Enrichissement de l’uranium: Téhéran envoie un « rappel » à Paris
"Il n'y a rien qui interdise à l'Iran d'enrichir l'uranium dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires", a écrit le ministre des Affaires étrangères iranien Zarif
Le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif a adressé lundi un « rappel » à Paris sur la possibilité pour l’Iran d’enrichir l’uranium, après une série de tweets d’un haut diplomate français ayant déplu à Téhéran.
« Rappel à nos partenaires du groupe E3 » (France, Allemagne et Grande-Bretagne): « il n’y a rien qui interdise à l’Iran d’enrichir l’uranium » dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015 et la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU, a écrit M. Zarif sur son compte Twitter.
« Il pourrait être utile que nos partenaires européens lisent réellement les documents qu’ils ont signé et qu’ils jurent vouloir défendre », a ajouté le ministre.
Aux côtés de la Chine, des Etats-Unis et de la Russie, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne sont les trois parties européennes à l’accord sur le nucléaire iranien, conclu à Vienne en juillet 2015 avec la République islamique, avant d’être endossé au Conseil de sécurité par la résolution 2231.
Reminder to our E3 partners in #JCPOA: There is NO prohibition on the enrichment of uranium by Iran under #NPT, JCPOA or UNSCR 2231.
Neither now, nor in 2025 or beyond.
Might be useful for European partners to actually read the document they signed on to, and pledged to defend.— Javad Zarif (@JZarif) April 15, 2019
Les Etats-Unis se sont retirés unilatéralement en mai 2018 de ce pacte par lequel Téhéran a accepté de brider son programme nucléaire et s’est engagé à ne jamais chercher à se doter de la bombe atomique, obtenant en échange la levée d’une partie des sanctions économiques internationales à son endroit.
Par une série de tweets publiés samedi en anglais sur son compte Twitter « personnel », l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud s’est attiré les foudres de Téhéran.
‘Droit inaliénable’
« Il est faux de dire qu’à l’expiration du JCPOA (l’acronyme anglais de l’accord de Vienne, ndlr), l’Iran sera autorisé à (enrichir) l’uranium. Aux termes du TNP et de son protocole additionnel, (ce pays) devra prouver, sous stricte surveillance, que ses activités nucléaires sont civiles », a écrit M. Araud.
Ces propos ont été condamnés dimanche par Abbas Araghchi, un adjoint de M. Zarif.
« Si les tweets (de M. Araud) représentent la position française, nous nous trouvons face à une violation majeure » de l’accord sur le nucléaire et de la résolution 2231, a écrit M. Araghchi sur Twitter, exigeant de Paris une « clarification immédiate ».
Les tweets de M. Araud, qui semblaient destinés à défendre l’accord sur le nucléaire iranien face à un public américain, ont été effacés depuis lors.
L’enrichissement de l’uranium permet de produire du combustible pour les centrales nucléaires de production d’électricité. Mais hautement enrichi, et en quantité suffisante, l’uranium peut permettre la fabrication d’une bombe atomique.
Aux termes de l’accord de Vienne et de la résolution 2231, l’Iran est autorisé à enrichir de l’uranium, mais en quantité limitée, et à un niveau faible (3,67 %).
L’article IV du TNP (signé et ratifié par l’Iran) stipule qu' »aucune disposition du (…) Traité ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inaliénable de toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la production, et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination et conformément » aux limites fixées par le traité.
Aux termes de l’accord de Vienne, l’Iran applique le « protocole additionnel » au TNP, qui impose un régime de surveillance renforcée de ses installations nucléaires par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
L’Iran, l’Europe, la Russie et la Chine manifestent leur volonté de continuer à faire vivre l’accord malgré le retrait américain, mais la République islamique s’impatiente face aux pays du groupe E3, auxquels elle reproche de ne pas en faire assez pour l’aider à contourner les sanctions réimposées par Washington contre Téhéran en 2018.