans les yeux.
« Sa vérité, il le savait, était mon désastre personnel », écrit-elle. « Il était difficile pour lui de me regarder dans les yeux et de dire : Karnit, je pense qu’Udi est mort ».
Elle a mentionné à Olmert le rapport médical indiquant qu’il y avait 99 % de probabilité que son mari soit décédé. « Il m’a dit qu’il n’avait pas encore entendu parler d’un enterrement pour quelqu’un qui n’était que mort à 99 % » écrit-elle.
Ce qui est vrai, bien sûr. Et peut-être méritait-elle la tranquillité d’esprit d’enterrer son mari, et ce même au prix de libérer le terroriste Samir Kuntar, quatre hommes du Hezbollah, et de remettre les corps de 199 terroristes libanais et palestiniens. C’est peut-être un service légitime que l’Etat offre à ses citoyens. Mais le public, alors comme aujourd’hui, a été largement maintenu dans l’ignorance de l’état des soldats.
Un cas bien plus flagrant de mépris pour le droit de savoir des citoyens israéliens, confirmé par une cour de justice, a été celui d’Elhanan Tannenbaum, qui a disparu quelques jours après que trois soldats aient été tués et enlevés dans la région de Har Dov en octobre 2000.
Beaucoup ont supposé que le colonel de réserve était un combattant du Mossad, qui était parti à la recherche des trois soldats enlevés. Mais les tribunaux ont interdit au public de connaître la vérité : qu’il avait voyagé à Dubaï pour sceller une transaction de drogue avec un concessionnaire libanais et un membre du Hezbollah.
En janvier 2004, le Hezbollah a libéré Tannenbaum et livré la dépouille des trois soldats morts en échange de 435 prisonniers, dont Mustafa Dirani et le cheikh Karim Obeid.
La situation actuelle est bien différente. Eyal Yifrach, Gil-ad Shaar, et Naftali Fraenkel ne violaient pas la loi. L’armée, la police et le Shin Bet devraient continuer à faire tout leur possible pour les retrouver.
Mais comme l’opération dure et entame sa deuxième semaine, que le nombre de morts palestiniens s’élève, que les rues s’animent avec les manifestations, déplaçant peut-être l’opinion publique palestinienne davantage vers le Hamas, la question est de savoir si les citoyens d’Israël doivent être davantage au courant.
L’information et autres éléments de preuve doivent-ils être relayés au grand public ou étouffés sur ordre de la justice ? En d’autres termes, les citoyens israéliens ont-ils le droit de savoir si leurs soldats, en retournant chaque pierre, sont à la recherche de captifs ou de cadavres ?