Environnement : des experts israéliens veulent mieux influencer les décideurs
Les chercheurs doivent aider les politiciens et le public à davantage s'identifier aux dangers environnementaux
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Les chercheurs et les activistes qui veulent gagner la bataille du cœur et de l’esprit auprès des politiciens et du public israélien doivent expliquer les dangers environnementaux avec un langage auquel la majorité des citoyens sauront s’identifier, ont expliqué lundi des spécialistes lors d’une conférence.
Les participants à une conférence en ligne, organisée par le Fonds de l’Environnement et de la santé, ont averti que les rapports scientifiques et les problèmes transmis dans le cadre d’une vue d’ensemble pouvaient échouer à convaincre les décisionnaires ou les Israéliens de l’urgence de prendre en charge le dossier écologique.
« Le citoyen moyen ne s’approprie pas les problèmes complexes, il ne parvient pas à créer un lien avec ces choses qui si éloignées dans l’atmosphère et, par exemple, l’asthme dont il souffre », a déclaré le professeur Manuel Trajtenberg, économiste qui a servi à la Knesset de 2015 à 2017 et qui est dorénavant enseignant à l’université de Tel Aviv.
Trajtenberg est particulièrement connu pour le travail qu’il avait livré en faveur d’un plan gouvernemental qui avait voulu réduire le coût de la vie suite à l’important mouvement de protestation socio-économique de 2011 – où les plaintes sur le prix du fromage blanc et du logement notamment avaient entraîné une cascade de prises de conscience publiques qui avait débouché sur des manifestations majeures.

Le professeur Michael Hartl, directeur-général de l’Institut Myers-JDC-Brookdale, a expliqué que les universitaires avaient besoin d’améliorer leurs compétences en termes de communication et de compréhension politique s’ils désiraient aller de l’avant.
« Nous avons de grands professionnels dans les secteurs de la santé et de l’environnement mais ces derniers doivent en apprendre davantage sur les moyens dont ils disposent pour mieux influencer les décisionnaires. Faire des rapports sur des résultats de recherche ne suffit pas », a-t-il estimé.
Les politiciens préfèrent habituellement apporter des réponses simples, en se tenant à distance de ce qui peut paraître plus complexe, a-t-il ajouté, notant qu’un problème visible avec une solution visible pouvant être soumise aux électeurs était plus gérable que ne l’est la prise en charge d’un problème à long-terme dont les Israéliens ne constateront que quelques résultats obtenus à moyen terme.

Dov Khenin, ancien membre de la Knesset, défenseur actif des droits de l’Homme et très engagé dans les questions sociales et environnementales, a estimé que les politiciens ne prêteraient attention aux problèmes que lorsque ces derniers les toucheraient eux-mêmes politiquement.
« À travers de nombreux aspects, la politique israélienne est très primitive », a-t-il déclaré. « Depuis de nombreuses années, elle n’évolue qu’autour des questions juives et arabes et autour de ce qu’il faut faire avec la Cisjordanie et Gaza. Aujourd’hui, elle se concentre sur le ‘oui, Bibi’ ou sur le ‘non, Bibi’, » a-t-il ajouté, se référant à une série de campagnes électorales qui se sont transformées en autant de référendums sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Les défis environnementaux sont encore observés sous le prisme étroit de la « protection des libellules », a continué Khenin. « Quand on s’efforce de promouvoir une discussion sur des problèmes allant au-delà de cela, les gens [les députés de la Knesset] ne viennent pas parce que l’environnement n’est pas politique et qu’eux ne s’engagent qu’en politique ».
Il a suggéré que la pandémie avait prouvé la volonté publique d’effectuer de grands changements dans les modes de vie – comme ne plus voyager – lorsque des vies sont en danger et il a suggéré de tirer parti de cette volonté pour réaliser des améliorations dans la politique environnementale.

Le Fonds de l’Environnement et de la Santé est une organisation à but non-lucratif qui rassemble chercheurs, responsables du gouvernement et société civile pour examiner et recommander des politiques sur des questions de santé environnementales – pollution de l’air, effet du tabagisme passif, qualité de l’eau, étude de l’usage de pesticides et de produits chimiques dans l’alimentation et changement climatique, entre autres.
Selon un nouveau rapport qui a été conjointement publié par le Fonds et le ministère de la Santé dans la journée de lundi, la pollution de l’air a baissé entre 2017 et 2020, grâce, très largement, à la réduction de l’utilisation de charbon et de produits pétroliers et à l’installation de filtres sur les cheminées des usines, des mesures qui avaient été décidées par le ministère de l’Energie.

Le rapport a aussi noté que les réglementations actuelles garantissaient dorénavant l’absence totale de plomb dans l’eau potable et que les pesticides dangereux – comme le désherbant paraquat ou le pesticide chlorpyrifos – avaient soit été interdits au sein de l’Etat juif, soit qu’ils étaient sur le point de l’être. (le glyphosate – un désherbant connu sous le nom de Roundup – est encore autorisé dans le pays).
Le directeur-général sortant du ministère de la Santé, Itamar Grotto, avait indiqué qu’Israël allait adopter les normes de l’Union européenne en ce qui concerne les pesticides, ce qui va encore restreindre la vente de ces produits toxiques.
Le rapport a compris également des recommandations politiques remises à jour – elle étaient déjà présentes dans le rapport précédent, en 2017 – des recommandations qui, avaient espéré de nombreuses personnes, pourraient servir de bases à un éventuel plan environnemental national. Ces espoirs avaient été sapés par l’instabilité politique qui sévit depuis ces deux dernières années.
Plus de contrôles, plus d’études
Les participants à la conférence ont également salué la création d’un laboratoire de biocontrôle humain national, qui teste des échantillons de sang et d’urine pour y détecter d’éventuelles traces de métal, de nicotine et autres, et qui tente également de trouver des minéraux, comme l’iode, dans l’eau potable.
L’année prochaine, le Fonds espère pouvoir soutenir des enquêtes plus larges sur les effets sur les êtres humains des produits chimiques dits « éternels » qui se retrouvent dans des produits de consommation tels que les ustensiles de cuisine, les détachants et les emballages alimentaires. Ces produits chimiques ont d’ores et déjà été décelés dans les nappes phréatiques du pays et ils ont été retrouvées également dans l’eau potable sur l’ensemble du territoire américain.

La professeure Ilana Belmkar de l’université Ben-Gurion du Negev a réclamé des études plus poussées sur les effets sur la santé humaine de l’ingestion de micro-plastiques – dont les fragments minuscules se retrouvent dorénavant partout, des mers les plus profondes jusqu’aux pôles nord et sud et même dans le placenta des enfants qui se trouvent encore dans le ventre de leur mère.
Figurent aussi sur la liste des tâches qui devront être réalisées l’année prochaine la création d’un registre chimique, la remise à jour des régulations sur l’eau potable et sur la propreté de l’air, la collecte de données plus complètes sur l’eau potable et le lancement de recherches sur la qualité de l’air dans les espaces fermés.